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Distilbène : UCB Pharma 
condamné en appel
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Scandale sanitaire

UCB Pharma vient d'être condamné en appel ce matin, la justice reconnaissant sa responsabilité jusqu'à la 3e génération, à savoir les enfants des enfants touchés in utero par le Distilbène, entre 1948 et 1977. Une victoire pour les 80 à 100 000 victimes directes, et leur descendance.

Nathalie Lafaye

Nathalie Lafaye

Nathalie Lafaye est secrétaire de Réseau DES France, association d'aide aux victimes du Distilbène.

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[Mise à jour jeudi 9 juin 14h50]

Nathalie Lafaye, comment réagissez-vous à la décision de la Cour d'Appel de Versailles?

L'association d'aide aux victimes du Distilbène est contente et soulagée pour la famille d’Hélène et de Louis, un garçon lourdement handicapé. C’était une angoisse quotidienne. La mère se disait : « Que peut-il se passer quand on ne sera plus là ? » Le garçon a besoin d’une assistance permanente. J’espère maintenant que la procédure s’arrêtera là. Il faudra toutefois attendre la décision de l’UCB pour que la famille puisse s’apaiser et tourner la page. Le laboratoire est toujours allé au bout des procédures judiciaires. J’espère que cette fois-ci, il ne le fera pas… Ce serait important.

[Mise à jour jeudi 9 juin 11:15]

La Cour d'Appel a condamné ce matin UCB Pharma à 1,7 million d'euros de dommages et intérêts au bénéfice de Louis, handicapé à 80 %, du fait, d'après la justice, de l'exposition de sa mère au Distilbène, in utero, en 1958.

[Interview réalisée avant la décision de justice, mercredi 8 juin]

Jeudi, la Cour d'Appel se prononce sur la reconnaissance du préjudice de la 3ème génération des victimes du Distilbène et sur la responsabilité du laboratoire UCB Pharma quand aux séquelles du petit-fils d'une femme ayant pris la molécule D.E.S. pendant sa grossesse en... 1958. Comment expliquez-vous cette lenteur par rapport à l'affaire du Médiator ?

L'affaire Médiator n'est pas terminée, il ne faut donc pas tirer de conclusions hâtives. Mais il est indéniable qu'en trente ans, la société a beaucoup évolué, notamment du fait de notre combat.

Il y a eu de grandes avancées dans le domaine du droit : en 2009, la Cour de Cassation a inversé la charge de la preuve pour une victime du Distilbène atteinte d'un cancer ACC (Adénocarcinome à Cellules Claires). C'est donc maintenant au laboratoire de prouver son innocence, plutôt qu'à la victime de prouver sa culpabilité.

Par ailleurs, on ne réagit pas aujourd'hui avec le Médiator comme on l'a fait il y a vingt ans avec le distilbène, car les attentes des citoyens ne sont plus les mêmes. C'est suite à l'affaire du distilbène que les États se sont dotés d'agences du médicament. C'est l'une de nos consolations : au moins, maintenant, il y a de la pharmacovigileance. L'affaire du Médiator nous heurte d'autant plus qu'elle a eu lieu malgré cela.

Cela veut dire qu'il pourrait y avoir d'autres Médiator, d'autres Distilbène ?

Sachant que les mêmes comportements produisent les mêmes effets, je pense que le Médiator ne sera pas le dernier scandale de sécurité sanitaire, car les laboratoires sont davantage motivés par les profits que par la générosité et l'humanisme.

Quand on sait que pour le Distilbène, l'alerte a été donnée en 1971 et qu'il a fallu attendre 1977 pour pouvoir l'interdire, et qu'il a été prescrit en Pologne, au Mexique ou en Afrique jusqu'au milieu des années 1990, c'est la preuve qu'on ne peut pas déléguer aux laboratoires le suivi des médicaments. Il faut faire mener des études par des équipes sérieuses et avec des financements indépendants.

Quelle est l'attitude des professionnels et des autorités sanitaires ?

Les maladies provoquées par les médicaments mettent toujours les médecins mal à l'aise, car ils sont là pour soigner, pas pour faire du mal. Dans ces cas-là, la réaction la plus courante, c'est le déni. Il y a néanmoins un certain nombre de médecins qui ont pris fait et cause pour faire valoir les conséquences nocives du Distilbène, en plus de son inefficacité totale.

L'Affsaps (Agence française de sécurité des produits de santé)  a, quant à elle, alerté les professionnels de santé en 2002 et travaille aujourd'hui encore sur les conséquences du médicament sur la 3ème génération.

Si la justice a progressivement reconnu les méfaits du Distilbène (stérilité, handicap, cancers, fausses couches), c'est surtout parce que le ministère de la Santé a reconnu sa responsabilité. Si l'on n'avait pas attendu 6 ans pour contre-indiquer le médicament à la femme en enceinte, on aurait pu limiter le nombre de victimes : si l'on estime aujourd'hui à une centaine le nombre de cancers ACC, plus de 80 000 filles nées de 200 000 femmes enceintes ayant pris du Distilbène sont aujourd'hui touchées par les conséquences du médicament.

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