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Comment aider un pays à rester dans l'euro même quand plus personne ne lui prête de l'argent ?
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Prêts à taux zéro

Les avantages du marché unique monétaire ont accentué la crise de la zone euro, toujours sous la menace d'un éclatement. La dévaluation impossible de la monnaie unique a donc profité aux pays du Nord de l'Europe, au détriment de ceux du Sud. Vouloir conserver l'euro à tout prix c'est bien, mais pouvoir c'est mieux...

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser

Jean-Luc Schaffhauser est ancien député européen apparenté RN.

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Étonnamment, ce sont les ‘’avantages’’ attendus de l’euro qui conduisent à la crise de l’euro. La monnaie unique rend les dévaluations compétitives impossibles, ce qui semble un avantage. Cependant, ainsi, le fort devient plus fort mais le faible devient aussi plus faible ; les excédents des uns font les déficits des autres. L’homogénéité monétaire conduit à de nouvelles disparités.

Les pays du Nord ayant su mieux préserver leurs industries par leur savoir-faire traditionnel, mais aussi par leur rigueur, ont pu mieux profiter de l’euro pour exporter plus. Mais leurs excédents se font essentiellement à l’intérieur de la zone, et font les déficits des autres pays de la zone. Ainsi, l’euro a permis le maintien des industries du Nord - dont la part en valeur ajoutée s’est maintenue, mais dont l’emploi a cependant diminué face à la concurrence de la Chine et des émergents -, mais a contribué à désindustrialiser encore plus rapidement les pays du Sud par les productions ‘’compétitives’’ du Nord et celles des pays émergents.

Autrement dit, ce sont les ’’avantages’’ du marché unique monétaire, et sa ‘’compétitivité’,’ qui ont renforcé paradoxalement les déficits du Sud. La désindustrialisation du Sud, accélérée par l’impossibilité de dévaluer, conduit à des déficits structurels qui eux-mêmes peuvent conduire à l’éclatement de la zone euro. Par exemple, si le Nord ne veut plus prêter ses excédents financiers au Sud.

Pour comprendre la crise de la zone euro, c'est la balance des paiements qu'il faut regarder !

Il faut regarder le besoin de financement extérieur, la dépendance à celui qui comblera ou non vos déficits. Si les institutions financières qui gèrent les excédents du Nord - plus largement, les marchés - craignent de ne plus être remboursés de leur investissement, car vos déficits sont effectivement devenus structurels, vous n’avez pas le choix...

Même si vous voulez rester dans la zone euro et que vous considérez que l’euro est une bonne chose pour vous, s’ils ont décidé de ne plus vous prêter, vous ne pouvez pas rester dans la zone euro. Vous devez faire défaut et dévaluer pour vous mettre en conformité avec votre richesse réelle. Cela passe par un appauvrissement de fait du pays, car les importations vont vous coûter plus chers, et il vous faudra du temps pour reconstituer votre base industrielle… mais c’est la réalité ou les faits qui vous l’imposent.

La question du maintien ou du non maintien de la zone euro n’est donc pas qu’une question de volonté ; c’est d’abord une question technique de capacité économique à y rester.

Certes, il reste la déflation salariale pour tenter de retrouver de la compétitivité en restant dans la zone euro. Mais la déflation salariale, comme d’ailleurs les dévaluations trop tardives, ne vous redonnent pas, comme par un coup de baguette magique  économique, votre base industrielle détruite ou délocalisée. Par ailleurs, votre croissance dépendant par définition de votre marché intérieur, puisque vous êtes en crise car vous n’exportez pas suffisamment par rapport à vos importations, la déflation salariale détruira la demande intérieure et donc la croissance. Vous pouvez perdre ce que vous espérez gagner par la déflation salariale. Vous aurez la sueur et le sang, mais sans résurrection possible...

Les mesures de déflation salariale en Grèce n’ont pas rétabli l’équilibre de la balance des paiements, on est toujours à la case départ du début de la crise avec un chômage plus élevé, la révolte sociale en plus et des milliards dépensés inutilement...

Alors comment briser un cercle totalement vicieux ?

Les remèdes existent si on regarde la balance des paiements des pays structurellement déficitaires, mais sans les intérêts de la dette payés à ceux qui détiennent extérieurement la dette publique.

Par exemple, la Grèce qui est le pays le plus malade de la zone euro, n’a un déficit de sa balance des paiements, dans ces conditions, que de 5 points de PIB. C’est certes important, mais cela peut être comblé par des investissements productifs, par exemple pour économiser l’énergie importée, et promouvoir les énergies nouvelles (l’énergie importée représentant en moyenne autour de 4 % du PIB des pays en difficulté), ou encore en renforçant les sociétés exportatrices rentables - elles sont encore nombreuses dans ce pays -, sans oublier des services comme le tourisme.

Il suffirait donc de prêter à la Grèce et au Portugal, directement par des avances à leur Trésor, les mêmes montants que l’on vient recemment de prêter aux banques (autour des 500 milliards), mais à un taux cette fois nul et pour une durée de trois ans reconductible, pour que ces deux pays puissent racheter toute leur dette extérieure. Ainsi, ils n'auraient pas à supporter le poids de l’intérêt de la dette extérieure tout en remboursant ultérieurement leurs dettes à la BCE en attendant que les marchés reprennent confiance et leur prêtent à nouveau.

Ces mêmes montants (prêtés récemment aux banques) permettraient, en plus du rachat de toute la dette extérieure, de lancer le programme énergie et de soutenir les entreprises rentables. Par ailleurs, un fonds européen d’investissement, pour la Grèce et le Portugal, promu par la banque européenne d’investissement, ayant une garantie minimum de rentabilité accordée par la Commission européenne, permettrait de canaliser, sans difficultés, 2 ou 3% des 18 000 milliards d’épargne financière actuelle de la zone euro qui ne savent où s’investir. 2% soit 360 milliards investis  dans des entreprises exportatrices ou limitant les importations, avec une profitabilité de 10%, conduirait  à des excédents structurels extérieurs de ces pays actuellement en déficits structurels sans compter que de tels investissement redonneraient de la véritable croissance. 

Tout cet argent ne serait pas perdu, contrairement aux sommes actuelles si la Grèce finit par faire défaut, par nécessité et non par choix ! Ce programme serait est une réponse structurelle aux déficits structurels des pays du Sud, susceptible de calmer les marchés qui reprendraient confiance.

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