Crise des migrants : en Allemagne, le choix perdant des musulmans qui se convertissent au christianisme<!-- --> | Atlantico.fr
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En Allemagne, on observe qu'une petite mais significative proportion des migrants musulmans se convertissent au christianisme.
En Allemagne, on observe qu'une petite mais significative proportion des migrants musulmans se convertissent au christianisme.
©Reuters

"Heureux les persécutés"

En Allemagne, on observe qu'une petite, mais significative, proportion des migrants musulmans se convertissent au christianisme. Les conséquences de ce choix ont pourtant tout pour les décourager : rejet de la part de leurs anciens coreligionnaires et méfiance de la part des autorités allemandes. Interview d'un journaliste de retour d'un reportage sur le terrain.

Pierre Jova

Pierre Jova

Diplômé de l’IEP Paris, Pierre Jova est journaliste au Figaro puis au service politique et international du magazine Famille Chrétienne.

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Atlantico : Vous rentrez tout juste d'un reportage à Berlin à la rencontre de migrants convertis au christianisme. Quelle est l'étendue de ce phénomène ?

Pierre Jova : Il y a une vraie tendance de fond dans la capitale allemande, qui se concentre dans quelques paroisses de l'Église protestante d'Allemagne (Evangelische Kirche Deutschland - EKD), et à l'église luthérienne de la Trinité, dans le quartier résidentiel de Steglitz, au sud de Berlin. Cette dernière paroisse est rattachée à une Église luthérienne indépendante, et rassemble le plus de convertis : elle compte près de 800 anciens musulmans, qui y ont reçu le baptême depuis 2013. Et des dizaines d'autres baptêmes sont déjà prévus ces prochains mois.

Quel est le profil des convertis que vous avez rencontré ?

La plupart des convertis sont présents en Allemagne depuis au moins 4 ou 5 mois. Ce sont des jeunes, surtout des hommes. Ils sont majoritairement Iraniens et Afghans, surtout dans la paroisse luthérienne indépendante de Steglitz. Les Iraniens sont des gens cultivés, souvent artistes ou intellectuels, qui rejettent la dictature des mollahs et l'ordre moral islamique qui l'accompagne. Ils ont souvent eu affaire avec la police du régime, pour avoir milité dans des partis d'opposition, fait partie de la "révolution verte" de 2009, ou simplement avoir été surpris à participer à des fêtes clandestines alcoolisées. Surtout, beaucoup d'Iraniens ont déjà eu des contacts avec le christianisme dans leur pays, avec les Églises évangéliques secrètes, qu'on appelle "Églises de maison". Parfois, ils se sont convertis en Iran, mais n'ont pu se faire baptiser qu'une fois arrivés en Allemagne. L'islam chiite "aide" doublement les Iraniens à se convertir : le fanatisme islamiste et le discrédit du clergé chiite les dégoûtent, et la mystique persane les rend sensibles au christianisme.

Les Afghans, eux, ont des profils divers, et ont rarement eu un contact avec le christianisme chez eux, ou alors par le biais de certains Américains. Ils découvrent généralement cette foi quand ils arrivent en Europe. Beaucoup sont touchés par la bienveillance et la solidarité des Européens à leur égard, qu'ils attribuent au christianisme. Nombreux sont aussi ceux qui sont dégoûtés de l'islam véhiculé par les Talibans.

Quelles Eglises semblent accueillir le plus de convertis et pourquoi ?

Comme dans le reste de l'Europe, vis-à-vis des migrants et des musulmans en général, ce sont les Églises protestantes "confessantes" : dynamiques, communautaires, et annonçant un message exigeant. La plupart sont des Églises évangéliques, très missionnaires. Elles ont l'avantage d'avoir une structure souple, d'être centrées sur les Écritures saintes (ce qui parle, à des musulmans habitués à se positionner avec le Coran) et d'avoir une théologie simple, voire simpliste. La particularité à Berlin est que l'église qui fait le plein de convertis est issue de la pure tradition luthérienne, qui est très proche du catholicisme : la liturgie, le rôle du pasteur et des sacrements (confession et eucharistie) sont très importants. C'est la preuve vivante que l'évangélisation peut être menée par une Église ayant une tradition et une doctrine structurées.

Finalement, si les Églises catholique et protestantes historiques, comme l'EKD allemande, engrangent moins de conversions, c'est parce qu'elles ne cherchent pas à évangéliser les migrants, et plus largement les musulmans. Par crainte de blesser les responsables islamiques (qui eux, ne se gênent pas pour convertir), et surtout à cause d'un relativisme qui affirme que toutes les religions sont les mêmes. C'est une vision qui touche beaucoup le protestantisme libéral, et certaines franges du catholicisme.

Quelles sont les motivations de ces conversions ? Certains craignent qu'elles soient surtout motivées par la volonté d'être mieux accepté dans le pays d'accueil, ou encore pour bénéficier de la protection des victimes de persécutions religieuses.

Dans mon enquête à paraître jeudi prochain dans le prochain numéro de "Famille Chrétienne", je donne quelques témoignages, qui sont aussi divers que touchants. La rencontre de ces musulmans avec le christianisme, qui enseigne une relation personnelle entre l'individu et un Dieu d'amour, est le principal catalyseur de ces conversions.

Je ne lis pas dans les coeurs, mais la très grande majorité de ces convertis demeurent investis dans les églises qui les ont accueillis après leur baptême. Et le fait d'être chrétiens ne leur donne pas accès plus facilement à des titres de séjour. Au contraire, on les soupçonne souvent de s'être convertis pour rester. Ce sont donc des décisions personnelles, certes parfois inspirées par la croyance que l'Europe est totalement chrétienne, mais cela n'explique pas tout.

Avez-vous eu connaissance de violences, morales ou physiques, perpétrées à l'encontre de ces convertis par leurs anciens coreligionnaires ? 

Bien entendu, et cela vaut pour tout musulman embrassant le christianisme et devenant de ce fait un "apostat", y compris en Europe. Dans les foyers de migrants et les camps de réfugiés, les convertis sont au mieux insultés, interpellés ou marginalisés par les musulmans, au pire brutalisés. Ils subissent aussi des pressions de la part des polices de leurs pays natals sur leurs familles, surtout en Iran, où l'apostasie est officiellement punie de mort. Cela les pousse à ne pas trop faire de publicité, comme la plupart des convertis de l'islam au christianisme en Europe. Pour moi, cette situation est le meilleur démenti au soupçon de conversions intéressées et feintes.

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