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Division des groupes LR : comment les deux droites en sont venues à se mépriser profondément
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Conflit interne

Le rassemblement de la droite est mis à mal. Suite au second tour des élections législatives, et à l'initiative de certains cadres LR, un groupe LR "macron compatible" pourrait être amené à voir le jour à l'Assemblée.

Atlantico : Dans le cadre de cette scission, un député aurait confié au journal le Monde "Ils installent un clivage en se décrivant comme les intelligents contre les gros beaufs qui s’opposent. Forcément, ils énervent beaucoup de monde". Alors que la coexistence de deux droites, au moins, peut être considérée comme un phénomène structurel, comment expliquer​, désormais, cette rupture ?​ Quelles sont les modifications, les changements, qui permettent une telle rupture ?

Maxime Tandonnet : Cette rupture s'explique par le contexte politique: en apparence, le rejet des partis traditionnels qui se sont succédé au pouvoir et la réussite électorale hors du commun  d'Emmanuel Macron. Toutes les catégories traditionnelles de la politique française ont été désintégrées, notamment la clivage droite gauche. Une partie de la droite, les constructifs, a choisi de jouer pleinement le jeu de l'entrée de la politique française dans une ère nouvelle. Ils se sentent donc à l'avant garde, plus modernes et plus intelligents que ceux qui sont demeurés dans "l'ancien système" considérés au fond comme des réactionnaires qui n'ont pas pris le train "en marche". Les autres, la majorité de la droite, parient sur les difficultés à venir du nouveau pouvoir et demeurent dans une logique d'alternance à venir. Ce sont deux visions antagonistes de l'avenir politique du pays sur le quinquennat à venir et deux analyses divergentes du phénomène En Marche: une transformation profonde et durable pour les uns, une grande illusion, une recomposition en trompe-l’œil, sans doute vouée à l'échec, pour les autres.   

En en est on réellement arrivé à un stade de "deux droites irréconciliables" d'un point de vue idéologique, ou faut il plus y voir une accumulation de logiques personnelles ? Quels sont les précédents sous la Ve République ?

Je ne suis pas certain que la rupture en cours soit l'expression des vieux clivages à droite, notamment chiraquiens contre balladuriens/sarkozystes. Ainsi, dans l'avant garde supposée se trouvent des sarkozystes, alors que Mme Pécresse ou M. Baroin, qui n'ont pas cédé aux sirènes d'En Marche sont plutôt chiraquiens. De même, la cassure ne recouvre pas forcément la divergence idéologique traditionnelle entre le RPR souverainiste (ligne Pasqua/Séguin) et l'UDF européiste. Décidément, on est beaucoup plus dans des logiques de calculs individuels et carriéristes. Un précédent sous la Ve République vient aisément à l'esprit. En 1974, l'UDR – le mouvement gaulliste – soutenait Jacques Chaban Delmas, ex Premier ministre de Georges Pompidou. Une partie de cette formation, sous l'impulsion de Jacques Chirac, fit scission et se rallia à Valéry Giscard d'Estaing, centriste libéral, qui incarnait la modernité, le renouveau, le changement, provoquant ou facilitant la victoire de ce dernier. Là aussi, plus que l'idéologie, les calculs personnels l'emportaient. Jacques Chirac fut Premier ministre pendant deux ans. Puis les choses ont mal tourné. Il est entré, avec son RPR (l'ex UDR) dans une logique de fronde contre VGE et il a fortement contribué à l'échec de ce dernier lors de sa seconde candidature en 1981 contre François Mitterrand.

La droite est elle en situation de remporter des élections en cas de divisions ? La scission n'est elle pas une promesse de disparition ?

Difficile à dire. L'opinion publique est devenue insaisissable, imprévisible, prise de soubresauts erratiques. L'assise de popularité du nouveau pouvoir est extraordinairement faible: 32% des suffrages au premier tour des présidentielles avec une participation de moins de 50% cela donne un socle d'adhésion de 16%, extrêmement faible pour un début. Il suffit sans doute de très peu de chose pour que le nouveau pouvoir soit empêtré dans un vertigineux engrenage d'impopularité et sombre rapidement dans un rejet radical. On ne peut pas parler vraiment d'état de grâce et la nouvelle équipe, au bout de quelques semaines, est déjà engluée dans des affaires alors qu'elle avait bâti son succès sur une image de purification des mœurs politiques. Rien ne laisse prévoir une amélioration sur les grands sujets de préoccupation des Français, la violence, l'Etat de droit, la cohésion nationale, la maîtrise des frontières, la lutte contre les inégalités et le communautarisme... La rue et les syndicats menacent les projets de réformes sociales. Le climat d'euphorie, de culte de la personnalité et le charme qui règnent en ce moment sur les médias et une partie de la presse forment un écran de fumée cachant une situation profondément instable et précaire, sans doute plus complexe et plus périlleuse encore que les débuts de quinquennat Hollande. Dans peu de temps, une deuxième  vague de « dégagisme » risque de déferler au détriment des bénéficiaires de la première, encore plus violente. Dès lors, vers qui se tourner? Si une opposition modérée et républicaine ne parvient pas à s'imposer et à proposer une alternative crédible aux Français, les vainqueurs finaux de la décomposition politique seront les partis extrémistes, de droite comme de gauche et la France sombrera dans le chaos.

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