« Droit à la poursuite d’études » : Encore une FAUSSE bonne idée !<!-- --> | Atlantico.fr
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Des étudiants participent à un cours à l'université.
Des étudiants participent à un cours à l'université.
©DAMIEN MEYER / AFP

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Bac+5 et toujours au chômage : avec les fermetures d’activité imposées pour faire barrage à la pandémie de Covid-19, l’inquiétude des étudiants qui arrivent actuellement sur le marché du travail rebondit de plus belle. Mais le Covid n’explique pas tout.

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer

Nathalie MP Meyer est née en 1962. Elle est diplômée de l’ESSEC et a travaillé dans le secteur de la banque et l’assurance. Depuis 2015, elle tient Le Blog de Nathalie MP avec l’objectif de faire connaître le libéralisme et d’expliquer en quoi il constituerait une réponse adaptée aux problèmes actuels de la France aussi bien sur le plan des libertés individuelles que sur celui de la prospérité économique générale.
 
https://leblogdenathaliemp.com/

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Cela fait des années que la « complainte du beau diplôme sans débouché » associé à un chômage des jeunes extrêmement élevé par rapport à la plupart des pays de l’Union européenne semble être devenue la marque de notre enseignement universitaire.

Aussi, dans l’espoir de redonner de la valeur aux diplômes et diminuer les « voies de garage » qui se multiplient nettement dans les filières de sciences humaines telles que les très célèbres sociologie et psychologie, le mode de sélection des étudiants en master à l’université a changé à la rentrée 2017. Alors qu’auparavant, la sélection se faisait entre la première et la seconde année du cycle, elle intervient maintenant à l’issue du diplôme de licence, au moment de l’accès à la première année de master.

L’idée consistait à pousser les étudiants à se poser des questions sur leur avenir en brisant la facilité déresponsabilisante du passage systématique en master. Ce dernier système débouchait trop souvent sur un échec à Bac+4 et une sortie de l’enseignement supérieur sans rien de plus à valoriser sur le marché du travail que la licence obtenue l’année précédente.

C’est la raison pour laquelle les syndicats étudiants, UNEF compris, se sont montrés favorable à la réforme, mais à la condition expresse – et acceptée – que soit instauré en parallèle… un « droit à la poursuite d’études en master » pour les étudiants qui seraient refusés dans toutes les formations qu’ils auraient demandées via le site gouvernemental « Trouver mon master »

Concrètement, les « recalés » de la sélection ont la possibilité de saisir le recteur d’académie de leur université et celui-ci a l’obligation de leur faire trois propositions de formation, avec priorité donnée à l’université où ils ont validé leur licence. 

Et c’est là que tout commence à déraper. Car si la nouvelle sélection à l’entrée des masters est bien faite, si elle évalue correctement le niveau de l’étudiant et ses possibilités de réussite dans la filière choisie compte tenu des exigences académiques de la formation, on se doute bien que le taux de passage de la licence au master va mécaniquement diminuer et que les recours auprès des rectorats en vertu du nouveau droit à la poursuite d’études vont se multiplier.

C’est du reste exactement ce que l’on constate après trois ans de fonctionnement du nouveau système. Une comparaison du parcours de réussite effectuée récemment par le ministère de l’Enseignement supérieur sur la base des résultats aux examens finaux de 2019 (donc avant l’impact Covid) entre les étudiants entrés en master en 2016 (avant la réforme) et ceux entrés en 2017 (avec la réforme) montre que le taux d’accès en master a chuté de 72,2 % à 67 % entre les deux cohortes :

On observe également que les taux de réussite à l’issue de la première année de master et sur l’ensemble du master ont augmenté respectivement de 5 et 4 points entre les inscrits de 2016 et les inscrits de 2017. On pouvait s’y attendre : le fait de sélectionner à l’entrée sur des critères académiques précis a forcément pour effet de renforcer le niveau des étudiants au sein des masters et donc de favoriser leur réussite.

Quant aux saisines des recteurs pour obtenir une formation en master malgré tout, il semblerait que seulement 40 % d’entre elles débouchent sur une proposition ou plus, sans compter que selon les syndicats étudiants certaines propositions sont faites dans des filières qui n’intéressent pas l’étudiant et/ou dans des facs qui ne sont pas sa fac d’origine. L’horreur absolue ! Il serait donc question de réformer le droit à la poursuite d’études pour la rentrée 2021.

Mais sérieusement, est-ce la bonne méthode ?

Tout montre que quand les syndicats étudiants parlent de droit à la poursuite d’études, ils signifient en réalité droit inconditionnel au diplôme, indépendamment des notions d’effort et de travail, indépendamment de la valeur du parcours scolaire antérieur de l’étudiant et indépendamment de la nécessité de mettre en place un système d’orientation judicieux et adapté au profil de chacun.

Au début de son mandat, Emmanuel Macron disait vouloir mettre fin à cette idée plus égalitariste que juste de l’université pour tous :

« Nous ferons en sorte que l’on arrête de faire croire à tout le monde que l’université est la solution pour tout le monde. »

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Mais avec le recul, et malgré l’introduction d’une petite dose de sélection à travers Parcoursup (à la fin du lycée) et la réforme des masters, sélection qui chagrine beaucoup les syndicats étudiants malgré son étroitesse, on constate que les taux de réussite au Bac et en fin de licence sont toujours plus invraisemblablement élevés.

En 2020, alors que les cours à distance imposés par les confinements anti-Covid laissaient penser que beaucoup de remise à niveau serait nécessaire par la suite pour combler une certaine désorganisation de l’enseignement et l’isolement des jeunes, la traditionnelle « bienveillance » censée présider à l’attribution des notes d’examen a pris un tour vraiment angélique, à tel point que le taux de réussite au bac est passé à… 96 % après un déjà très haut 88 % en 2019.

Même exubérance du côté des licences dont certaines ont enregistré des hausses de réussite de 10 points en un an ! On voit d’ici l’embouteillage à l’université et l’on voit combien le droit à la poursuite d’études en master constitue une arme précieuse aux mains des syndicats étudiants pour saboter toute velléité de sélection.

Et pourtant, assez curieusement, chaque fois que notre système éducatif a l’occasion de se comparer à l’international via les tests et classements qui font autorité en la matière, la France tombe de haut, aussi bien du côté de l’Éducation nationale que du côté de l’Enseignement supérieur et de la recherche.

Récapitulons : taux de réussite extraordinaire et en hausse constante au Bac, (à tel point que l’objectif de mener 80 % d’une génération au bac est largement dépassé) réussite plus mitigée en licence mais en hausse covidienne étrange, introduction d’un droit à la poursuite d’études en master qui risque de servir de précédent à une véritable dévalorisation des diplômes, déclassement à l’international, chômage des jeunes bien accroché aux alentours de 19 % soit un taux élevé en Europe (hormis les cas italiens et espagnols).

Ne serait-il pas temps de prendre en compte la diversité des profils étudiants plutôt que de vouloir canaliser tout le monde jusqu’au Bac puis jusqu’au master – et pourquoi pas jusqu’au doctorat et au Nobel, pendant qu’on y est ? 

Ne serait-il pas temps de travailler à une revalorisation des filières moins universitaires mais plus pratiques et plus professionnalisantes dont on sait que les diplômés (de BTS, IUT, écoles spécialisées) sont particulièrement recherchés par les entreprises ?

Ne serait-il pas temps de commencer par la base, à savoir l’enseignement primaire et le collège ? Et à ce titre, ne serait-il pas temps de briser le monopole de l’Éducation nationale afin d’ouvrir notre système à des expériences pédagogiques plus diverses, plus libres, plus adaptées à la variété des profils des différents élèves afin que chacun trouve sa place dans l’existence ?

Et surtout, ne serait-il pas temps de reconnaître que rien ne vaut la sélection et la concurrence pour l’émulation et l’amélioration de tous ?

En tout cas, une chose est sûre, notre système de formation est peut-être très égalitaire, et c’est peut-être ce que veulent les étudiants et les Français en général, mais dans l’ensemble, il n’est ni exceptionnellement brillant ni facteur d’insertion professionnelle des jeunes. Ça devrait poser question.

Cet article a été publié sur le site de Nathalie MP Meyer : cliquez ICI

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