Emploi des jeunes, égalité salariale, parité, handicap : pourquoi multiplier les lois que personne n’applique n’aboutit qu’à plomber les causes défendues <!-- --> | Atlantico.fr
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La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances serait peu et mal appliquée.
La loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances serait peu et mal appliquée.
©Reuters

Inflation législative

Le député UMP de l’Ain, Damien Abad, a proposé une loi handicap (examinée jeudi à l'Assemblée) visant à faire en sorte que, dans chaque loi, il existe des dispositions pour adapter son contenu aux personnes handicapées. Notamment car la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances serait peu et mal appliquée.

François Dupuy

François Dupuy

François Dupuy est Directeur Académique du Centre Européen d'Education Permanente (CEDEP) et consultant indépendant.

Il est l'auteur de La fatigue des élites : Le capitalisme et ses cadres (Seuil, avril 2005)  Lost in management : La vie quotidienne des entreprises au XXIe siècle (Seuil, février 2011) et Sociologie du changement - Pourquoi et comment changer les organisations (Dunod, janvier 2004).

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Atlantico : Le député UMP de l’Ain, Damien Abad, a proposé une loi handicap (examinée jeudi à l'Assemblée) visant à faire en sorte que, dans chaque loi, il existe des dispositions pour adapter son contenu aux personnes handicapées. La législation présente-t-elle une réelle solution pour pallier les inégalités présentent à l’œuvre dans le monde du travail ?

François Dupuy : Légiférer pour résoudre les problèmes qui se posent dans le monde du travail est une tentation qui habite tous les politiques. Cela tient à la centralisation française qui implique une croyance sans faille dans le rôle de l'Etat pour tout réglementer. Dans le cas présent l'intention est bonne, mais elle contribue à la complexité toujours croissante de l'arsenal législatif. On peut penser qu'il serait sans doute plus efficace que l'Etat, premier employeur donne l'exemple dans l'application effective de ce qui existe déjà. L'exemplarité serait sans doute plus efficace que la contrainte.

Que ce soit pour le handicap, la parité ou encore pour favoriser l’emploi des jeunes, n’existe-t-il pas d’autres leviers que la législation pour favoriser l’emploi des jeunes, l’intégration des personnes en situation de handicap ou encore l’égalité salariale ?

La loi doit sans doute donner un cadre. Mais ensuite il faut initier des mouvements, favoriser des initiatives, les valoriser, communiquer sur les résultats obtenus. Le meilleur exemple est celui de la parité homme/femme : la loi s'y intéresse d'un point de vue moral. Mais la mise en évidence de l'efficacité des femmes au travail, de leur investissement, du gaspillage que représente pour les entreprises et la collectivité leur sous-utilisation et la sous-rémunération qui y est liée obtiendrait sans doute de meilleurs résultats.

La puissance publique est-elle impuissante face aux inégalités ?

La puissance publique n'est pas impuissante face aux inégalités, mais sa puissance est limitée. Encore une fois, elle peut définir ce qui n'est pas acceptable, des limites à ne pas franchir et, éventuellement, des sanctions. Elle ne peut pas régler l'ensemble des questions qui se posent dans des sociétés aussi complexes que les nôtres. Chercherait-elle à le faire que ses prescriptions deviendraient contradictoires et opposables les une aux autres, comme c'est d'ailleurs le cas aujourd'hui dans les entreprises, victimes de leur soif de contrôle. La puissance publique peut inciter, faire de la pédagogie, jouer sur l'exemplarité, elle ne peut pas tout régir.


Lois sur le handicap, la parité, l'égalité salarial, etc… Ces dispositions ne vont-elles pas à l’encontre du choc de simplification promis par François Hollande ?

Le problème aujourd'hui, c'est que toute loi (ou décret) ajoute sans que rien ne soit jamais retranché. Il en résulte un effet inverse à celui recherché : une grande confusion et donc un caractère très aléatoire dans l'application du droit. Non seulement ce qui régit la vie collective et donc celle des entreprises est de plus en plus complexe et confus mais il en résulte que c'est le juge, plus que le législateur qui dit le droit. Car la complexité a, comme effet induit, une complexité toujours plus grande à interpréter les textes et à les mettre en cohérence les uns par rapport aux autres. Nos législateurs segmentent les problèmes et les réponses qu'ils veulent apporter et personne n'a une vue d'ensemble et intégrée de ce qui est produit. On atteint très vite des univers Kafkaiens.

La France a-t-elle tendance à légiférer sur tous les sujets ? Quels sont les risques de cette inflation législative ?

Qu'est-ce qu'un bon ministre : un ministre qui fait des lois, qui institutionnalise tous les aspects des rapports sociaux. Rappelons que la France est un univers de non-confiance et que la sphère politico-administrative pense qu'elle doit légiférer sur tout car on ne peut faire confiance aux acteurs pour s'organiser par eux-mêmes. La tentation qui existe aujourd'hui "d'institutionnaliser" les groupes de femmes qui se sont spontanément constitué dans les entreprises est catastrophique. C'est le meilleur moyen d'aseptiser leur action, de la canaliser, de la "classer" dans des catégories connues et maitrisées par le politique. Dans le fond, les politiques quels qu'ils soient préfèrent manier la baguette du maitre d'école que celle du chef d'orchestre.

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