Cette folle valse des milliards dans laquelle s’est engagé Emmanuel Macron au mépris du Parlement <!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, à Saint-Germain-en-Laye, le 16 septembre 2021
Le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire, à Saint-Germain-en-Laye, le 16 septembre 2021
©©ERIC PIERMONT / AFP

Cramer la caisse ?

34 millards d'euros: l'amendement le plus cher de la Vème République a été voté ce lundi 8 novembre par les députés

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Lundi 8 novembre, lors de l’examen du projet de loi finances pour 2022, l’amendement le plus cher de la Vème République, selon la patronne du groupe PS à l’assemblée, a été voté par les députés. 34 milliards d’euros d’investissement du plan d’investissements France 2030 qui ont été voté en 45 min de débat express. Que s’est-il passé ? Pourquoi le gouvernement passe-t-il au pas de charge sur ce plan ? 

Jean-Yves Archer: Le dépôt d’un amendement du gouvernement pour un montant pareil est effectivement sans précédent sous la Ve république. Jamais le gouvernement n’avait osé proposer au gouvernement d’avaliser de telles sommes de cette manière. Le gouvernement dépose des amendements dans chaque loi de finances mais jamais sur un tel montant. Si l’on regarde des ordres de grandeurs, nous sommes dans un rapport de 1 à 20.

Il y a donc un problème quant au montant en cause qui est à comparer avec le peu de temps que les parlementaires ont pour étudier les sous-amendements de ce plan de relance. Cela traduit un mépris flagrant et totalement débridé du parlement de la part de l’exécutif. Une fois encore, l’urgence peut expliquer la situation mais elle ne l’excuse pas. L’exécutif a procédé ainsi car il avait la capacité juridique de le faire dans le cadre de ce projet de loi de finances rectificatives.

Les députés et sénateurs ne sont pas mis dans de bonnes situations pour travailler. Cela donne une impression de travail bâclé et traduit la saturation des services de Bercy qui court derrière l’amplitude et la fréquence des annonces présidentielles. En moins de trois mois, le président a engagé 25 milliards de dépenses dont nous savons, hélas, qu’elles ne correspondent pas à des rentrées fiscales exceptionnelles et qu'il s'agit, par conséquent, de dettes nouvelles.

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Comment expliquer que le parlement soit à ce point « cornérisé » et qu’il puisse être si facilement mis de côté sur les questions de financement ? Les députés et sénateurs n’ont-ils pas les informations nécessaires pour répondre ?

Il est important de rappeler que les députés et sénateurs ne sont pas libres de leurs mouvements. L’article 40 de la Constitution énonce que : « Les propositions et amendements formulés par les membres du Parlement ne sont pas recevables lorsque leur adoption aurait pour conséquence soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l'aggravation d'une charge publique. » En matière financière, l’article 40 est donc très clair, ils ne peuvent aggraver une charge publique. Le fait que le gouvernement maîtrise les rapports avec le législatif introduit un déséquilibre fondamental. Le gouvernement peut faire voter un amendement à 34 milliards de la sorte, mais des députés ne pourraient même pas faire passer 10.000 euros pour des raisons constitutionnelles sauf à proposer en même temps une diminution de charge du même montant. C’est un verrou que les services de Bercy ou de la présidence peuvent imposer aux parlementaires mais ce n’est pas gage d’efficacité. Le contribuable ne s’y retrouve pas. Je considère que cela n’est pas sain.

Il est effectivement étonnant que seules 45 minutes aient été consacrées à l’amendement hors proportions du gouvernement mais cela s’est passé à l’Assemblée ou la majorité présidentielle est par construction majoritaire. Il faudra voir les débats au Sénat et une éventuelle saisine du Conseil constitutionnel.

Enfin, contrairement aux Parlements britannique et allemand dont les membres sont dûment et sérieusement informés, il est fort probable que les députés français qui ont subi cet amendement n’aient pas eu le recul et la matière nécessaire pour se prononcer en toute lucidité.

A quel point Emmanuel Macron est-il en train de « cramer la caisse » pour reprendre l’expression de Valérie Pécresse au débat de LR ?

Compte tenu de l’importance du déficit budgétaire (175 milliards d’euros), on peut effectivement considérer que l’expression est juste, même si l’image est osée. Lorsque l’on sait que l’impôt sur le revenu rapporte 70 milliards, on perçoit vite le problème que représente le fait de dépenser 30 milliards de plus (a fortiori dans un but électoraliste). 

Compte tenu des derniers avis du Haut conseil aux finances publiques, une telle accumulation de dépense, sans vrai débat, est-elle viable ?       

Le Haut conseil aux finances publiques avait pour la première fois en septembre refusé de porter une opinion sur le niveau de déficit (qui était à -4,8% du PIB). Compte tenu des dépenses additionnelles, il sent que la photo n’est pas stabilisée. Il y a actuellement une dynamique de la dépense publique qui ne paraît plus sous contrôle. Chaque semaine, le président Macron annonce des actions qui engagent le pays vers un chemin de dépenses qui se calcule en centaines de millions d’euros. Alors que la croissance va largement diminuer en 2022, en France ( prévision Rexecode de 3,5% ) et en Europe, cela doit nous inquiéter car il y aura des conséquences. Il faudra une forme de rigueur budgétaire, sauf à différer la dette européenne sur 50 ans (mais l’Allemagne n’acceptera jamais). Si les taux d’inflation augmentent, la charge de la dette peut lourdement augmenter. D'au moins 3 milliards.

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