Education religieuse : chez les musulmans comment ça se passe ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Les motivations des parents à envoyer leurs enfants sont variées : acquisition de la langue arabe, apprentissage du Coran et des règles morales ou tout simplement garderie les mercredi après-midi et samedi.
Les motivations des parents à envoyer leurs enfants sont variées : acquisition de la langue arabe, apprentissage du Coran et des règles morales ou tout simplement garderie les mercredi après-midi et samedi.
©Reuters

Derrière les murs

Les enseignements sont très centrés sur ce que l’on appelle la Tarbiyya Islamiyya, la « morale islamique » qui recouvre l'ensemble des règles morales auxquelles doivent obéir l'enfant et pas seulement les devoirs religieux.

Bernard Godard

Bernard Godard

Bernard Godard a été fonctionnaire jusqu'en 2008 au ministère de l'intérieur : d'abord officier de police aux RGX jusqu'en 1997, puis chargé de mission en cabinet ministériel (1997-2002) puis au Bureau central des cultes en charge des relations avec le culte musulman.
 
Il est l'auteur de La question musulmane parue en février 2015 chez Fayard, mais également co-auteur du Dictionnaire géopolitique de  l'islamisme (Bayard 2009) sous la  direction d'Antoine Sfeir et de Les musulmans en France (Robert Laffont, 2007 réédition Hachette pluriel  2009) avec Sylvie Taussig.
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A (re)lire, notre série consacrée à l'enseignement des religions : 

La rentrée du caté : qui y va, qui le fait ?

Entre écoles privées et cours du soir, l'enseignement de la religion juive attire toujours les jeunes

Atlantico : Qui envoie aujourd’hui son enfant dans une école coranique ?

Bernard Godard : Le nombre grandissant d’enfants inscrits dans les écoles dites « coraniques » correspond à l’ouverture de mosquées. Les motivations des parents à envoyer leurs enfants sont variées : acquisition de la langue arabe, apprentissage du Coran et des règles morales ou tout simplement garderie les mercredi après-midi et samedi.

Toutes les catégories sociales sont concernées. Les parents peuvent être de milieux très simples comme des cadres. Il est difficile d’établir un ratio précis, mais on peut dire que la présence d’une école « coranique » au sein d’une mosquée attire beaucoup de monde.

Les écoles coraniques sont-elle également réparties en France ?

La configuration des écoles coraniques est exactement la même que celle des mosquées. Toutefois, il faut une taille minimum, la présence d’une salle de classe correcte pour que le maître puisse assurer son cours. Aussi, la présence d’un lieu de culte ne signifie pas nécessairement la présence d’une école coranique qui lui est attaché. Le dynamisme des cadres religieux, l’organisation pédagogique jouent un rôle considérable. Dans les écoles coraniques des plus grandes mosquées d’Argenteuil, on peut avoir plus de 500 élèves (cela englobe les cours pour les enfants mais aussi des cours pour des adultes, les femmes, les convertis). A ce titre, on ne peut pas dire que ces écoles sont plus fréquentées dans telle ou telle région. Le dynamisme de ces enseignements se rencontre dans toute la France.

Qui dispense les cours et quel type d'enseignement y retrouve-t-on ?

Les enseignants sont d’origine variée et pas forcément des religieux, c’est à dire des imams qui auraient été formés pour assurer l’éducation religieuse. Il ne semble pas y avoir de problèmes pour trouver des enseignants volontaires. Ce peut être des étudiants qui donnent un coup de main à la mosquée le week-end, des mères de famille (on les trouve plus souvent dans l’apprentissage de la  langue arabe, un certain nombre étant diplômées des pays d’origine et ne trouvant pas d’emploi en France) ou des imams ou faisant fonction d’imams qui possèdent les connaissances de base en matière coranique. Mais il faut insister sur le fait que l’école coranique est le lieu où on s’initie à la langue arabe dans les pays musulmans. Ces écoles y sont des sortes de « maternelle ». Il est aussi important de savoir que les enseignements sont très centrés sur ce que l’on appelle la Tarbiyya Islamiyya, la « morale islamique » qui recouvre l’ensemble des règles morales auxquelles doivent obéir l’enfant et pas seulement les devoirs religieux. En cela, ça ne varie pas de la « morale » tout court telle que nous la concevons.

Des supports pédagogiques en langue française existent depuis quelques années. Une maison d’édition s’y consacre depuis plus de vingt ans. Etant donné le manque de postes d’enseignants en langue arabe dans les structures scolaires de l’école publique et le maintien de ceux qu’on désigne comme Enseignants en langue et culture d’origine (ELCO) dans la même structure scolaire (des enseignants détachés par le Maroc, l’Algérie et  le  Turquie), les parents n’ont parfois pas d’autre choix que d’inscrire leurs enfants à l’école de la mosquée. Cela n’incite pas à une « laïcisation » de la langue arabe mais bien au contraire oriente vers une sorte de « sacralisation » de cette langue.

Il est évident que le type d’enseignement variera beaucoup en fonction de l’orientation de la mosquée. Pour l’heure beaucoup de dirigeants de mosquée se réfèrent à leur propre pays d’origine. Toutefois, des innovations sont apparues, en particulier dans l’approfondissement de l’enseignement en direction des adultes. Les cours pour femmes ou pour convertis ont beaucoup de succès. Certains imams dispensateurs de conférences le dimanche dans leur mosquée sont devenus de véritables « vedettes » du petit écran grâce à Youtube.

Existe-t-il des dérives ?

A côté de l’apprentissage plus ou bien contrôlé par les dirigeants de la mosquée et l’imam (quelquefois envoyé par les pays d’origine), il y a des lieux plus « sauvages ». Ainsi, les salafistes, même si certains arrivent à s’imposer au sein d’écoles coraniques face à des cadres de mosquées dépassés ou peu au fait de l’importance du rôle qui est dévolu à ces enseignants, cherchent à développer leurs propres lieux de vie où l’école revêt une importance déterminante. Ils peuvent avoir un dynamisme impressionnant servis par la connaissance qu’eux et leurs épouses ont de la société française (ils sont pour la plupart issus de l’immigration ou convertis). Il s’agit pour eux de créer une école bien distincte, l’école de la république étant à rejeter, une sorte de phalanstère où les enfants seraient protégés des bruits « impurs » de la société corruptrice.

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