Drôle de France : la consommation décroche et l’épargne progresse. L’inquiétude s’accroît mais côté entreprises, tout va bien ou presque<!-- --> | Atlantico.fr
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A côté d’une France qui pleure ou qui se plaint, il existe une France qui reste optimiste et qui affronte le risque économique.
A côté d’une France qui pleure ou qui se plaint, il existe une France qui reste optimiste et qui affronte le risque économique.
©ANDRE PAIN / AFP

Atlantico Business

En cette fin de 3e trimestre, les indicateurs socio-économiques offrent le spectacle d’une France difficile à décrypter, la consommation baisse en volume et l’épargne s’accroît. Mais l’esprit d’entreprise a rarement été aussi dynamique avec un marché de l’emploi qui est encore très tendu.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La pénurie de carburant dans de nombreuse régions françaises a mis en colère beaucoup dautomobilistes qui ont besoin de diesel et d’essence. Ils ne comprennent pas quon leur affirme que la France ne manquera pas de pétrole (et cest vrai.) Ils sont prêts à accepter les hausses de prix parce quils savent bien que le bouclier tarifaire sur l’énergie va se fissurer, mais ils ne supportent pas que les distributeurs ne soient pas approvisionnés. Ils ne supportent pas que des salariés soient en mesure de bloquer ainsi la circulation pour revendiquer des augmentations de salaires.

Les compagnies pétrolières sont évidemment responsables de ne pas savoir négocier des aménagements de salaire sans conflit, mais le gouvernement en prend aussi plein la tête, pour ne pas avoir anticipé des situations de blocage.

En attendant, tout ça fait désordre et le climat social se détériore en ville comme en campagne. Derrière le manque dessence, le climat général engendré par la guerre en Ukraine commence à peser.

Les grands marqueurs dinquiétude viennent de passer au rouge : la consommation se contracte et l’épargne gonfle dans les bas de laine et les livrets A. Mais paradoxalement, le nombre de création dentreprises explose et le marché de lemploi est toujours aussi tendu.

Ce qui prouve qu’à côté dune France qui pleure ou qui se plaint, il existe une France qui reste optimiste et qui affronte le risque économique. Une France qui se désole et une France qui croit au progrès et à la prospérité économique. 

-Les marqueurs de déclin et surtout dinquiétude sont passés au rouge :

Malgré le rebond du pouvoir dachat qui a été bien soutenu par les aides publiques au deuxième trimestre, la hausse de prix a freiné la consommation des Français au troisième trimestre. Les chiffres daffaires ont progressé en valeur mais reculent en volume. Les trois mois d’été ont été finalement très bons pour toutes les activités de tourisme, services hôteliers, camping, clubs de vacances et transports mais les ventes de produits de grande consommation ont fléchi depuis la fin septembre.

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Le troisième trimestre affiche un recul. Après les performances réalisées au lendemain du covid, la majorité des grandes enseignes font grise mine selon les chiffres de lIRI. Fin septembre, la consommation a plongé de 3,5% et du coup, le 3e trimestre recule de 1,3% par rapport à la même période de 2021. Toutes les formes de commerce ont enregistré une baisse :

-le E-Commerce a perdu 4,9% en volume;

-les supermarchés ont reculé de 4,3%,

-les hypermarchés de 2,8%.

Alors, linflation dissimule cette forme de décroissance, mais la réalité est que les consommateurs ont commencé à se serrer la ceinture et à modifier leurs habitudes. Ils boudent les produits chers, le bio, les poissons frais et la viande pour se rabattre sur les premiers prix et les marques de distributeur.

L’épargne, en revanche, sest redressée en faisant de la France le pays occidental où l’épargne de précaution est la plus importante. Selon la dernière note de lInsee, alors que la consommation stagne ou baisse, le taux d’épargne serait remonté à 17% du revenu disponible. La croissance sera très faible cette année (0,2% au troisième trimestre) mais le pouvoir dachat ayant été préserve grâce à lEtat, on saperçoit que ce pouvoir dachat na pas été consacré à protéger la consommation mais il a contribué à restaurer l’épargne de précaution. 

La conjugaison de ces deux indicateurs démontre que le moral des ménages qui était au plus haut juste après le covid est retombé au plus bas depuis 2013 : la guerre en Ukraine, et la vie chère notamment sur les carburants, la crainte de pénurie lhiver prochain. Tous ces facteurs ont fait remonter le taux d’épargne de précaution bien au-delà de ce quil était pendant le covid où il était déjà élevé à plus de 15%. 

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Le grand paradoxe dans cet état des lieux et du moral de la collectivité, cest qu’à côté de cette France qui sinquiète, qui consomme moins et qui conserve des réserves de disponibilité, il existe une France qui continue de travailler et de prendre des risques. Le marché de lemploi est très tendu dans toutes les activités qui demandent quelques expertise ou expérience : dans le tourisme, (restaurant), dans le bâtiment et dans le digital, les industries de la santé et de l’éducation.

Cette tension sur le marché de lemploi ne se résoudra pas par une hausse des rémunérations. Les chefs dentreprises qui compris la réalité de la situation cherchent à augmenter la valeur des « jobs » et améliorer la désirabilité des conditions de travail. A lheure où beaucoup dentreprises se félicitent, comme Sophie de Menthon "quon aime sa boite».Une majorité de patrons savent bien que les entreprises quon aime doivent aussi faire des efforts particuliers pour quon les aime.

Parallèlement à ce phénomène de rareté sur lemploi, le nombre de créations dentreprises na jamais été aussi important. Selon la dernière enquête IPSOS, 75 % des Français pensent que la France est en déclin, le tiers pense même que la cause est perdue et que cest irréversible, mais Ipsos note aussi que, dans le même temps, cette France en colère crée aussi beaucoup d’entreprises puisque nous aurons 700 000 auto-entrepreneurs de plus cette année et 400 000 créations dentreprises classiques, deux fois plus que dans les années 1990. Autant quau début du 20é siècle lors des années folles. La startup nation est donc une réalité.

En fait, comme souvent dans les sondages, les Français se déclarent pessimistes sur lavenir collectif du pays, mais considèrent qu’à titre personnel, ils pensent pouvoir se débrouiller, ce qui explique leur résilience et leur optimiste qui leur permettent de prendre des initiatives et des risques. « Quoi quil arrive, le chef dentreprise na pas à baisser les bras ». 

Le comble dans ce panorama est que ces deux Frances cohabitent très bien. Actuellement et pour une grande part, les Français appartiennent aux deux catégories. Ils sont capables d’être en colère et déprimés le matin, tout en restant entreprenants et investisseurs laprès-midi.

Cette double casquette des agents économiques rend particulièrement difficile la gestion politique du pays. Difficile et certains jours impossible. Sur la réforme des retraites, de lassistanat, du chômage ou de la lutte contre linflation et la hausse des prix, les Français se complaisent (sans le savoir) dans des injonctions contradictoires. Le plus souvent, les réformes sont nécessaires pour le pays, à condition dy échapper.

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