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Double menace sur nos démocraties : les populistes pour les minorités, les “raisonnables” pour les catégories populaires… et les deux pour l’Etat de droit
©LUCAS BARIOULET / AFP

Populistes VS progressistes

Dans “La Grande transformation”, le philosophe Karl Polanyi montrait comment les excès du capitalisme rendait toute société démocratique intenable. Cependant, il étendait aussi sa critique à une lecture uniquement populiste de la démocratie, laquelle exclurait toute pluralité propre à nos sociétés et aboutirait à la même aporie que la situation précédente.

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli

Paul-François Paoli est l'auteur de nombreux essais, dont Malaise de l'Occident : vers une révolution conservatrice ? (Pierre-Guillaume de Roux, 2014), Pour en finir avec l'idéologie antiraciste (2012) et Quand la gauche agonise (2016). En 2023, il a publié Une histoire de la Corse française (Tallandier). 

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Atlantico : Les crises sociales, économiques et culturelles qui traversent la France ont fait naître un nouveau clivage entre progressistes et populistes. Sur ce fond de crise, les progressistes n'ont-ils pas tendance à oublier l'expression du peuple, un des fondements de la démocratie, car trop concentrés sur une vision technocretique du monde ?

Paul-François Paoli : La notion de progressisme n'a de sens que si on définit ce qui constitue le progrès, or les progressistes, ceux qui se définissent comme tels, en sont généralement incapables. Ce que les progressistes appellent progrès, est ce qui conforte leur choix de société, ni plus ni moins. Et ils appellent populistes ou réactionnaires ceux qui contestent ces choix. Prenons le mariage pour tous : en quoi ce choix constitue-t-il un progrès de civilisation ? L'extension des libertés individuelles n'est pas forcément synonyme de progrès. On pourra tout aussi bien démontrer qu'il s'agit à l'inverse d'un symptôme de déclin ou de décadence. Max Weber, et avant lui Nietzsche, ont démontré que la notion de progrès était dépendante d'un jugement de valeur. La faiblesse du discours progressiste est qu'il procède d'une sorte d'évidence tautologique. Les progressistes confondent le progrès et les progrès d'ordre scientifique, nul ne conteste les progrès dans le domaine de la médecine par exemple, et les progrès dans le domaine des mœurs. Or, dans le domaine des mœurs, le jugement de valeur détermine la notion de progrès. De ce point de vue, Macron est un conformiste absolu, qui croit naïvement que tout ce qui est moderne est par définition progressiste.

 Les populistes exaltent, eux, l'idée d'une démocratie qui reposerait sur " l'expression de la volonté du peuple" oubliant alors les minorités (tyrannie de la majorité). Mais cette idée de tout soumettre à la volonté du peuple ne serait-elle pas elle aussi en opposition avec les fondements de la démocratie (protection des minorités, contre-pouvoirs, respect des bornes...)?

L'erreur des populistes, ou de certains d'entre eux, est d'idéaliser le mythe de la démocratie directe, qui est une illusion. On le voit d'ailleurs avec les Gilets Jaunes, qui sont pour l'instant incapables de produire un discours articulé et cohérent au-delà de certaines revendications d'ailleurs légitimes. La démocratie directe est une utopie dangereuse qui repose sur l'idée que le peuple détient la vérité. Or le peuple est une notion très difficile à définir. Qui fait partie du peuple, qui en est exclu ?  Le clivage peuple-élite est à la fois dangereux et stérile. Les élites intellectuelles par exemple, sont aujourd'hui complètement divisées, entre d'un côté des conservateurs et de l'autre des progressistes. Ni le peuple ni les élites ne constituent des réalités homogènes.

 Au final, qui saura inventer le stade historique d'après selon vous ?

Nous vivons indiscutablement un moment populiste, mais c'est un moment populiste à l'échelle de toute l'Europe, mais celui-ci doit être dépassé. De même que le gauchisme était un "stade infantile du communisme", comme l'a écrit Lénine, le populisme est le stade infantile du conservatisme. Pour que le populisme soit dépassé, il faut que les conservateurs soient capables d'accoucher d'un projet de civilisation. C'est à la droite de faire des propositions constructives, car la gauche est à l'agonie. Pour cela, la droite doit être capable de rompre avec la religion du progrès et de la modernité. Elle doit rompre avec le macronisme, sans céder aux sirènes du populisme. 

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