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Crise démocratique : le sentiment d’abandon des citoyens français
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Bonnes feuilles

Combien, dans la France d'aujourd'hui, se sentent en réalité ignorés, laissés pour compte ? Combien estiment que leurs voix ne sont plus entendues ? L'enquête de François Miquet-Marty, "Les oubliés de la démocratie" (publiée chez Michalon), dresse un portrait inquiétant de notre société clivée et sourde à elle-même. Extrait 1/2.

François Miquet-Marty

François Miquet-Marty

Sociologue et sondeur, François Miquet-Marty est président de Viavoice, institut d’études et de conseil en opinions. Il a notamment publié L’Idéal et le Réel : enquête sur l’identité de la gauche (Plon, 2006).

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La maladie qui affecte la démocratie française est particulièrement profonde : nombre de citoyens, dans la France d’aujourd’hui, s’estiment abandonnés. Laissés pour compte, négligés, oubliés. Et cependant ils considèrent qu’ils vivent des parcours très particuliers, et qu’ils traversent des épreuves importantes. Beaucoup ont le sentiment de n’être pas pris en compte, alors même que, en raison du caractère démocratique du régime politique, ils devraient avoir droit de cité. Il s’agit, autrement dit et fondamentalement, d’un sentiment d’exclusion démocratique. Et cette exclusion n’affecte pas la part la plus secondaire de nous-mêmes, mais notre existence et les épreuves marquantes que nous affrontons, les sentiments les plus vifs qui nous animent, les visions du monde auxquelles nous sommes attachés. Cet « abandon » signe le déroulement tranquille d’une démocratique politique qui, d’après les intéressés, néglige ou ignore les hommes, selon leur propre perception. À ce titre, ces Français qui ne  s’estiment pas personnellement partie prenante de la démocratie pensent, de façon légitime, ne pas vivre au sein d’une véritable démocratie.

Il apparaît que cette solitude démocratique procède d’une évolution profonde dans la France des quarante dernières années. Pour indiquer ici le processus à l’œuvre de façon synthétique, l’histoire vécue par une large partie de l’opinion française depuis les années 1970 a été celle d’une disparition progressive des moyens d’exister au sein de la société et de la sphère démocratique, de trouver une place dans la vie de la cité. Des abandons anciens et essentiels, amplifiés depuis plusieurs décennies, connaissent aujourd’hui des vigueurs nouvelles. Surtout s’impose l’idée, neuve et essentielle, selon laquelle nos « vérités humaines » ne trouvent nulle place dans la cité démocratique moderne. Ces vérités sont tissées des épreuves et des joies de nos vies quotidiennes, du lot de tout ce qui, à l’échelle de chaque jour, compte vraiment dans la vie des hommes. Par définition ces vérités humaines n’acquièrent nulle audience sur la scène démocratique qui se déploie sous le regard des citoyens ; ne disposent de nul écho au sein de cette vie politique médiatisée avec laquelle beaucoup considèrent ne plus entretenir aucun rapport.

La France au cours des quarante dernières années a fermé ses fenêtres démocratiques. Depuis la Révolution, l’individualisme démocratique fait foi, l’ensemble des médiations (partis politiques, syndicats), difficilement conquises depuis la fin du XIXe siècle, étaient considérées avec circonspection, ne reste plus, bien souvent, qu’un champ de ruines, c’est-à-dire des individus qui se retrouvent seuls, confrontés à des épreuves qu’ils estiment majeures mais que nul, ni au sein de la société, ni parmi les élus, ni parmi les médiateurs en crise, n’est à même de répercuter, de dire, de faire valoir, de prendre en compte, et, in fine, de défendre. Une régression démocratique est donc en marche, rapide et pour l’instant inexorable.

Extrait du livre de François Miquet-Marty, "Les oubliés de la démocratie", publié chez Michalon. 

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