Crise de l’Euro, pression des marchés, appauvrissement… : le programme du RN, quel risque économique sur une échelle de 1 à 10 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen et Jordan Bardella à Paris, le 9 juin 2024.
Marine Le Pen et Jordan Bardella à Paris, le 9 juin 2024.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Décryptage

Alors que la campagne pour les législatives débute, le Rassemblement national a dévoilé les grandes lignes de son programme économique. Un programme largement inspiré de celui défendu par Marine Le Pen il y a deux ans.

Jean-Luc Demarty

Jean-Luc Demarty est ancien Directeur Général du Commerce Extérieur de la Commission Européenne (2011-2019), ancien Directeur Général Adjoint et Directeur Général de l'Agriculture de la Commission Européenne (2000-2010) et ancien Conseiller au cabinet de Jacques Delors (1981-1984; 1988-1995).

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Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Philippe Murer

Philippe Murer

Philippe Murer est professeur de finance vacataire à la Sorbonne et membre du Forum démocratique.

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Hervé Juvin

Hervé Juvin

Hervé Juvin, économiste, essayiste, député européen (RN) et Conseiller régional des Pays de la Loire, a notamment publié L'Occident mondialisé. Controverse sur la culture planétaire (avec Gilles Lipovetsky, Grasset, 2010), La Grande Séparation. Pour une écologie des civilisations (Gallimard, 2013) et Le gouvernement du désir (Gallimard, 2016).

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Nathalie Janson

Nathalie Janson

Nathalie Janson est professeur associé d'économie au sein du département Finance à NEOMA Business School. Elle a obtenu son Doctorat en Economie à l'Université Paris I-La Sorbonne en collaboration avec le programme ESSEC PhD.

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Atlantico : Quelle est la réalité du programme économique du RN et de ses mesures économiques ?

Jean-Luc Demarty : Curieusement le RN et les partisans de l’union des droites ne parlent plus du programme économique du RN que Jordan Bardella a soigneusement caché pendant la campagne des élections européennes. Ce programme ressemble curieusement au programme économique de la gauche en 1981, aux questions d’immigration près. 

L’Institut Montaigne, au sérieux reconnu, chiffre les dépenses supplémentaires à 120 milliards d’Euros et les recettes supplémentaires à 18 milliards d’Euros, soit un déficit additionnel de 102 milliards d’Euros. Cela ajouterait plus de 3 % du PIB au déficit déjà calamiteux de la France qui va déjà dépasser 5 % en 2024. Il est particulièrement savoureux de voir Marine Le Pen critiquer à juste titre le mauvais bilan en la matière de la majorité sortante alors qu’elle s’apprête à accroître le déficit de plus de 50 %.

Elle fait croire à ses électeurs qu’il y aurait des dizaines de milliards d’Euros d’économies potentielles à attendre du durcissement de l’immigration et de la lutte contre la fraude, alors que tout au plus une dizaine de milliards d’Euros sont laborieusement à attendre. Le pire de la démagogie est certainement le retour à la retraite à 60 ans sous une forme ou sous une autre avec 40 annuités, alors que la réformette de 2023 est déjà très insuffisante. Rappelons que 60 ans de 1982 sont équivalents à 67 ans d’aujourd’hui puisque l’espérance de vie s’est accrue de 7 ans depuis cette date. Les Français sont déjà parmi ceux qui travaillent le moins en Europe dans l’année et tout au long de la vie, 15 % de moins pour les salariés à temps complet tout au long de la vie que les Allemands qui ne travaillent déjà pas tant que cela.

Le RN laisse aussi miroiter une augmentation du pouvoir d’achat alors que celui-ci a progressé de 5,7% depuis 2020 avec une productivité en baisse de 6%. Dans une économie saine les gains de pouvoir d’achat ne peuvent résulter que des gains de productivité. S’il est vrai que les bas salaires sont insuffisants, cela résulte de l’insuffisante valeur accordée au travail et à l’assistanat généralisé que le RN ne fait rien pour remettre en cause. Son refus de voter les 15 heures mensuelles obligatoires d’activité pour les bénéficiaires du RSA en témoigne.

En résumé c’est de l’économie vaudou. Il est incroyable que les médias partisans de l’union des droites, à l’inculture économique abyssale, glosent doctement sur l’accroissement de la crédibilité du RN due au ralliement solitaire d’Eric Ciotti.

Si le RN arrive au pouvoir le 8 juillet prochain, il y a deux hypothèses : ou bien Jordan Bardella et Marine Le Pen n’ont pas l’intention de mettre en œuvre leur programme économique et ils mentent aux Français, ou bien ils le mettent en œuvre et la France entrera dans une crise économique profonde qui s’ajoutera à la crise politique. Les marchés attaqueront immédiatement la France. Cela a déjà commencé. Les taux d’intérêt flamberont. La France devra payer d’énormes montants d’intérêts supplémentaires. Le déficit extérieur, déjà de 100 milliards d’Euros, explosera. On pourrait même arriver à une situation où la France n’arriverait plus à se financer et deviendrait une nouvelle Grèce. Un tel gouvernement serait probablement vite balayé. Peut-être est-ce le prix à payer pour enfin réformer la France dans le sang, la sueur et les larmes. Ce serait perdre beaucoup de temps et surtout prendre un risque énorme d’une situation irrécupérable, surtout si les effets sur la dépréciation de l’Euro étaient considérables et mettaient en cause son existence même, ce qui pourrait conduire à la sortie de la France de l’UE ou à son implosion, un des objectifs de Poutine.

Don Diego de la Vega : C'est un programme assez fort, à l'instar des autres programmes politiques en France, qui se résume en quelques feuillets. Pour être courtois, c'est un programme dysfonctionnel, avec une forte orientation mercantiliste et protectionniste. Bien que moins marqué qu'il y a 40 ans pour un parti de la même famille politique, il conserve néanmoins un important penchant mercantiliste et protectionniste. On pourrait le qualifier de néo-poujadiste, rebrandé dans une veine souverainiste et industrialiste qui est actuellement en vogue.

Ce programme n'est pas fondamentalement différent de ceux proposés par Biden et Trump, prônant la relocalisation des industries, une tendance très populaire. Il repose essentiellement sur des illusions romantiques. 

Nathalie Janson : La réalité du programme économique du RN est difficile à apprécier parce qu’il a de forte chance d’être modifié une fois l’élection gagnée. Beaucoup estime que la RN s’inspirera de Georgia Meloni et c’est la raison pour laquelle Eric Ciotti s’est rapprochée du RN dans la perspectives de se retrouver au sein du gouvernement pour rassurer les marchés et appliquer une politique économique orthodoxe.  En effet, les mesures économiques proposées par le RN ne sont pas financées. La seule source de financement est la chasse à la fraude fiscale, il est peu probable qu’elle soit à la hauteur des dépenses. On l’estime à une quinzaine de milliards tout au plus. En revanche, l’augmentation des dépenses creuseront le déficit. La liste des dépenses est plutôt longue en premier lieu celles pour favoriser le pouvoir d’achat à travers la

baisse de la TVA  sur l’énergie et sur les biens alimentaires de 1ère nécessité, l’exonération d’impôts sur le revenu pour les moins de 30 ans, l’exonération d’IS des jeunes entrepreneurs, la remise en cause de la réforme des retraites de 2023, exonération des droits de succession.

Comment évalueriez-vous le risque économique associé au programme du Rassemblement National (RN) sur une échelle de 1 à 10, en prenant en compte les facteurs tels que la crise de l’euro, les pressions des marchés financiers et l'appauvrissement potentiel de la population ?

Don Diego de la Vega : Je mettrais 3. Il y a un petit risque, assez faible, qui est actuellement enregistré par le marché à travers l'élargissement du spread des taux d'intérêt avec l'Allemagne. Cependant, si la BCE voulait mettre fin à toute spéculation à ce sujet, elle pourrait le faire en une heure. Si elle décidait qu'elle n'aime pas les spreads, qu'elle pourrait un jour refaire du quantitative easing ou qu'elle baissera les taux l'année prochaine, etc.

La BCE dispose de plusieurs moyens pour tuer dans l'œuf toute spéculation en une heure. Donc, si les taux dérivent, c'est aussi parce qu'on suppose que la BCE ne fera rien et qu'elle essaiera d'utiliser les marchés pour discipliner et surveiller l'Allemagne. Il ne faut pas oublier cela.

Cependant, le RN n'aura probablement pas la majorité absolue, ils devront faire des compromis très rapidement. Ces compromis impliqueront de rallier un certain nombre de républicains, ce qui signifie qu'ils ne pourront pas appliquer la moitié de leur programme.

Nathalie Janson : Le risque économique du programme tel qu’il est correspond à un 7 sur une échelle de 1 à 10 parce que les dépenses ne sont pas financées. Les marchés d’ailleurs continuent à pricer ce risque avec l’augmentation du spread du 10 ans sur le marché depuis lundi.

Selon vous, quel est le degré de préoccupation quant à une éventuelle accession du RN au pouvoir, notamment en tenant compte de son influence sur des aspects tels que la dette publique, les marchés financiers et le poids de la dette financière et immobilière ?

Don Diego de la Vega : Tout d'abord, il ne faut pas oublier qu'en France, la situation est très particulière. On peut avoir une majorité relative à l'Assemblée et gagner Matignon, mais pour le Rassemblement National (RN), c'est très compliqué. Matignon représente l'administration, les ministères, l'État, et en France, notamment la haute fonction publique, est radicalement anti-RN. Que ce soit un énarque de centre-gauche au Conseil d'État ou de centre-droit aux finances, tous sont anti-RN. Ainsi, un gouvernement RN, avec Bardella à Matignon rencontrerait des difficultés à appliquer son programme. Toutes les mesures sur l'immigration seraient probablement retoquées par le Conseil constitutionnel, le Conseil d'État, et peut-être la Cour de justice de l'Union européenne. De même, le programme économique pourrait être bloqué par les juges, les associations, ou l'État profond, c'est-à-dire les fonctionnaires.

La dangerosité de ce programme est donc assez limitée, puisqu'il sera peu appliqué et est déjà peu applicable. Même si des tentatives d'application se produisaient, la haute administration, notamment à Bercy, ferait tout pour ralentir, modifier, ou saboter l'action de Bardella. On peut donc considérer qu'il y a un petit risque, mais sans plus. Le programme de Mélenchon est beaucoup plus risqué.

Nathalie Janson : A nouveau, le risque est relatif dans la mesure où il est très probable que le RN n’applique pas son programme en tant que tel en arrivant au pouvoir parce qu’il est conscient qu’il ne peut pas provoquer de la crise de la dette dès son arrivée au pouvoir. Il considèrera plus probablement une stratégie à la Meloni avec des ministres issues du LR.

Dans quelle mesure l'éventuelle proposition de retraite à 60 ans avec des avantages de rémunération améliorés, annoncée sans un programme économique officiel clair, contribue-t-elle à l'ambiguïté entourant les intentions économiques du RN et quel impact cela pourrait-il avoir sur la confiance des marchés ?

Don Diego de la Vega : D'après ce que j'ai compris, Bardella a plus ou moins indiqué qu'il n'y aurait pas vraiment de retraite à 60 ans. En lisant entre les lignes, il semble que ce ne soit pas une priorité immédiate. De même, le référendum sur l'immigration serait envisagé seulement après avoir obtenu la présidence de la République.

Ainsi, il est probable qu'il n'y aura pas de véritables changements sur l'immigration ou les retraites. Le RN pourrait abroger certaines dispositions de la dernière réforme des retraites ou apporter des modifications mineures pour afficher un visage social. Ils pourraient faire de même pour d'autres mesures associées à la Macronie, mais il est peu probable que la retraite à 60 ans soit mise en place, même avec une majorité absolue.

S'ils doivent négocier avec les républicains, il est très peu probable qu'ils puissent mettre en œuvre ces changements. Actuellement, seul un pays, la Chine, a une retraite à 60 ans, mais les conditions économiques et de productivité sont très différentes.

Concernant l'impact sur la confiance des marchés, il est clair que ceux-ci n'apprécient pas l'idée d'un gouvernement RN, surtout avec une majorité absolue. Cependant, ils n'aiment pas non plus une situation de blocage avec une chambre divisée en trois. Un gouvernement Mélenchon serait encore moins apprécié par les marchés.

Il y a actuellement un choc d'incertitude. Un gouvernement RN en coalition avec les républicains, avec Macron restant président, serait gérable pour les marchés. La BCE pourrait compliquer la situation en punissant une France dirigée par Bardella, en jouant sur les taux obligataires.

Les caisses de l'État sont déjà vides après plusieurs années de gestion Macron, ce qui doit être pris en compte. La responsabilité de la situation actuelle est partagée entre la BCE et Macron. Le marché est préoccupé par une éventuelle accession du RN au pouvoir, comme en témoigne la récente baisse des indices.

En somme, ce que le marché craint le plus, c'est une situation de blocage total. La dissolution de l'Assemblée n'est plus possible pendant 12 mois, ce qui ajoute à l'incertitude. La stratégie de Macron a toujours été de provoquer une certaine bordélisation, et depuis dimanche soir, cela semble être son objectif principal. Il préfère accuser l'extrême droite du chaos plutôt que de chercher des compromis avec les républicains.

Nathalie Janson : Un retour à une retraite à 60 ans avec des conditions plus favorables aggraverait de façon dramatique le déficit. Le récent rapport du COR publié aujourd’hui fait état d’un déficit en 2024 qui s’aggravera à l’horizon 2030 avec des hypothèses de croissance (1,2%), de productivité (1%) et de fécondité (1,8) relativement optimistes. Une potentielle réforme mettrait les finances publiques à genoux ! Les marchés sanctionneraient en augmentant le spread de taux. Le paiement de taux d’intérêt a fortement augmenté depuis la fin des taux 0 et cet effet  « boule de neige «  pourrait avoir des conséquences dramatiques. La charge de la dette a presque doublé entre 2020 et 2024 en raison de l’augmentation des taux d’intérêt.

Est-ce que le programme économique du RN ne serait pas en décalage avec les aspirations libérales et d’une partie des électeurs et sympathisants du RN ? 

Don Diego de la Vega : Si il existe une aspiration libérale existe au sein du RN, tant mieux... Cependant, a priori, les électeurs du RN ne sont pas, ou peu libéraux. Peut-être qu'il y a 25 ans, les libéraux votaient pour Madelin, mais aujourd'hui, le RN n'est pas leur premier choix. Le RN reste mercantiliste, protectionniste et très souverainiste. Certains aspects peuvent être compatibles avec le libéralisme, comme le refus de l'immigration dans un pays avec un État-providence, mais globalement, leur programme reste illibéral.

La dimension illibérale du RN s'est réduite ces dernières années, mais un libéral ne voterait normalement pas pour ce parti. Espérons que l'aspect libéral du RN s'affirmera davantage à l'avenir, mais cela reste peu probable. Ils ne parlent jamais des avantages comparatifs de Ricardo, des bienfaits de la mondialisation, ou du fait que notre pouvoir d'achat a beaucoup bénéficié à la Chine ces 25 dernières années.

Le programme économique du RN n'est pas très consistant, mais ce n'est pas propre à eux. Le programme économique de la gauche est peu attrayant, celui de Macron est composé de slogans publicitaires, et celui des LR manque de crédibilité. Tous les partis en France présentent des programmes économiques inconsistants. Il n'y a pas d'économiste sérieux qui travaille pour eux, et cela vaut aussi pour Macron et Mélenchon.

Le RN est devenu plus pragmatique qu'il y a 25 ans. J'appréciais leur dimension anti-euro il y a quelques années, car il fallait un parti de masse pour critiquer l'euro. Malheureusement, ils ont abandonné cette position, probablement parce qu'elle leur faisait perdre des voix ou des points auprès des médias et des influenceurs.

- Philippe Murer a été conseiller économique auprès du FN. Il a quitté le mouvement en 2017 -

Quels sont les éléments spécifiques du programme économique du Rassemblement National (RN) qui vous ont amené à reconsidérer votre soutien, notamment en termes de gestion de la crise de l’euro et de pressions des marchés financiers ?

Philippe Murer : Le programme économique du RN n’a rien à voir avec le programme d’avant 2017 : il n’y a plus de sortie de l’euro et de l’Union Européenne, ni possibilité de changer radicalement le modèle économique français.

Le programme économique actuel du RN se décompose en deux partis.

Une partie concerne la relance de l’industrie, de l’agriculture et des PME par la renégociation des accords de libre-échange, la protection contre la concurrence déloyale et la commande publique réservée aux PME française. Tous ces domaines sont des domaines réservés de l’Union Européenne. La France ne peut rien décider seule sur ces sujets. Comment une France dirigée par le RN pourrait-elle avoir une grosse majorité de pays avec elle pour faire changer complètement de cap économique les 27 autres pays ? C’est impossible. Concernant la préférence nationale pour la commande publique, il s’agit de changer les traités européens ce qui requiert l’accord unanime des pays.

L’autre partie du programme concerne des dépenses publiques supplémentaires : 10 milliards de baisse de TVA sur le fioul, la retraite à 60 ans (45 milliards d’euros), la suppression de l’impôt sur le revenu pour les moins de 30 ans, la renationalisation des autoroutes (20 milliards). La lutte contre la fraude sociale permettrait de recueillir 15 milliards d’euros.

Le programme du RN est donc impossible à appliquer concernant la partie production.

La partie dépense est applicable mais le déficit budgétaire étant déjà à 5,5% du PIB, un RN aujourd’hui attentif à son image de respectabilité l’appliquerait progressivement. En parallèle, la Commission Européenne fera pression par tous les moyens à sa disposition pour imposer la réduction du déficit budgétaire de la France et elle en a les moyens. Une partie de ce programme de dépense publique (autoroutes, retraite à 60 ans) sera donc inapplicable.

Il n’y aura à priori pas de crise de l’euro ou de pression des marchés financiers. Finalement, le RN au pouvoir ne changerait pas grand-chose à la gestion habituelle de l’économie française. L’impuissance à arrêter le déclin de l’économie française continuerait avec le RN.

Envisagez-vous une révision à la baisse de l'évaluation du risque économique du programme du RN, notamment en ce qui concerne l'impact sur l'appauvrissement et les tensions financières, à la lumière de l'éventuelle proposition de retraite à 60 ans avec des avantages de rémunération améliorés ?

Philippe Murer : Le RN est aujourd’hui un parti très soucieux de sa « respectabilité ». Les parties gourmandes en dépenses publiques ne seront que peu appliquées. Le risque économique est donc relativement faible. L’avantage d’un tel programme économique est aussi nul.

Dans quelle mesure est-il préoccupant de voir le RN accéder au pouvoir, même si son programme économique semble avoir un impact relativement limité sur des aspects tels que la dette publique et la régulation financière ? 

Philippe Murer : La gestion catastrophique des finances publiques par Emmanuel Macron est avérée : doublement du déficit public en 7 ans et augmentation de 13 points de PIB de la dette publique, tout cela avec une croissance moyenne du PIB très faible sur 7 ans. En cela, le départ du pouvoir des Macronistes et l’arrivée du RN au pouvoir n’est pas un évènement préoccupant au niveau économique.

Pensez-vous que la présence du RN au pouvoir pourrait potentiellement entraîner une explosion de la bourse et une diminution de l'épargne, compte tenu de sa politique économique plus nationaliste et potentiellement protectionniste ?

Philippe Murer : Tous ces éléments nationalistes et protectionnistes ne pouvant être appliqués en restant dans l’Union Européenne, aucune chute de la bourse ou diminution de l’épargne n’est prévisible en cas d’arrivée au pouvoir de Marine Le Pen.

- Hervé Juvin est député au Parlement Européen (non-inscrit), Conseiller régional des Pays-de-la-Loire, et co-fondateur du mouvement Les Localistes ! Hervé Juvin a été eurodéputé RN -

Au regard de la crise de l’Euro, des craintes d’un appauvrissement et de la pression des marchés, quel risque représente réellement le programme du RN, notamment sur une échelle de 1 à 10 ? Ce risque est-il limité ?

Hervé Juvin : Qui aurait posé la question du risque que représentait l'élection d'Emmanuel Macron à la Présidence voici sept ans ? Nous avons la réponse. Qu'il s'agisse du niveau des prélèvements obligatoires, de celui de la dette ou du déficit public, du solde des échanges extérieurs ou de la place de la France dans le monde, le bilan est catastrophique au regard des promesses du candidat. Et le pire n'est pas économique ! La décision de dissoudre l'Assemblée, pour le moins précipitée, risque de rendre la France ingouvernable, à la veille des Jeux Olympiques, alors que la guerre gronde à nos portes et que « Le renversement du monde » se déroule sous nos yeux tout grand fermés. La question pour les marchés tient moins au programme du Rassemblement populaire qui se dessine, et qui précisera les propositions majeures du Rassemblement national, qu'au risque d'un Parlement sans majorité claire, et d'un gouvernement capable seulement d'expédier les affaires courantes. En revanche, si les Français donnent une majorité de gouvernement à ce Rassemblement, des investisseurs rassurés constateront le sérieux des interventions de Marine Le Pen, par exemple à propos de la gestion de la dette (2022), et sa préoccupation constante de protéger l'épargne des Français, notamment les fonds d'assurance vie, largement investis en euros, et qui sont le véritable fonds de pension des Français. Comment celle qui défend le pouvoir d'achat des Français laisserait-elle mettre en danger leur épargne par une fuite en avant des taux et une dégradation de la note de la France ? J'ajouterais volontiers que s'il y a une différence dans les discours économiques, c'est d'abord l'absence d'arrogance des élus du RN dans un domaine où la prétention des macronistes n'a d'égale que leur médiocrité.

Quels sont les éléments spécifiques du programme économique du Rassemblement National (RN) et ses principaux atouts ? Les réformes proposées par le RN pourraient-elles avoir des bienfaits pour l’économie française ? 

Hervé Juvin : Le projet économique que nous portons est d'abord un projet pour les Français. Que signifient croissance, bénéfices des entreprises, solde des échanges, s'ils ne se traduisent pas du mieux vivre et du mieux être pour les Français, sur leur territoire, et dans leur vie ? Réconcilier les entreprises et les Français, c'est d'abord mettre en valeur les apports concrets des entreprises aux territoires, et c'est réinventer une politique d'aménagement du territoire. C'est favoriser ces PME qui créent 80 % des emplois, et corriger les inégalités qui les défavorisent par rapport aux multinationales ; pensez que les PME paient un taux d'impôt bien supérieur à des groupes qui ont tous les moyens de jouer avec la fiscalité ! Réconcilier les Français avec le marché, la finance et le capital, c'est lutter contre la concentration exorbitante qui soumet notre alimentation, par exemple, à quatre fournisseurs de chimie agricole, ou encore le commerce alimentaire mondial à quatre groupes dominants ! C'est rétablir la logique qui rémunère la prise de risque, pas la rente, pas les monopoles. Les PME, les artisans, le commerce indépendant, sont victimes d'une captation réglementaire qui voit les faux nez des multinationales, souvent américaines, écrire les directives de Bruxelles de manière à détruire la concurrence ; il est dramatique que les « Verts » mal nommés se prêtent si souvent à cet exercice au nom d'une écologie fourvoyée ! C'est privilégier l'allocation locale, régionale de l'épargne, de manière à assurer à l'épargnant investisseur en capital ce double dividende ; financier si l'entreprise fait des bénéfices, de qualité de vie si l'entreprisse embauche, forme, fait vivre le territoire. Nul n'est riche au milieu d'in désert ! Ce projet port »é par Les Localistes ! appelle enfin de sortir de la bulle financière, pour retrouver la réalité des choses, pas celle des chiffres. Préserver la beauté du paysage français, la richesse de la nature et la diversité du vivant, le vrai patrimoine de ceux qui n'en ont pas d'autres. Rendre aux Français un pouvoir de décider que les abandons à la liberté de mouvement des capitaux ont gravement réduit. Enfin, établir de nouveaux indicateurs pour évaluer les entreprises selon leur impact territorial, leur service de l'intérêt national et leur respect des communautés où elles sont implantées, et les substituer à des critères de « RSE » ou de « CSR » manipulés par l'ultragauche. Faut-il ajouter que ce sont là les conditions du retour durable à l'indépendance alimentaire, énergétique et financière ?   


Le programme du RN aurait-il un impact relativement limité sur des aspects tels que la dette publique et la régulation financière ?

Hervé Juvin : Pour stabiliser la dette, encore faut-il que la France soit dotée d'un gouvernement légitime et fort, et que la confiance que les Français lui accordent, à lui et à l'administration qu'il dirige, suscite la confiance des marchés. C'est pourquoi il est important que les Français donnent une majorité claire au Rassemblement populaire annoncé autour du rassemblement National. Certains annoncent déjà, pour le souhaiter ou pour le redouter, qu'un « mur de l'argent » brisera toute tentative d'un possible gouvernement de cette tendance d'appliquer son programme. Certains, poussant la logique du « moi ou le chaos » jusqu'à mettre la France en danger, peuvent être tentés de mobiliser certains de leurs complices de la haute banque ou des trusts pour attaquer le marché obligataire français, et menacer les Français d'un krach obligataire. Je crois d'autant moins à un tel scénario que la loi Sapin donne au gouvernement de la France des moyens étendus pour stopper net une panique obligataire, donner à la réalité le temps de reprendre ses droits, et aux passions mauvaises de se calmer. Quant à la réglementation financière, elle est européenne ou anglo-américaine, et ne dépend qu'en partie de la France. Il s'agira de peser pour rétablir la logique de la concurrence et des marchés contre celle des oligopoles et des rentes, pour affirmer la primauté des biens communs contre les accapareurs du vivant et les destructeurs des appellations d'origine et du libre échange des semences et des gènes, plus encore pour affirmer dans l'investissement comme dans le commerce la priorité nationale et territoriale. J'ajouterais que tout devra être préparé pour qu'à terme, la France et l'Europe sortent d'une comptabilité dite « à valeur de marché » destructrice du long terme et de la logique entrepreneuriale, et promeuvent la diversité des formes d'activité économique, notamment en faveur de la mutualité et des coopératives.      

Est-ce que le programme du RN est-il éloigné d’une partie des aspirations libérales des électeurs du RN, comme le démontraient certaines études pour Ipsos ?

Hervé Juvin : Le mot de libéralisme a été tellement galvaudé qu'il a perdu de son sens. J'ai publié en 2022 ; « Chez Nous ! Pour en finir avec une économie totalitaire » afin d'éclairer l'opinion sur les dérives d'un capitalisme qui a perdu tout lien avec le libéralisme pour devenir totalitaire. Mon livre est essentiellement basé sur une littérature américaine qui ne cesse de dénoncer les ravages des «  droits de propriété intellectuelle ( IPR) » créateurs de rentes indues, d'un privilège du « trop gros pour mourir » qui écrase la morale du capitalisme «  risque contre rendement », etc. Libérer l'économie française, c'est d'abord desserrer la domination rapace de quelques groupes financiers internationaux, de quelques industriels prédateurs, comme « Big Pharma », comme les géants du numérique, ceux de l'agrochimie, dont les profits n'ont plus rien à voir avec la concurrence, tout avec des prélèvements forcés. Et c'est rendre à ceux qui font vivre nos territoires, agriculteurs, commerçants, artisans, PME, le pouvoir d'entreprendre, d'embaucher et de réussir qui leur a été peu à peu enlevé. La liberté économique a le visage de villages, de campagnes, de villes et de quartiers qui vivent, qui prospèrent, et qui se projettent.

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