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Décès de Simone Veil : entre banalisation et difficultés, la lente transformation de l’avortement depuis 1974
©Reuters

Femme de courage

La mort de Simone Veil, ministre qui fit légaliser l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1974, est l'occasion de se pencher sur le bilan de cette loi 43 ans plus tard. Il est globalement positif, malgré des zones d'ombres toujours très préoccupantes.

Christian Jamin

Christian Jamin

Christian Jamin est gynécologue et endocrinologue. Il exerce actuellement à Paris. Spécialiste de la régulation du traitement hormonal chez la femme, il participe activement aux recherches de nouvelles méthodes de contraception. Il s'implique également dans la prévention de l'IVG.

Il a co-écrit Une nouvelle vie pour la femme, aux éditions Jacob-Duvernet, 2006.

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Atlantico : Le décès de Simone Veil est l'occasion de nous rappeler le rôle très important qu'elle a joué dans l'évolution de notre société en faisant légaliser l'avortement en 1974. Que peut-on dire de la situation actuelle de l'avortement en France ? Comment ont évolué les chiffres de l'avortement au cours de ces 4 dernières décennies ? 

Christian Jamin : Ce qu'il faut dire pour commencer, c'est que ce type de loi sont à la fois la cause et la conséquence de l'évolution des sociétés. C'est parce que la société avait évolué que Simone Veil a pu faire passer cette loi, et Simone a fait évoluer la société par cette loi. La loi Veil fait en cela partie des quelques grandes lois sociétales, comme celle de Neuwirth sur la contraception ou celle sur la peine de mort. Et face à de telles lois il est difficile de juger de l'impact réel de l'action légale par rapport à l'évolution sociétale, parce que les deux sont souvent intimement liés. 

En ce qui concerne l'IVG, on a assisté pendant les 30 dernières années à une augmentation du nombre d'IVG. On aurait pu penser que la démocratisation aurait pu diminuer le nombre des IVG sur le temps, mais malheureusement ce n'est pas le cas. On est dans une turpitude, une stabilité affligeante en France, car même si l'IVG est un droit, cela reste une solution de désespoir face à une grossesse non-désirée si ce n'est non-programmée. 

Le taux d'IVG ne bouge désespérément pas depuis de nombreuses années et c'est très difficile de comprendre ce qu'il se passe.  

L'avortement tel qu'il est pratiqué répond-il aux exigences de "compréhension et d'appui moral" dont les femmes "en grande détresse" avait tant besoin quand Simone Veil plaida pour la légalisation de l'avortement ? En quoi l'approche de Simone Veil diffère-t-elle de celle qui prédomine aujourd'hui ? 

En effet, et ce qu'il faut dire en premier lieu, c'est que l'IVG a énormément évolué sur le plan technique et est devenue beaucoup plus simple, notamment parce que les techniques chirurgicales se sont améliorées et que sont apparues les interventions médicamenteuses. 

L'image intrusive et brutale de l'époque est devenue aujourd'hui beaucoup plus banalisée, et est rentrée dans les mœurs médicales sans réels risques, le phénomène étant probablement aidé par la légalisation et les évolutions techniques.

À l'époque où est passée la loi, l'IVG était moralement beaucoup plus combattue qu'elle ne l'est aujourd'hui. Il y a eu une espèce de forcing de la part de Mme Veil. Depuis, on observe une double banalisation, que ce soit sur le plan moral, mais aussi médicalement. De banalisation en banalisation, on est arrivé aujourd'hui à ce qui est probablement un certain nombre de dérives qui font que l'IVG qui correspond au départ pour Simone Veil à une situation de détresse le reste encore mais devient aussi pour certains une sorte de plan B ou presque de contraception du fait d'une certaine facilité pour certaines femmes. L'IVG a été banalisée ce qui fait qu'elle reste indispensable nécessaire et sur laquelle il ne faudrait pas revenir, sauf que parfois les situations aberrantes font que certaines femmes pratique par exemple un IVG parce qu'elle souhaite avoir un enfant, mais seulement quelques mois plus tard. Il y a aussi une dérive dans ce sens. 

D'un point de vue médical, dans quelle mesure le territoire est-il égalitairement, ou inégalitairement traité aujourd'hui du point de vue de l'avortement ?

La situation s'est formidablement améliorée au cours du temps, d'abord parce que les hôpitaux ont l'obligation d'accueillir des femmes qui demandent une IVG, et parce que l'hospitalisation n'est aujourd'hui plus nécessaire et peut donc être menée en ville. Je dirai que dans les grandes métropoles, c'est extrêmement simple d'avoir à faire à une IVG. 

En revanche, sur le plan moral (je ne parle pas de religions) n'est pas accepté partout. Il reste des petites villes dans lesquelles l'anonymat est moins bien préservé et où cela pose encore des problèmes. Mais dans les grands centres, le problème est résolu. 

Bien sûr il faut rester vigilant parce qu'il y a eu une attaque contre la contraception en 2012-2013 par notre précédent ministre qui aujourd'hui laisse des séquelles considérables sur l'utilisation de la contraception puisque les femmes désormais s'en méfient. On est pas l'abri d'un nouveau ministre maladroit qui pourrait par des mesures intempestives remettre en cause la réalité sociétale de l'interruption de grossesse, mais aussi son aspect admis médicalement et sociétalement. 

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