Démographie : le gouvernement japonais se transforme en agence matrimoniale pour essayer de relancer la natalité<!-- --> | Atlantico.fr
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Des couples prennent des selfies dans une rue illuminée à Tokyo à l'occasion des célébrations de Noël, le 25 décembre 2022.
Des couples prennent des selfies dans une rue illuminée à Tokyo à l'occasion des célébrations de Noël, le 25 décembre 2022.
©Yuichi YAMAZAKI / AFP

Relance des naissances

Les autorités japonaises ont déployé une série de mesures afin d'inciter les jeunes adultes à se rencontrer. Ces dispositifs seront-ils efficaces face aux difficultés démographiques du Japon ?

Atlantico : Les pouvoirs publics japonais viennent de mettre en place toute une série de mesures pour inciter les jeunes adultes à se rencontrer, voire même à fixer un calendrier concret pour le mariage. Comment expliquer une telle initiative du gouvernement japonais ? Les questions démographiques sont-elles si préoccupantes ? 

Laurent Chalard : Tout dépend de la manière dont on analyse la démographie japonaise. En termes de densité de population, le Japon est l’un des pays les plus peuplés au monde, avec 330 habitants par kilomètre carré. De ce point de vue, on pourrait donc croire que le Japon n’a pas de problème démographique. D’ailleurs, pendant très longtemps, le Japon fut perçu comme un pays surpeuplé, avec peu de place.

Pourtant, quand on regarde les chiffres plus en détail, la réalité est bien différente. Il y a un effondrement du nombre de naissances depuis le pic consécutif à la Seconde Guerre mondiale : après un pic de 2 700 000 naissances entre 1946 et 1949, il y en a eu seulement 800 000 en 2022… Cela signifie que la pyramide des âges est bancale, avec un nombre très important de personnes âgées : dans les prochaines années, le pays va perdre des habitants ! Cette situation inquiète fortement le gouvernement japonais, car le besoin en main-d’oeuvre est trop important. À terme, l’archipel pourrait donc rencontrer des difficultés pour faire tourner son économie, à moins d’une immigration massive, ce qui n’est pas à l’ordre du jour, pour des raisons culturelles notamment. 

Jamais dans l'histoire du Japon l'État n'a joué un rôle aussi visible et étendu dans les affaires de cœur. Mais de nombreux experts estiment que cette initiative est vouée à l’échec. Que faut-il en penser ? 

Effectivement, on se rend compte que lorsque des États s’immiscent dans la vie des individus pour les inciter à faire des enfants, cela ne fonctionne pas. Au contraire, quand un État central demande aux habitants de faire des enfants, c’est souvent l’effet inverse qui se produit ! Il s’agit de questions très individuelles et l’intervention de l’État est souvent mal perçue et, au final, contre-productive. Enfin, dans la totalité des pays développés, les mesures natalistes n’arrivent pas à redresser la situation de la fécondité. Le problème principal est le manque de désir d’enfant et l'épanouissement des individus passe de moins en moins par la procréation. Tant que les mentalités ne changeront pas, les incitations étatiques, aussi fortes soient-elles, n’arriveront pas à atteindre leurs objectifs. 

Elon Musk prévient que le Japon « cessera d’exister » en raison de son faible taux de natalité. À quel point faut-il le prendre au sérieux ? 

Fort heureusement, le Japon est loin de disparaître. Dans un pays surpeuplé, une faible fécondité n’est pas un signe de disparition. En revanche, là ou Elon Musk n’a pas tout à fait tort, c’est que si les courbes de fécondité se prolongeaient pendant deux siècles, il ne resterait plus beaucoup de japonais. Or, la prolongation des courbes statistiques n’est jamais infinie. Ainsi, il y a 60 ans, on prévoyait une croissance exponentielle de la population mondiale, ce qui s’est révélé faux. 

Historiquement, s’il fallait retenir un exemple de politique de relance de la natalité, ou faudrait-il regarder ? 

Un certain nombre de pays ont tenté de mettre en place de telles politiques, notamment en Europe de l’Est ou en Russie. Malgré cela, il n’y a jamais eu de succès réel d’une politique nataliste. Le seul pays du monde qui a eu une politique plus ou moins efficace est la France, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale. Cette politique a permis de connaître un baby-boom plus prononcé que dans les autres pays européens, puis de ne pas connaître un taux de natalité aussi faible ensuite, même si le seuil de remplacement des générations n’a jamais été dépassé depuis 1975. Ces politiques ne sont donc pas totalement inefficaces, même si elles ne remplissent jamais totalement l’objectif fixé. 

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