Covid-19 : le vrai du faux des déclarations officielles de Pékin depuis l’annonce il y a un an du premier mort officiel chinois<!-- --> | Atlantico.fr
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Wuhan marché anniversaire premier mort 2020 covid-19 coronavirus
Wuhan marché anniversaire premier mort 2020 covid-19 coronavirus
©HECTOR RETAMAL / AFP

Wuhan

Le 11 janvier 2020, la Chine annonçait qu'un premier mort du mystérieux virus avait été enregistré deux jours plus tôt à Wuhan. Le nom de la première victime connue n'a jamais été rendu public. Selon la rédaction du Figaro, il s'agissait d'un homme de 61 ans qui fréquentait le marché Huanan, considéré comme le premier foyer de l'épidémie.

Antoine  Bondaz

Antoine Bondaz

est chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).

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Atlantico.fr : Il y a un an, un homme de 61 ans qui fréquentait le marché Huanan à Wuhan est mort des suites du Covid-19. Ce premier décès admis par les autorités chinoises est important à rappeler étant donné que la Chine cherche à masquer qu’elle était bien l’épicentre de l’épidémie au début de l’année dernière. Le pays tente-t-il de réécrire les pages d’histoire de la genèse du nouveau coronavirus ? Quels ont été les mensonges les plus probants à ce propos sur les débuts de la pandémie ? 

Antoine Bondaz : C’est encore à ce jour le premier décès officiellement reconnu par les autorités, ce qui ne signifie en rien que c’était le premier décès lié à la pandémie de la Covid-19. Il est d’ailleurs fondamental de souligner que depuis plus d’un an, les autorités politiques ont imposé une chronologie des événements sans ne jamais être revenues dessus. Ainsi, le premier cas officiel date du 31 décembre 2019 et les autorités refusent de rendre public les cas précédents, or il y en a évidemment eu et qui sont identifiables à travers l’études des scans thoraciques ou des prélèvements de sang conservés. En cela, la transparence des pays européens dont les scientifiques émettent l’hypothèse que le virus circulait en Europe dès la fin de l’année 2019 est utilisée par les autorités politiques chinoises, contre nous, afin d’affirmer que la pandémie aurait commencé en Europe. Or, c’est bien l’impossibilité pour les scientifiques chinois de faire leur travail en toute liberté qui permet aux autorités politiques d’entretenir ce récit national et de l’imposer.

Parmi les dissimulations chinoises, on peut citer le nombre de cas réels, le nombre de morts, etc. Mais le plus important au final, car cela a eu un impact direct sur la gestion, ou l’absence de gestion, des autres pays est de savoir si les autorités politiques chinoises ont fait toute la transparence, à l’époque, sur les caractéristiques qu’elles connaissaient du virus, notamment la transmission inter humaine. N’oublions pas que Pékin n’a révélé que fin janvier que le virus se transmettait d’homme à homme, et critiquait tous les pays, dont les Etats-Unis, qui entendaient imposer des contrôles très stricts aux frontières.

Egalement, le régime continue de minimiser ses erreurs qui, couplées à l’absence initiale de prise de décision au plus haut niveau, n’ont pas permis d’informer le public et de prendre des mesures de restriction de déplacement plus tôt, permettant à l’épidémie de se propager à Wuhan, en Chine, et in fine à l’étranger. Si les risques de l’épidémie étaient discutés par le Comité permanent du Politburo dès le 7 janvier, la première prise de parole officielle de Xi Jinping ne date en effet que du 20 janvier, entrainant seulement ensuite l’adoption de mesures au niveau local et national. Si ces erreurs puis ces mensonges n’atténuent en rien nos propres erreurs, et il y en a beaucoup, ils ne participent pas à l’expression de la vérité sur les origines de la pandémie.

Au cours des 12 mois, la Chine veut montrer aux yeux de tous qu’elle a vaincu le virus. Y-a-t-il eu des résurgences épidémiques ? Cache-t-elle encore des informations ? 

Il faut reconnaître que la situation sanitaire en Chine s’est non seulement considérablement améliorée par rapport à il y a 12 mois, mais qu’elle est aussi bien meilleure qu’en Europe ou qu’aux Etats-Unis. Evidemment, il peut y avoir des flambées épidémiques locales en Chine, et il y en a eu des dizaines, récemment à Pékin et dans le Hebei. Cependant, ces flambées épidémiques sont identifiées rapidement au niveau local, les communautés touchées sont testées massivement et isolées, et les chaines de contamination sont donc de fait brisées ce qui permet à la Chine d’éviter une flambée épidémique nationale

C’est d’ailleurs un point fondamental, il n’y a pas eu de circulation active du virus sur l’ensemble du territoire chinois, même en février 2020. Si l’ensemble des provinces ont identifié des cas dès la fin du mois de janvier, il faut souligner que plus de 80% des cas identifiés l’ont officiellement été dans le Hubei, une province qui comptabilise également plus de 95% des décès. A Pékin par exemple, capitale de près de 30 millions d’habitants, il n’y a eu officiellement que 1000 cas…

Si sur un plan purement technique, la gestion chinoise fonctionne, on ne peut cependant pas dissocier ce plan technique du plan politique qui y associe un contrôle strict de l’information. Les autorités créent de l’information à travers la propagande et en suppriment à travers la censure. Il ne peut y avoir d’autre récit que le récit national et politique imposé par les autorités. Le sort des journalistes citoyens, dont l’ancienne avocate Zhang Zhan condamnée récemment à quatre ans de prison, en attestent.

L’OMS est actuellement en train de débuter une enquête sur l’origine de l’épidémie mais cette dernière s’avère très compliquée. Pourquoi les autorités veulent-elles à tout prix garder les informations sur la gestion de l’épidémie pour elles ? 

Depuis le début de la pandémie, la propagande chinoise met en doute l’origine même du premier foyer épidémique. Lors de conférences de presse, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères déclarait dès le 5 mars 2020 que si « des cas confirmés de COVID19 ont été trouvés pour la première fois en Chine, l’origine (de l’épidémie) n'est pas nécessairement en Chine », véhiculant ensuite explicitement, le 12 mars, la rumeur que le Sars-CoV-2 proviendrait des Etats-Unis. Depuis, les autorités sous-entendent que le virus serait entré en Chine par l’importation de produits congelés. L’objectif est clair, semer le doute et présenter la Chine comme le premier pays à avoir identifié le virus et lutté, avec succès, contre la pandémie. Force est de constater que ce récit national fonctionne en Chine, et fonctionne d’autant mieux que les scientifiques chinois ne sont pas libres de mener les recherches indispensables pour comprendre l’origine de la pandémie.

C’est bel et bien cet enjeu qui est au cœur de la visite prochaine de l’OMS en Chine, non pas faire de la Chine la coupable de la pandémie, mais comprendre l’émergence de ce virus et sa diffusion dans la société avec un objectif de long terme clair et fondamental : mieux se préparer et lutter contre les prochaines pandémies, car de fait, il y en aura d’autres. Or sur ce point, les nombreuses questions de l’OMS restent sans réponse, notamment sur la diffusion du virus à Wuhan dès la fin de l’année 2019. Le principal problème pour les autorités locales mais aussi nationales est d’accepter cette visite afin d’atténuer les critiques internationales, tout en limitant ses marges de manœuvres puisque toute découverte compromettante irait à l’encontre du récit national que je mentionnais précédemment.

Alors que nous soufflons la première bougie de cette mort, quelles informations importantes pouvons-nous avoir de ce qu’il se passe en Chine actuellement ? 

Depuis l’arrivée au pouvoir de Xi Jinping, il y a eu un tournant autoritaire en Chine et une reprise en main de la société civile. Il est de plus en plus difficile pour les journalistes chinois indépendants, ils ne sont plus très nombreux, ou étrangers de faire leur travail. Ce contrôle de l’information par les autorités politiques est au fondement du système politique actuel. Si évidemment il y a des moyens détournés et indirectes d’obtenir des informations, cela est de plus en plus difficile.

Au-delà, une évolution clé est la concrétisation de la rivalité systémique entre le régime politique chinois et les régimes politiques démocratiques. Comme un article du Quotidien du peuple le précisait le 10 mars, la propagande cherche à « refléter les avantages significatifs du système socialiste aux caractéristiques chinoises ». La menace politique qui pesait initialement sur les dirigeants chinois, présentée par certains à tort comme un Tchernobyl chinois, s’est transformée en une opportunité politique pour légitimer le régime en interne et faire taire les critiques. A l’inverse, les autorités politiques chinoises saisissent toutes les occasions pour critiquer le système politique américain, et in fine discréditer les systèmes démocratiques, qu’ils soient d’ailleurs occidentaux ou non. La Chine vante désormais ouvertement la supériorité de son modèle politique. Comme je le soulignais dès mars 2020 dans un éditorial pour Le Monde, « alors que Pékin avait utilisé la crise financière et économique il y a dix ans pour influencer les opinions publiques internationaux sur le déclin des pays occidentaux, le pays utilise désormais la pandémie pour mettre en scène la supériorité de son système ».

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