Crise énergétique : prendre les entreprises comme seule variable d’ajustement, une absurdité économique ET sociale <!-- --> | Atlantico.fr
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Le choix de prendre les entreprises comme variable d’ajustement dans le cadre de la crise énergétique risque d’avoir des conséquences sur le long terme.
Le choix de prendre les entreprises comme variable d’ajustement dans le cadre de la crise énergétique risque d’avoir des conséquences sur le long terme.
©MARTIN BUREAU / AFP

Economies d'énergie

Face à la hausse des prix de l’énergie, de plus en plus d’entreprises et d’usines annoncent restreindre ou arrêter leur production, malgré les mesures déployées par le gouvernement.

Christian Gollier

Christian Gollier

Christian Gollier est économiste à la Toulouse School of Economics et co-auteur des 4e et 5e rapports du GIEC.

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Atlantico : Que penser du choix de choisir les entreprises comme variable d’ajustement pour la sobriété énergétique afin de protéger les ménages ?

Christian Gollier : Ça ne se fait pas qu’en France. Les gouvernements européens veulent préserver au maximum les ménages, mais la réalité n’est pas celle qu’ils nous présentent. Certes, les entreprises paieront l’essentiel de la facture liée à la hausse des prix de l’énergie. Certaines usines vont fermer : dans les engrais, plus de 60% des capacités de production ont été arrêtées. Mais qui sera touché in fine ? Le consommateur. 

On doit réduire notre consommation d’énergie parce que nous aurons cet hiver moins d'énergie disponible. On peut le faire en combinant les deux possibilités, c'est-à-dire à la fois réduire la consommation énergétique des ménages et celle des entreprises. 

Si on fait tout peser sur les entreprises, pourquoi les consommateurs seront touchés ?

Pour produire des biens et des services, les entreprises doivent subir des coûts de production plus élevés. Deux possibilités s’offrent à elles : soit elles survivent à des prix plus élevés, soit elles ne sont plus compétitives et se voient contraintes de fermer, comme on le voit pour les producteurs d’engrais français et européens, qui sont moins compétitifs que les producteurs chinois, américains et indiens, dont les coûts de production sont moins élevés. En France, nous avons tout de même la chance d'avoir de l'énergie nucléaire, ce qui limite la casse.  

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Si les entreprises ferment, il y aura des licenciements et une augmentation des prix. In fine, le salarié et le consommateur seront touchés. À L'équilibre des marchés, le prix est égal au coût marginal. Donc une augmentation des coûts augmente mécaniquement les prix.

Donc c’est une stratégie des gouvernements pour retarder le problème ?

C’est de l’habillage politique. Il est impossible de préserver à la fois la compétitivité des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages. Si on achète plus cher de l’énergie importée, il y a bien quelqu’un qui doit payer la facture. On accepte un certain appauvrissement du pays, que l’on cache à travers une politique d’endettement (essentiellement grâce au bouclier tarifaire). C’est pourquoi il est important de faire comprendre aux ménages la nécessité de baisser la consommation d’énergie. Il aurait fallu, dès le printemps dernier, affirmer haut et fort que la majorité des agents économiques auront à affronter la rareté de l'énergie pour faire baisser la demande et éviter l’explosion des prix. Or on ne l’a pas fait donc les prix ont fortement augmenté. On a 40% de moins de gaz naturel que l’année dernière donc il faut réduire massivement notre consommation d’énergie. 

Est-il possible de réorienter la politique gouvernementale ?

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Le gouvernement commence à comprendre que le bouclier fiscal ne peut pas être offert sur le temps long à l’ensemble des agents économiques ; seuls ceux en difficulté devraient en bénéficier à l’avenir. 

Les choix actuels pourraient-ils entraîner une crise économique et sociale ?

C’est difficile à dire. On est dans une guerre économique avec la Russie, donc cela nécessite quelques sacrifices. On doit comprendre que chacun doit contribuer à l’effort de guerre. 

Le choix de prendre les entreprises comme variable d’ajustement risque-t-il d’avoir des conséquences sur le long terme ?

Oui, car on ne retrouvera pas le gaz naturel russe avant longtemps. Les activités les plus énergivores, telles que la production d’aluminium ou d’engrais, doivent arrêter et d’autres vont devoir migrer dans des pays où l'énergie est moins coûteuse. C’est pourquoi il est absurde de tout faire peser sur les entreprises. Il est vital d’inciter la population à moins consommer.

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