E-commerce du crime : drogue, faux papiers, contrefaçons... le retour de Silk Road quelques semaines à peine après sa fermeture par le FBI

Atlantico : Le principal site de commerce de produits illégaux du net, Silk Road, est de retour un peu plus d’un mois après sa disparition orchestrée par le FBI.  Mais comment le site a-t-il pu renaître de ses cendres ?

Fabrice Epelboin : Finalement, ce site n’est pas très difficile à monter, d’un point de vue technologique, c’est très proche du forum. Son retour n’est pas étonnant.  Pour résumé, Silk Road une place de marché sur un modèle beaucoup plus simple qu’ebay et dans lequel des gens  proposent des choses à vendre et d’autres achètent. A la différence d’eBay, le paiement se fait via un tiers. On paye un intermédiaire plutôt qu’un fournisseur. Nous pouvons aussi y utiliser le bitcoin. Le site garantit une certaine confidentialité mais pas une totale invisibilité pour les internautes. Celui-ci  garantit seul son anonymat. Mais les personnes en mesure d’aller sur ce type de site ont les connaissances techniques pour le faire en toute confidentialité.  Silk Road vend de la drogue, la rumeur dit également que des services de tueurs à gages peuvent se louer, mais cela reste une rumeur. C’est simplement une place de marché pour les choses qui ne peuvent pas se rendre sur eBay. Derrière ces sites, on retrouve des petites entreprises. Bien que le précédent Silk Road avait atteint une taille relativement critique, il est loin d'atteindre la fréquentation d'un site comme eBay. Le nouveau Silk Road repose peut-être sur les bases de l’ancien, mais c’est impossible de le savoir. L’ancien propriétaire s’est fait arrêter, il n’est surement pas à l’origine de ce nouveau projet Silk Road.

La réouverture du site Silk Road affiche l’échec des autorités à vouloir fermer un site sur le web. Ont-elles réellement un pouvoir sur ces sites ou l’hébergement  web est-il devenu une zone de non droit ?

Silk Road ne possède pas un hébergement web au sens traditionnel. En général, les sites sont hébergés sur des serveurs identifiés et obéissent à une législation spécifique. Mais le site Silk Road repose sur un hébergement atypique, non conventionnel, une zone de non droit effectivement. Il est différent dans le sens où il ne passe pas par le système DNS ou IP mais un système TOR. Le système TOR est fait pour contourner les systèmes de censeurs et de surveillance, il a été créé pour que les internautes iraniens ou syriens aient accès à l’information. On peut y héberger des sites web, comme Silk Road. C’est ainsi que s’est développé le terme de  dark web. On peut y retrouver notamment des sites de revente d’informations confidentielles, un peu à la Wikileaks mais payant. Des hackers récupèrent de la documentation confidentielle et la revendent aux services secrets, aux pays étrangers. C’est un énorme marché.  Avec internet on a remplacé les James Bond par des hackers. Si avec une adresse IP, on identifie la machine, on situe son réseau, son utilisateur, Silk Road est totalement intraçable grâce au système TOR. D’ailleurs, le FBI n’avait pas réussi à tracer le site mais a profité des failles de sécurité des navigateurs des utilisateurs.

Le site a un rapport direct au bitcoin, d’ailleurs de nombreux experts annonçaient que la fermeture du site aurait un impact conséquent sur le marché du bitcoin. Ceci s’est-il confirmé ? Cette réouverture peut-elle a contrario bénéficier à la monnaie virtuelle ?

Pas du tout. Bitcoin n’a rien à voir avec ces choses. Bitcoin est une monnaie cryptée et décentralisée. Elle ne dépend pas d'une banque, il n'y a donc pas de centralisation, aucune manipulation de la monnaie par une entité centrale et la masse monétaire est fichée à l’avance. Le Bitcoin ne laisse aucune trace de la transaction, mais c’est une monnaie au même titre que le dollar ou l’euro. Je ne pense pas que la réouverture de Silk Road puisse avoir un impact considérable sur le cours du Bitcoin, aujourd’hui on est arrivé à des valorisations du Bitcoin assez conséquentes, il ne dépend plus des fluctuations induites par la fermeture ou l'ouverture d'un site comme Silk Road.