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Education religieuse : ça se passe comment chez les protestants ?
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Derrière les murs

Même si elles s'appuient toujours sur le support écrit traditionnel, les écoles protestante se basent beaucoup aujourd'hui sur les nouvelles technologies numériques, y compris les jeux.

Sébastien  Fath

Sébastien Fath

Sébastien Fath est un historien spécialisé dans l'étude du protestantisme évangélique. Il est aussi chercheur au CNRS et membre du laboratoire "groupe sociétés, religions, laïcités" (GSRL). Il a obtenu, en 2004, la Médaille de bronze du CNRS, pour ses travaux en histoire et sociologie du protestantisme évangélique.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages dont "Protestantisme évangélique et valeurs" (2010) et "La nouvelle France protestante. Essor et recomposition au XXIe siècle" (2011).

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A (re)lire, notre série consacrée à l'enseignement des religions :
La rentrée du caté : qui y va, qui le fait ?

Entre écoles privées et cours du soir, l'enseignement de la religion juive attire toujours les jeunes
Education religieuse : chez les musulmans comment ça se passe ?

Atlantico : Pour les cours de religion c'est aussi la rentrée. L'enseignement religieux protestant souffre-t-il en France du même désaveu de la part de la jeune génération ou continue-t-il à attirer les étudiants ?

Sébastien Fath : Rappelons tout d'abord qu'à l'inverse de l'Eglise catholique, les Eglises protestantes avaient décidé, au moment des lois scolaires et de la loi de 1905, de rétrocéder leurs 1500 écoles à l'Etat. A partir de 1905, les écoles protestantes ont donc toutes été laïcisées. Du coup, les Eglises protestantes ont accordé un soin d'autant plus grand à la catéchèse donnée dans les églises locales et les paroisses, au travers de ce qu'on appelle le mouvement des "écoles du dimanche", forme de catéchisme protestant qui encadre les enfants. Ces écoles du dimanche (qui ont généralement lieu pendant le culte dominical) restent vivaces aujourd'hui. Elles attirent, au prorata du total protestant français (1,8 millions de personnes) un peu plus que ne le fait le catéchisme catholique vis-à-vis de son public.

Par ailleurs, selon ma collègue Anne Ruolt, il existe aujourd'hui 24 écoles confessionnelles protestantes (6 d'héritage luthéro-réformé, 18 évangéliques), dont les plus célèbres sont le lycée Jean Sturm à Strasbourg et le collège cévenol au Chambon-sur-Lignon. C'est très peu par rapport à l'enseignement catholique qui rassemble plus de 2 millions d'élèves aujourd'hui.

Enfin, rappelons qu'il existe aussi un scoutisme protestant (qui propose un enseignement). Il est réparti autour de six mouvements scouts qui se revendiquent du protestantisme en France, à savoir les Éclaireurs unionistes, les Éclaireurs évangéliques, la Jeunesse Adventiste, les Flambeaux Claires Flammes, les Porteurs de Flambeaux et les Royal Rangers.

Les méthodes d'enseignement sont elles comparables, aujourd'hui, à ce qui se faisait il y a 30 ou 50 ans ?

Les méthodes ont considérablement changé, même si elles s'appuient toujours sur le support écrit traditionnel. Elles se basent beaucoup aujourd'hui sur les nouvelles technologies numériques, y compris les jeux. Lors de "Protestants en fête", événement de masse organisé fin septembre 2009 à Strasbourg, un atelier Playstation était même proposé aux ados afin d'amorcer par là, indirectement, une sensibilisation à la foi ! Rappelons que le protestantisme est né avec la "Révolution Gutenberg", l'essor de l'imprimerie. Les protestants se rattachent à un christianisme né avec les premiers médias de masse. Il en reste quelque chose aujourd'hui quand on voit la vitalité des portails protestants, notamment évangéliques, en direction des jeunes, à l'image de "Topkids", proposé sur le grand portail Topchrétien.com.

Justement sur cette question de l'enseignement, est-il difficile de trouver des volontaires pour enseigner le catéchisme ?

Les Eglises communiquent peu sur ce thème. Ce qui est certain, c'est que la moyenne d'âge du personnel enseignant, dans le protestantisme, est largement inférieure à la moyenne d'âge de l'encadrement catholique. L'enquête IFOP 2010 sur le protestantisme a révélé un rajeunissement des cadres : 38% des moins de 35 ans vont à l'église chaque semaine, alors que ce n'est le cas que de 21% des plus de 50 ans. Dans le même ordre d'idée, 45% des moins de 35 ans lisent la Bible au moins une fois par semaine, ce qui n'est le cas que de 30% des répondants pour la tranche 50-64 ans. Directement lié à l'essor des évangéliques (qui mettent l'accent sur la conversion et le zèle), ce rajeunissement facilite beaucoup l'implication de jeunes laïcs dans la catéchèse.

Y a-t-il une différence entre les classes socio-professionnelles des parents qui inscrivent leurs enfants à ces cours et la communauté en général, ou toutes les classes sociales sont-elles représentées ?

Toutes les classes sociales sont représentées. Les enquêtes qualitatives dont on dispose montrent que le niveau social n'est pas un élément très pertinent pour établir des distinctions. En revanche, on observe d'une manière générale un niveau d'implication plus grand dans les Eglises protestantes marquées par l'immigration. Cela s'explique par le caractère souvent très fervent des migrants venus d'Afrique sub-saharienne (Congo, Côte d'Ivoire).

Quelles sont les régions françaises les plus concernées par l'enseignement religieux protestant ?

Sans surprise, on retrouve l'Alsace et l'axe de la vallée du Rhône, qui sont les terroirs traditionnellement marqués par la Réforme protestante. Mais les grandes agglomérations sont aujourd'hui touchées aussi par l'implantation protestante, surtout de type évangélique.

Aujourd'hui les enfants sont plus attirés par les jeux vidéo et Internet. Comment fait l'église pour retenir l’intention des enfants ?

Les Eglises protestantes réagissent en ordre dispersé, avec une longueur d'avance pour certains évangéliques, qui proposent une plus grande variété de supports numériques que les autres, notamment sous l'influence du grand-frère protestant américain, très en pointe dans ce domaine avec des vidéos comme la série Bibleman et des jeux comme Open Sea.

Une part de ces enfants peut-elle dériver vers une conception radicale de la religion?

Il est certain que les jeunes protestants sont aujourd'hui plus pratiquants que leurs aînés. Ils s'impliquent parfois dans une évangélisation sans complexe qui interroge la société française, peu habituée à cela. Certaines crispations peuvent par ailleurs se faire jour, notamment, chez certains jeunes évangéliques, autour de l'enseignement de l'Evolution. Mais on n'observe pas d'incitation à la violence, et très peu de tendance au repli sur soi. Les jeunes protestants français sont bien insérés dans la société. A l'image du nom donné au rassemblement d'un millier de jeunes réformés à Lyon en 2009, ils veulent un "grand kiff" ouvert sur le monde.

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