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Les banques vont-elles visiter la prison sans passer par la case départ ?
Les banques vont-elles visiter la prison sans passer par la case départ ?
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Crise financière

Aux Etats-Unis, des saisies de maisons d'emprunteurs en faillite sont annulées par des juges, des banques demandent le remboursement de produits hypothécaires dont la valeur s'est écroulée... Voici quelques effets, parmi d'autres, du scandale du "Foreclosure gate", la deuxième vague de la crise des subprimes...

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

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Le psychodrame qui se joue actuellement aux Etats-Unis à propos de la dette publique, du relèvement du plafond d’endettement et des craintes des agences de notation, ne doit pas nous faire oublier le scandale du « Foreclosure Gate ». La crise des subprimes est connue, mais sa dimension frauduleuse beaucoup moins, la menace qu’elle fait peser sur le système financier américain s’avère pourtant très inquiétante.

La parution du livre Foreclosure gate : les gangs de Wall Street contre l’Etat US (Editions Edouard Valys) de Vincent Bénard, l’un des meilleurs spécialistes de la question en France, permet de faire le point. Il explique comment ce scandale « a révélé que tout le crédit immobilier aux USA était gangrené par la fraude, et que c’est cette fraude qui a mis à genoux l’économie de la première puissance du monde. »

Revenant sur les « bizarreries » du crédit immobilier aux Etats-Unis, très éclaté avec des courtiers qui vendent des prêts, les repassent aux banques qui ensuite se refinancent en titrisant ces crédits (les subprimes), notamment grâce à l’aide de Fannie Mae et Freddie Mac, deux agences privées mais qui bénéficient d’un soutien de l’Etat fédéral. Le nombre d’intermédiaires et la dilution des risques conduit presque naturellement à l’irresponsabilité des différents acteurs.  D’autant que de savants procédés d’ingénierie financière (qui se révéleront erronés) permettent à ces produits d’obtenir le fameux AAA des agences de notation.

Tout le crédit immobilier aux USA était gangrené par la fraude

Quand on rajoute, sur ce système fragile et déresponsabilisant, une volonté politique d’augmenter la proportion des ménages propriétaires, même peu solvables, une déréglementation dans certains domaines couplée à une régulation contraignante dans d’autres, le copinage entre les grandes banques d’affaires et le sommet de l’Etat, et l’argent « gratuit » de la Fed (taux d’intérêt très bas après 2001), on obtient un emballement de la machine hypothécaire.

Cette bulle immobilière éclate en 2008, mais elle va également révéler une fraude. Tous ces prêts hypothécaires, lorsqu’ils sont « packagés », transférés, revendus, lors des processus de titrisation, doivent être suivis. Tout transfert d’un droit de propriété doit être légalement attesté et noté. C’est la fonction des notaires. Pour faciliter les choses, et ne pas payer les droits à chaque opération, les banques ont crée un système informatique d’enregistrement des créances hypothécaires, le MERS (Mortgage Electronic Registration System).

Premier problème : plusieurs Etats réclament le paiement des frais de notaires et autres taxes foncières que la « cuisine interne » du MERS a évidemment oublié de verser (la Californie estime à 60 à 120 milliards de dollars le montant de ces arriérés…)

Deuxième problème : lorsqu’un emprunteur fait défaut, les documents produits par le MERS ne sont pas reconnu par certains juges (documents incomplets, antidatés, inexacts), une forte proportion de procédures de saisie est ainsi bloquée à travers le pays. Le cœur du processus de garantie des subprimes – la levée de l’hypothèque en cas de défaut de l’emprunteur – est remis en cause.

L’ensemble de ces fraudes se chiffre en centaines de milliards de dollars

Troisième problème : conséquence du précédent, des acheteurs de subprimes, qui ne valent plus rien aujourd’hui, s’appuient sur ces fraudes pour demander aux banques le rachat de ces produits à leur valeur nominale (votre produit était illégal, j’en demande le remboursement).

Quatrième problème : les actes explicitement délictueux ont prospéré, par exemple une même hypothèque se retrouve dans plusieurs subprimes. Autre fraude : construire un subprime rempli d’emprunteurs peu solvables, le revendre à un client naïf, acheter les CDS protégeant contre la perte de valeur de ce subprime, et empocher le gros lot lorsqu’il s’écroule !

L’ensemble de ces fraudes se chiffre en centaines de milliards de dollars. De nombreuses procédures sont en cours, les banques s’activent en coulisses pour limiter les dégâts, le pouvoir politique à Washington est coincé entre sa volonté d’éviter une nouvelle crise et l’exaspération des électeurs et des contribuables face aux magouilles des grandes banques. Quoi qu’il en soit, le Foreclosure gate constitue une véritable épée de Damoclès sur le système bancaire américain.

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