Covid-19 : les entreprises françaises sont plus gênées par la peur de l’épidémie que par l’épidémie elle-même...<!-- --> | Atlantico.fr
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©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

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La peur du mal fait sans doute plus de mal que le mal lui-même. Elle affaiblit la capacité de résilience et détériore les conditions d’activités économiques et sociales. Mais a priori personne n’a de remède contre cette peur.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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« Il faut shabituer à vivre avec le virus, dit en substance le président du Medef, et adapter les conditions de travail aux contraintes sanitaires, mais il ne faut en aucun cas arrêter de travailler »...Lanalyse de Geoffroy Roux de Bézieux est évidemment partagée par la majorité de l’opinion publique ... Seulement, ces conseils de bon sens n’empêchent pas les risques de paralysie et de peur. Et on s’aperçoit à tous les niveaux qu’éradiquer cette peur s’avère extrêmement difficile. Pourquoi, comment? C’est évidemment toutes les questions auxquelles il faudrait apporter des réponses recevables par le plus grand nombre.

1er point : Cest vrai quil existe des vraies raisons de craindre une remontée des risques de l’épidémie. Contrairement à ce qu'on avait cru trop vite, la deuxième vague s’est bel et bien formée sur l’ensemble des pays européens. On a recensé plus de 32 000 contaminations supplémentaires en une journée sur le territoire français, ce qui est un record... C’est vrai aussi que le système de santé français n’est pas en mesure d’absorber et de gérer un afflux de malades graves, comme ce fut le cas en mars dernier.

Le résultat de cette situation, c’est que si la grande majorité de la population, et notamment les jeunes générations, se croient naturellement protégées contre le virus, une part grandissante se retrouve confrontée au mal épidémique, via un parent ou via un ami. Le système qui décrit la situation mondiale accroit l’intensité et l’universalité de ce mal profond.

C’est vrai aussi que la perspective de trouver très rapidement un vaccin ou un traitement paraît très éloignée.

C’est vrai, enfin, que cette situation objectivement anxiogène se nourrit aussi de l’insécurité terroriste qui est entrée jusque dans l’école publique, des risques climatiques et de l’incertitude irrationnelle des progrès scientifiques. On a l’impression que tout est désormais porteur de danger ou de perturbation. Des vaccins à la 5G.  Quelle époque ! 

2e point : lensemble de lexécutif, les responsables politiques et administratifs font ce quils peuvent avec ce qu’ils savent. Or, ils ne savent pas grand-chose sur l’évolution probable du virus. Mais ils savent aussi que, quoiqu’ils fassent, ils seront comptables des résultats devant le peuple et devant la justice. Ils actionnent donc le principe de précaution dans tous les domaines. Et en vertu de ce principe, le seul moyen d’éviter les ennuis, c’est de freiner la circulation du virus, de confiner et de mettre sous cloche la plupart des agents propagateurs. Cette politique de protection, qui est appliquée pratiquement dans le monde entier, a un peu partout les mêmes effets : elle freine la circulation du virus mais ralentit aussi l’activité économique. Selon le FMI ou l‘OCDE, le PIB mondial va baisser cette année de plus de 11 % avec un effondrement de 70 % au deuxième trimestre. Toujours selon le FMI, les économies peuvent rebondir de 5 à 6 % en 2021 et retrouver le niveau d’avant l‘épidémie en fin 2022. Ce scénario est évidemment peu réjouissant parce qu’il produit plus de 5 à 6 millions de chômeurs supplémentaires en Europe (en moyenne 10 % des populations actives) en 2021. Et surtout creuse les inégalités entre les riches et les autres sur la planète. On estime que plus d’un milliard d’êtres humains pourraient retomber en dessous du seuil de pauvreté dans le monde, alors qu’ils en étaient sortis depuis une dizaine d’années avec le développement du commerce international désormais bloqué.

Tout cela démontre que la peur du virus et les réponses à cette peur vont sans doute faire plus de mal que le virus lui-même.

3e point : ce paradoxe est dautant plus curieux que dans beaucoup de pays et notamment en Europe et en France, on a fait énormément d’efforts pour amortir les effets économiques des mesures prises contre le Covid-19.  Entre le plan de soutien établi en mars (750 milliards de mobilisés), le plan de relance (plus de 100 milliards pour 2021 et 2022, en cours d’examen à l’Assemblée nationale) et les dernières initiatives prises face à la deuxième vague, aucun pays occidental n’a fait autant pour empêcher son tissu économique de sombrer.

Les organisations syndicales le savent et le reconnaissent. Les syndicats de salariés et notamment la CFDT et la CGT savèrent très responsables dans cette affaire et évitent la surenchère. Le patronat, lui, met simplement en garde contre la nécessité de ne pas se complaire dans la perfusion. La mise en garde s’adresse au gouvernement pour qu’il comprenne que les entreprises ne peuvent pas vivre d’assistance, et que l’assistance ne justifie pas le caractère obligatoire de trop de mesures. Mais la mise en garde s’adresse tout autant, sinon plus, à ses mandants pour qu’ils ne se complaisent pas dans une situation d’assistés. La mission du chef d’entreprise est de s’adapter. C’est assez courageux d’éviter la démagogie par les temps qui courent. Les chefs d’entreprises aussi doivent se montrer responsables s’ils ne veulent pas être traités comme des irresponsables.  

Or, le paradoxe de cette situation sociale, cest que si les appareils syndicaux font le job de partenaires capables de négocier des compromis, certaines organisations corporatistes profitent du désarroi de leurs adhérents pour saisir des opportunités qui dépassent souvent la réalité des situations.

Les professionnels des restaurations sont magnifiquement organisés. On se souvient de leur talent de lobbyistes pour obtenir une baisse de la TVA en promettant en contrepartie des créations d’emplois et des baisses de prix. Peu de promesses ont été tenues ...

Aujourd’hui, ils crient et pleurent. Certains sont sans doute dans une situation difficile. Mais beaucoup ont su et sauraient encore s’adapter. Passons sur le cas des hôteliers et notamment ceux qui ont perdu la clientèle étrangère. Mais beaucoup de professionnels dans beaucoup de secteurs voudraient aujourd’hui bénéficier du chômage partiel à 100 % à tout leur personnel, au moins jusqu'à la fin de l’année, bénéficier de l’exonération de charges, de prêts garantis par l’État désormais remboursables dans 5 ans, du fonds de solidarité pour les indépendants, d’un moratoire sur les loyers et du jeu de l’assurance pour risque d’exploitation lié au Covid que le ministre de l'économie négocie actuellement avec les assureurs.

Les économistes ont beau chercher dans leurs dossiers, il n’existe pas beaucoup d’autres outils pour garantir l’exercice du principe de précaution.

4e point : Le comble dans cette mécanique de la peur qui sest installée dans le pays, cest que rien, actuellement, ne paraît capable den enrayer son fonctionnement infernal. Si le virus est freiné dans sa funeste circulation, si les dégâts économiques et sociaux sont indemnisés en partie, une majorité de la population attrape n’importe quel phénomène pour accroitre et alimenter ses peurs :  la montée du terrorisme qui est assez effrayante c’est vrai, mais ne date pas d’hier et surtout qui mériterait un peu de courage politique, les progrès scientifiques dont tout le monde devraient se féliciter et même. Ou comble du comble, la montagne de dettes que la France accumule pour justement soigner les peurs.

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