Derrière les morts du pèlerinage de La Mecque, ces vagues de chaleur extrêmes auxquelles les grands événements ne se sont pas adaptés<!-- --> | Atlantico.fr
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L'Arabie saoudite a annoncé dimanche le décès de plus de 1 300 pèlerins lors du « hajj » qui s'est déroulé du 14 au 19 juin dans l'ouest du royaume.
L'Arabie saoudite a annoncé dimanche le décès de plus de 1 300 pèlerins lors du « hajj » qui s'est déroulé du 14 au 19 juin dans l'ouest du royaume.
©Abdel Ghani BASHIR / AFP

Dérèglement climatique

La mort d’au moins 1 300 pèlerins pendant le hajj témoigne de la menace croissante que le changement climatique fait peser sur nos sociétés.

Serge Zaka

Serge Zaka

Docteur en agroclimatologie chez ITK, administrateur d’Infoclimat et chercheur-modélisateur, Serge Zaka étudie l’impact du changement climatique sur l’agriculture.

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Atlantico : Pourquoi observons-nous une augmentation des vagues de chaleur extrêmes ces dernières années, et quelles sont les principales causes de ce phénomène ?

Serge Zaka : La réponse est assez simple. Nous avons observé une augmentation de la fréquence et de l'intensité des vagues de chaleur à travers le monde, et cela est clairement dû au changement climatique. Les dernières études, menées à la fois en Amérique et au Moyen-Orient et publiées cette semaine, confirment l'impact du changement climatique.

C'est bien le changement climatique qui est à l'origine de l'accentuation de ce phénomène, et c'est également ce qui a provoqué le dépassement du seuil de résistance humain, entraînant une surmortalité accrue. Pour illustrer cela avec des chiffres français, nous avons constaté que depuis les années 2000, la fréquence des vagues de chaleur a été multipliée par quatre par rapport à la période précédant les années 2000.

De plus, il est prévu que ces chiffres soient encore multipliés par dix d'ici 2050. Pour mieux comprendre la situation, nous ne parlons plus simplement de risque de canicule en France. Avant les années 2000, il y avait en moyenne 0,28 canicule par an, soit environ une canicule tous les quatre ans. Aujourd'hui, nous parlons de saison des canicules, car depuis les années 2000, nous observons en moyenne 1,18 canicule par an, soit au moins une canicule par an.

Ainsi, non seulement la fréquence des vagues de chaleur a augmenté, mais leur intensité également. 

Quels sont les principaux risques pour la santé associés à ces vagues de chaleur, notamment lors de grands événements comme le pèlerinage de La Mecque ?

Le premier point, purement climatique, concerne l'impact de la chaleur et de l'humidité sur la santé humaine, particulièrement lorsque de grandes foules se rassemblent. Il est important de comprendre que l'organisme humain ne réagit pas seulement à la température, mais aussi à l'humidité. Le corps humain, qui maintient une température interne constante de 37°C, a besoin de transpirer pour réguler cette température. Lorsque l'air est saturé en humidité, la transpiration devient moins efficace car l'air ne peut pas absorber plus d'humidité. Cela empêche le corps de se refroidir correctement, ce qui peut provoquer un malaise thermique.

Par exemple, dans un désert où la température atteint 50°C mais où l'air est très sec, le risque de mortalité est moindre si l'on reste à l'ombre. En revanche, à 50°C avec un taux d'humidité de 30-40%, le risque de mortalité augmente significativement. Ainsi, la combinaison de chaleur élevée et d'humidité accrue dépasse de plus en plus le seuil de tolérance humain, augmentant les risques de mortalité.

Indépendamment des événements comme les rassemblements sportifs, religieux ou festifs, ces risques sont particulièrement élevés dans les pays tropicaux, au Moyen-Orient, en Inde, en Indochine, et plus marginalement dans le sud de l'Europe. Dans ces régions, les fortes températures sont souvent accompagnées d'humidités élevées, ce qui aggrave la situation.

Ensuite, il y a l'effet aggravant des grandes concentrations humaines. Lors de rassemblements importants, comme le pèlerinage de La Mecque, les températures peuvent devenir supra-optimales pour les humains, entraînant des malaises massifs. Les systèmes sanitaires, généralement calibrés pour des situations connues, peuvent rapidement être débordés lorsqu'une vague de chaleur exceptionnelle survient. Cela se produit indépendamment de l'effet de foule.

Enfin, l'effet de foule en lui-même amplifie les risques. Dans une foule, la chaleur est encore plus intense, la circulation d'air est réduite, et la transpiration devient plus difficile. Cela peut entraîner des situations critiques lors de grands rassemblements, aggravées par des systèmes sanitaires souvent non préparés à de telles conditions extrêmes.

Un exemple notable est celui des festivals et des grands événements estivaux. Avec l'augmentation des vagues de chaleur, la période estivale devient de moins en moins propice aux grandes manifestations. La "belle saison" pour les humains tend à se déplacer vers l'automne et le printemps. En 2022, par exemple, une baisse de fréquentation des hôtels et des stations en Méditerranée a été observée en raison des températures trop élevées. Les Parisiens, déjà accablés par la chaleur à Paris, préféraient chercher la fraîcheur en Normandie et en Bretagne plutôt que descendre vers le sud.

Ce changement climatique exige donc une adaptation des calendriers de vacances et des grands événements, qui devront peut-être se dérouler en dehors de la saison estivale pour éviter les risques associés aux vagues de chaleur. Les chiffres montrent déjà une tendance vers ce shift, et cette tendance se renforcera probablement tout au long du siècle.

Quelles mesures préventives les organisateurs de grands événements pourraient-ils mettre en place pour mieux protéger les participants contre les effets des températures extrêmes ?

Pour les grands événements en plein air organisés entre le 1er juillet et le 30 août, le risque de canicule est particulièrement élevé. À partir de 2040-2050, il sera essentiel de mettre en place des mesures préventives adaptées. La première mesure de prévention consiste à planifier ces événements en dehors des périodes à haut risque de canicule ou dans des régions moins exposées aux extrêmes climatiques, comme les côtes de la Manche.

Sur le plan sanitaire, il est crucial de calibrer les dispositifs en fonction des nouvelles réalités climatiques. La vague de chaleur de 2003 doit servir de référence pour anticiper des événements climatiques encore plus sévères. Il est essentiel de garantir un accès gratuit à l'eau potable pour tous les participants en installant des points d'eau multiples et bien répartis sur le site de l'événement. Il est également nécessaire d'assurer une présence suffisante de pompiers et de personnels de secours pour intervenir rapidement en cas de déshydratation ou de coups de chaleur, ainsi que des installations médicales sur place pour traiter les urgences liées à la chaleur avec du personnel médical qualifié.

Lorsqu’une alerte orange ou rouge est émise par Météo France, il est crucial de respecter ces avertissements. Cela peut inclure l'annulation ou le report de l'événement, même si cela entraîne des pertes financières importantes, car la priorité doit être donnée à la sécurité des participants. Informer les participants des risques liés à la chaleur et des mesures de protection à prendre est également essentiel, ce qui peut se faire par le biais de campagnes de sensibilisation avant et pendant l'événement.

Les infrastructures doivent être adaptées en aménageant des espaces ombragés et des zones de repos climatisées pour permettre aux participants de se rafraîchir. Il est également important de développer des plans d'urgence spécifiques pour gérer les situations de crise liées à la chaleur, y compris des protocoles clairs pour l'évacuation et la prise en charge des participants en détresse. En mettant en place ces mesures, les organisateurs peuvent mieux protéger les participants contre les effets des températures extrêmes et garantir la sécurité et le bien-être de tous lors de grands événements.

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