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Donald Trump Président : les 10 contresens (voire erreurs totales) que vous avez entendus partout sur son élection
©Reuters

Désintox

Alors que Donald Trump vient d'être élu président des États-Unis en battant sa rivale Hillary Clinton, voici dix poncifs que vous avez sûrement déjà entendus à ce sujet (avec évidemment de quoi y répondre).

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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1) "C'est un monde qui s'effondre, c'est vertigineux"

Je retiens surtout l'idée de l'effondrement, qui me paraît révélatrice. Pour beaucoup d'observateurs, et spécialement pour ceux de l'élite française, l'élection de Trump est une sidération. Ce n'est pas le monde en général qui s'effondre. C'est leur monde ! Celui de leurs certitudes, de leurs préjugés, de leurs convictions acquises ils ne savent plus très bien comment. Cette phrase me semble illustrer une sorte d'apocalypse : le monde des élites françaises est fait d'illusions. Et soudain, la réalité les rattrape.

2) "C'est surtout la défaite de Hillary Clinton, empêtrée dans le scandale des emails"

En réalité, Trump a attiré sur lui un vote d'adhésion. Comme tous les leaders charismatiques, c'est sa personnalité qui a fait la différence, et sa capacité à insuffler une dynamique, un espoir. Face au côté strict, pincé, d'Hillary Clinton, Trump a mis de l'épaisseur humaine. Imaginer que l'affaire des e-mails ait pu faire oublier la présence du bonhomme Trump sur scène est évidemment une illusion. D'autant plus que son propre parti a cherché à l'abattre : il est devenu une sorte de super-héros capable de surmonter ces attaques.

3) "Les "bas instincts" des Américains (racisme, agressions...) risquent d'être libérés"

Cette idée est divertissante, parce qu'elle rejoint la représentation d'un Trump vulgaire, populiste, élu par les petites gens. L'idée mérite d'être creusée, car on voit bien qu'elle repose sur le principe, en creux, selon lequel ce n'est pas parce qu'on est en démocratie que tout le monde doit pouvoir être élu. Il y a en France une nostalgie pour le suffrage censitaire : ne devraient participer au jeu démocratique que les gens capables de le faire, c'est-à-dire les gens bien nés.

4) "On peut craindre le pire pour la situation au Moyen-Orient"

L'affirmation est paradoxale. L'un des premiers actes de gouvernement de Trump consistera sans doute à organiser des pourparlers pour mettre un terme au conflit en Syrie. Pour le Moyen-Orient, l'élection de Trump est donc plutôt une bonne nouvelle. On peut imaginer qu'elle se traduira par un retour assez rapide à la paix qui existait avant 2011. Pour le reste, il est encore trop tôt pour se prononcer.

5) "Il n'a pas l'expérience nécessaire"

Ce sujet est bien connu en France avec la prise de pouvoir par François Hollande. Nous avons pu tester et vérifier les difficultés de ce cas de figure. Mais, dans le cas de Trump, il peut se targuer d'une précieuse expérience que peu d'hommes politiques peuvent mettre en exergue : sa réussite dans les affaires. Trump a créé un empire et le gère. Ce n'est tout de même pas n'importe quelle responsabilité que de parvenir à ce niveau. De mon point de vue, cela vaut largement le passage par des mandats électifs nationaux.

6) "C'est le creusement des inégalités qui est à l'origine de sa victoire"

L'affirmation est contestable, dans la mesure où Trump n'est pas à proprement parler le candidat de la réduction des inégalités. Cette étiquette convenait mieux à Bernie Sanders, qui aurait probablement fait un meilleur candidat qu'Hillary Clinton. Bernie Sanders était dans la lutte contre l'injustice sociale. Il pouvait même se revendiquer d'une filiation marxiste. Chez Trump, on trouve quand même une filiation d'une autre nature. Sa volonté de baisser les impôts, notamment pour les plus hauts revenus, ne traduit pas exactement une victoire fondée sur un rejet de ces inégalités.

7) "C'est la faute des médias qui lui ont donné trop de place"

Jamais on n'a assisté pourtant à une campagne médiatique aussi haineuse vis-à-vis d'un candidat. Qu'il s'agisse des médias américains ou des médias européens, Trump n'a eu droit à aucun cadeau. La campagne anti-Trump s'est d'ailleurs faite sous la ceinture. Les médias n'ont pas argumenté, ils ont stigmatisé et cherché le bannissement. L'objectif était bien de discréditer le candidat sur le mode du "vulgaire", de l'incompétent, du simpliste, du démagogue. On connaît ça par coeur en France.

8) "Il va se lancer dans une guerre des changes et des tarifs douaniers"

Il y a là un malentendu intéressant. Tout le monde fait comme si nous vivions une période de libre-échange, et comme si les accords commerciaux multilatéraux le prouvaient. Or, non seulement le commerce mondial a connu des heures plus glorieuses qu'aujourd'hui il y a cent ans, mais nous ne connaissons qu'une situation partielle de libre-échange, notamment parce que nous importons des biens venus de Chine, mais que l'exportation en Chine est beaucoup plus complexe. Trump ne va donc pas combattre le libre-échange, mais changer les termes d'un système dont on mesure de plus en plus les limites.

9) "Ce vote est un vote racial, une "vengeance" des Blancs après huit ans d'Obama"

Voilà une très belle blague. Il suffit de regarder les images des mouvements de soutien à Trump pour comprendre que celui-ci n'est certainement pas le candidat des Blancs racistes, puisqu'il est soutenu par des membres de toutes les communautés aux Etats-Unis. Au demeurant, il est illusoire de croire que des non-Blancs soient en opposition frontale avec le discours de Trump. Pour beaucoup de communautés ethniques, la mondialisation telle qu'elle se produit, telle qu'elle se déploie, est une source de déstabilisation ou d'appauvrissement.

10) "Donald Trump, c'est l'équivalent du Front national"

On peut penser que l'appel au peuple contre les élites, largement propagé par Trump, le rattache au Front national. Reste qu'en France, le Front national est une synthèse de courants idéologiques très différents, dont on ne sait pas trop combien de temps elle tiendra. Ces courants idéologiques procèdent de la gauche, d'ailleurs, avec une étrange homonymie avec le Parti Communiste, autant que de la droite. Une Marion Maréchal-Le Pen rappelle tant les familles politiques qui ont fait Vichy ! Ces traditions-là sont absentes de la pensée fondamentalement libérale, voire libertarienne, de Trump, qu'on peut à la limite accuser d'être un parangon de libéralisme conservateur.

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