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Le discours du chef de l'Etat était articulé autour de trois points ce mercredi 22 juin.
Le discours du chef de l'Etat était articulé autour de trois points ce mercredi 22 juin.
©Ludovic MARIN / AFP

Réaction du président de la République

Emmanuel Macron a réussi à être surprenant dans sa pourtant courte prise de parole d’hier soir tant il a semblé une fois de plus enfermé dans une bulle, totalement hors-sol et déconnecté des réalités politiques du pays.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Son discours s’est articulé en trois points, le premier étant une longue introduction en forme de bilan de la situation dans laquelle se trouve aujourd’hui la France politique. Il a ainsi débuté en expliquant que les Français lui avaient renouvelé leur confiance, et qu’il avait donc à la fois un projet clair et sa légitimité propre. Hélas, il y eut bien une forte abstention qui trouble la lisibilité démocratique de cette phase électorale – bien plus d’ailleurs visiblement dans son esprit celle des législatives que celle de la présidentielle, mais qu’importe. 

Il a ensuite tiré les leçons du fait que sa coalition, Ensemble, n’ait obtenu qu’une majorité relative, et expliqué qu’un « gouvernement d’union nationale » n’était pas « justifié à [ses] yeux » - oubliant bien facilement qu’il ne l’était pas plus aux yeux de ceux auxquels il a fait cette proposition ces derniers jours et qui lui ont tous claqué la porte au nez. Il est vrai que ce devait être pénible à dire. Pour éviter « l’immobilisme » (on sait que l’hôte de l’Élysée l’a en horreur), il allait donc falloir inventer une nouvelle forme de gouvernement, traduisant le dépassement – il est plusieurs fois revenu sur ce terme – des clivages politiques et des postures, et ce grâce au dialogue et au compromis. Mais le tout dans la « clarté » et la « responsabilité ». 

Quelle est alors cette clarté qui éviterait l’imbroglio dans lequel la vie politique française est plongée ? Elle ne saurait bien évidemment qu’émaner de Jupiter lui-même, et le Président est alors revenu sur ce fameux « projet cohérent », son programme qu’auraient validé les Français en avril : indépendance, Europe plus forte, et améliorations dans tous les domaines – social, école, santé, justice, écologie -, il ne manquait à l’inventaire que le raton laveur de Prévert. Pour cela, il allait falloir beaucoup d’argent, mais sans augmenter les impôts ni creuser la dette, ce qui suppose, on le comprend bien, des « réformes ambitieuses » faites en responsabilité, comme on dit maintenant dans les cabinets de conseil. 

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Et si la France était beaucoup moins bloquée qu’on le croit même avec une Assemblée qui, elle, le serait…?

Mais si la clarté était celle du lumineux projet présidentiel, les responsabilités –celles en fait de mettre en oeuvre ce projet – sont celles de l’opposition. Une action responsable peut donc prendre deux formes selon notre président de la République, soit celle d’une « coalition d’action ou de gouvernement », soit celle d’un « engagement à voter les textes ». En conclusion, il a alors annoncé qu’il partait au Conseil européen pour y évoquer la question de l’Ukraine, et qu’à son retour il verrait avec les chefs de groupe ce qu’ils proposent. 

On comprend que le Président, malmené, ait voulu reprendre la main, ce qu’il n’a visiblement pas réussi à faire en auditionnant les différents chefs de partis. Mais son impossibilité à se remettre en cause, d’ailleurs largement partagée par sa garde rapprochée, et qui fait très certainement partie des causes du désaveu des Français, devient pour le moins inquiétante. L’abstention ? Une sorte de phénomène saisonnier, plus lié sans doute aux tâches solaires qu’à la politique menée. Le fait que le choix exprimé par les Français en juin puisse pour le moins infirmer le pseudo-choix d’avril, fait après une campagne que le Président contribua à limiter sinon à tuer, intervenant le plus tard possible, le moins possible, et laissant finalement les débats se faire sans lui ? Hypothèse ridicule, il est visiblement le seul « légitime » et son projet avec lui. 

Emmanuel Macron, on l’aura compris, n’entend pas varier d’un iota par rapport à sa feuille de route. Les spectateurs auront eu hier soir très clairement l’impression que le seul problème était en fait de savoir qui, dans l’opposition, allait l’aider pour ce faire, et comment. Lui, chef de l’État, part pour quelques jours pour sauver le monde, et à son retour il ramassera les copies des différents groupes parlementaires pour leur attribuer une note de responsabilité. Quand, parlant de nouvelle méthode de gouvernement, il évoquait les nécessaires compromis, chacun aura donc compris qu’il ne saurait s’agir que de ceux de l’opposition. Il n’est pas certain que le déni de la réalité politique manifesté hier par le Président aura suffi à convaincre cette dernière de collaborer…

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