Écoutes Sarkozy et trafic d’influence : l’avenir judiciaire du président de l’UMP se joue le 7 mai<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy
Nicolas Sarkozy
©Reuters

Épée de Damoclès

Journée capitale pour Nicolas Sarkozy ce jeudi 7 mai : la cour d'appel de Paris a validé la légalité des écoutes entre Nicolas Sarkozy et son avocat. L'ancien chef de l’Etat pourrait voir freinée sa course à l'Elysée.

Gilles Gaetner

Gilles Gaetner

Journaliste à l’Express pendant 25 ans, après être passé par Les Echos et Le Point, Gilles Gaetner est un spécialiste des affaires politico-financières. Il a consacré un ouvrage remarqué au président de la République, Les 100 jours de Macron (Fauves –Editions). Il est également l’auteur d’une quinzaine de livres parmi lesquels L’Argent facile, dictionnaire de la corruption en France (Stock), Le roman d’un séducteur, les secrets de Roland Dumas (Jean-Claude Lattès), La République des imposteurs (L’Archipel), Pilleurs d’Afrique (Editions du Cerf).

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  • Ce jeudi 7 mai, la cour d'appel de Paris a validé la légalité des écoutes entre Nicolas Sarkozy et son avocat
  • Les charges pesant contre Nicolas Sarkozy, Me Thierry Herzog et le haut magistrat Gilbert Azibert auront évidemment du plomb dans l’aile
  • Mais surtout, l’ancien chef de l’Etat, après son non-lieu dans l’affaire Bettencourt et sa non poursuite dans l’affaire Karachi aura beau jeu de marteler que les juges ne parviennent pas à l’abattre
  • Même si un pourvoi en cassation est possible, c'est une très mauvaise nouvelle pour Sarkozy dont les rivaux à l’UMP auront à cœur de profiter
  • L’instruction sur le financement présumé de la campagne de Nicolas Sarkozy par la Libye devrait se poursuivre normalement

L'article qui suit a été publié sur Atlantico le 6 mai 2015 et peut vous permettre de comprendre les enjeux de cette affaire judiciaire :

Ce jeudi 7 mai, sera-t-elle une bonne ou une mauvaise journée pour Nicolas Sarkozy ? Tout dépend de l’arrêt de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris qui va dire si oui ou non les fameuses écoutes téléphoniques qui ont entrainé la mise en examen pour corruption de Nicolas Sarkozy, dans un appendice de l'affaire libyenne, sont annulées. Si elles le sont, l’ancien chef de l’Etat pourra respirer et envisager un avenir plus serein, surtout au moment où il cherche à convaincre les cadres de l’UMP que la nouvelle dénomination du parti, "Les Républicains", constitue une excellente chose. Dans le cas contraire, l’instruction conduite par Claire Thépaut et Patricia Simon se poursuivra. Ces dernières, après avoir infligé une garde à vue d’une quinzaine d’heures le 1er juillet 2014 à Nicolas Sarkozy l’avaient mis en examen. Le même sort avait été réservé à son avocat Thierry Herzog ainsi qu’à un haut magistrat, premier avocat général à la Cour de cassation, Gilbert Azibert… Sarkozy, placé sous écoutes téléphoniques à l’automne 2013 était soupçonné d’avoir demandé à Herzog de se renseigner auprès d’Azibert pour qu’il l’informe sur l’état d’une procédure concernant l’affaire Bettencourt… Cette procédure devant être- examinée par la Cour de cassation. En guise de remerciement, Sarkozy aurait laissé entendre à Azibert – via Herzog- qu’il pourrait obtenir une éventuelle promotion à Monaco. Ce que niera Nicolas Sarkozy puisque de toute façon, le poste était pourvu. Autant dire que l’on était très loin de l’information judiciaire ouverte en 2013 sur le financement de la campagne présidentielle de mai 2007 par Kadhafi. Comment en est- on arrivé là ?

Tout commence le 26 avril 2012, lorsque Mediapart publie un document signé par Moussa Koussa, l’ancien chef des services secrets libyens, dans lequel est évoqué le versement, en décembre 2006, de 50 millions d’euros, destinés à financer la campagne du candidat de l’UMP à la présidentielle de mai 2007. Dans la classe politique, surtout du côté de l’UMP, c’est l’incrédulité la plus totale et la preuve, une fois encore, que l’on veut abattre Nicolas Sarkozy. A gauche, on est moins mesuré, certains ne se privant pas de rappeler le tapis rouge déployé par Nicolas Sarkozy lors de la fameuse visite à Paris, en décembre 2007, de Kadhafi. Inutile de le dire, l’ancien Président, furieux du papier de Mediapart contre- attaque et porte plainte, pour faux et usage, contre le site dirigé par Edwy Plenel. Ce qui vaudra à ce dernier, ainsi qu’aux deux auteurs de l’article, d’être entendus comme témoins assistés. [Ce document sera, par la suite, considéré comme authentique par les experts] Dix mois plus tard, nouveau rebondissement. Cette fois, à l’initiative du personnage clé du dossier Karachi : Ziad Takieddine.

Interrogé le 19 décembre 2012 par le juge Van Ruymbeke, l’intermédiaire qui affirme depuis des mois que les commissions versées lors des contrats de livraison d’armes au Pakistan et à l’Arabie saoudite au début des années 90 ont profité au clan Balladur lors de la présidentielle de 95, livre une information ahurissante : Mouammar Kadhafi aurait aidé financièrement Nicolas Sarkozy pour sa campagne de mai 2007. Il donne même le montant de la somme : 50 millions d’euros. Versés essentiellement entre décembre 2006 et janvier 2007. Takieddine, décidément prolixe, qui depuis des mois s’en prend à «l'ingratitude" de Claude Guéant, affirme également que l’ancien secrétaire général de l’Elysée aurait rencontré à plusieurs reprises Bechir Saleh, le secrétaire particulier du guide suprême de la Révolution.

Des comptes- rendus de ces rencontres auraient été rédigés, précise Takieddine. Qui ajoute que l’ancien premier ministre libyen Mamouhdi Bagdani serait parfaitement d’accord pour transmettre à la justice française les preuves des affirmations de l’intermédiaire. Claude Guéant, quand il apprend la confession de Takieddine tombe des nues. "Tout cela est complètement fantaisiste, c’est complètement faux" Certes, dit l’ancien ministre de l’Intérieur, il m’est arrivé de rencontrer Ben Saleh, mais jamais, il n’a été question de ces choses –là. Jamais".  Il n’empêche. Le coup est parti. Voici Sarkozy sur la sellette. Lui dont le nom est cité dans cette histoire de vente d’armes vers le Pakistan et l’Arabie saoudite lorsqu’il était ministre du Budget entre 1993 et 1995. Lui, dont on dit encore qu’il avait donné son feu vert pour le versement de commissions du côté de Balladur… Alors qu’un haut fonctionnaire de Bercy, Patricia Laplaud, en charge depuis trente ans des contrats d’armement, interrogée par Van Ruymbeke le 3 juillet 2012, se montrera formelle : Sarkozy était hostile à la signature de ces deux contrats.

Galopent les mois sur une affaire qui semble s’enliser. Les juges Grouman et Tournaire, en 2013, décident de placer Sarkozy et son avocat Me Thierry Herzog sous écoutes… Sans doute pensent-ils obtenir des informations totalement crédibles sur cette histoire de financement politique qui aurait été décidé par le colonel Kadhafi. Pendant quatre mois, l’ancien chef de l’Etat et Thierry Herzog sont donc écoutés. Rien sur la Libye… Mais en revanche, des informations intéressantes sur une autre histoire : celle où Sarkozy, en contact très régulier avec son avocat évoquent la procédure Bettencourt. Avec un objectif précis : Sarkozy souhaiterait savoir si la Cour de cassation envisagerait de lui restituer ses agendas… Herzog, qui louera un téléphone au nom de Paul Bismuth –un ami d’enfance connu au lycée Jacques Decour à Paris- va aux nouvelles du côté d’Azibert…Lequel semble d’accord pour une telle mission… tout en demandant s’il peut espérer un poste de magistrat dans la principauté de Monaco. Et on parle. Parfois sur un ton badin. Parfois sur un ton sérieux.

Au bout de quatre mois, il est mis fin aux écoutes. Les juges transmettent, à la mi-février 2014, leur "moisson" au Parquet. Qui décide, dans le plus grand secret, d’ouvrir une information judiciaire pour corruption et trafic d’influence confiée aux juges Thépaut et Simon." Secret éventé à la mi –mars lorsqu’on apprend qu’effectivement l’ancien président- tel un brigand- a été placé sous écoutes téléphoniques. Il est furieux. Il le fait savoir dans une tribune cinglante publiée par Le Figaro, dans lequel il estime que les principes sacrés de la République sont "foulés aux pieds". Mais surtout, Sarkozy, ce qui va faire bondir jusqu’à l’Elysée, n’hésite pas à comparer ces écoutes aux méthodes utilisées jadis par la Stasi, la police politique de l’ex-Allemagne de l’Est. Quand il se trouve en difficulté, plus que n’importe quel homme politique, l’ancien maire de Neuilly sait que la meilleure défense c’est l’attaque. Une stratégie qu’il réitère, le 2 juillet 2014, lorsqu'à l’issue d’une garde à vue d’une quinzaine d’heures dans les locaux de la PJ à Nanterre- du jamais vu pour un Président-, les juges Claire Thépaut et Patricia Simon, vers une heure du matin, lui signifient une triple mise en examen : corruption active, trafic d’influence et violation du secret professionnel.

Avant son audition, l’ancien maire de Neuilly lance, en substance, aux deux magistrates : "Votre juridiction est partiale. L’une d’entre vous est Mme Thépaut, membre du Syndicat de la magistrature qui a participé au mur des cons et écrit qu’il ne fallait pas voter Nicolas Sarkozy au second tour de l’élection présidentielle." Atmosphère polaire. Sarkozy envisage de ne répondre aux juges que s’il est entendu comme témoin assisté. Finalement l’atmosphère se détend… Enfin. Un peu. Une fois les auditions terminées, les trois mis en examen se livrent à une attaque contre les écoutes téléphoniques…Elles sont illégales. Et de marteler, tout comme le bâtonnier de l’ordre des avocats de Paris, que les juges ont employé la tactique "des filets dérives". En clair, on lance des écoutes, sans bien savoir où l’on va, et on guette une éventuelle infraction. Il y aurait là un détournement de procédure. De même, une durée de quatre mois pour des écoutes, voilà un temps anormalement long. Ajoutez à cela des conversations enregistrées entre un avocat et son client, [Sarkozy et Herzog] voilà qui est fort peu légal… Devant cet imbroglio, sans préjuger du fond, Edith Boizette, magistrate expérimentée, qui instruisit jadis l’affaire Péchiney, actuelle présidente de la chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Paris, décide le 23 septembre 2014, de sa propre autorité, comme elle en a le droit, de geler l’instruction. En clair, plus aucun acte d’enquête sur "cette affaire dans l’affaire" ne pourra être exécuté…

Le 4 mars 2015, la chambre de l’instruction, toujours présidée par Edith Boizette, se penche sur la légalité des fameuses écoutes. Le procureur général, François Falletti soutient implicitement les juges Grouman et Tournaire, estimant que seule une écoute entre Me Herzog et son client Nicolas Sarkozy pouvait faire l’objet d’une annulation, la bâtonnier n’en ayant pas été averti. De même, le procureur général, contrairement aux affirmations des avocats de Sarkozy, Herzog et Azibert – ce dernier- désormais en retraite- estime que le Parquet financier national dirigé par Eliane Houlette était bien compétent- et non par le Parquet de Paris dirigé par François Molins- pour ouvrir une information judiciaire. Une certitude : quelle que soit l’arrêt de la chambre de l’instruction ce 7 mai, il ne fera pas l’unanimité. Comme à chaque fois lorsqu’il s’agit d’une décision de justice…

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