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Une technicienne de laboratoire travaille sur le séquençage du génome du virus SARS-CoV-2 et de ses variants au sein de l'Institut Pasteur à Paris, le 21 janvier 2021.
Une technicienne de laboratoire travaille sur le séquençage du génome du virus SARS-CoV-2 et de ses variants au sein de l'Institut Pasteur à Paris, le 21 janvier 2021.
©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Recherche médicale

Alors que la vaccination se poursuit en France pour freiner la pandémie, la question des traitements est peu présente dans le débat public. Quel est l'état de l'avancée de la recherche sur les traitements contre la Covid-19 ?

Jean Dubuisson

Jean Dubuisson

Jean Dubuisson est chercheur du CNRS au Centre d'infection et d'immunité de Lille.

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Atlantico : Où en sont actuellement les différents traitements contre le Covid ?

Jean Dubuisson : Les traitements les plus avancés se basent sur les anticorps monoclonaux. Ils sont apparus relativement rapidement, notamment à partir de patients dont on a pu cloner les immunoglobulines, celles-ci reconnaissent spécifiquement la protéine S du SARS-COV-2. Il y a déjà au moins deux traitements autorisés. L’un de l’entreprise Regeneron, à base de deux anticorps monoclonaux, qui a été utilisé pour traiter Donald Trump. Le laboratoire Eli Lilly a aussi proposé un traitement approuvé par l’agence du médicament américaine. Ce sont des approches qui peuvent marcher mais qui sont relativement chères. Elles ne sont utilisées que dans des cas de personnes hospitalisées puisqu’elles se font par injection. On ne peut donc pas traiter tout le monde avec ce type de médicaments. La difficulté de ces traitements est qu’ils posent un risque résiduel de sélectionner des variants qui vont se propager dans la population.

Une autre approche qui a été développée est d’essayer de faire du repositionnement de médicament. L’idée est de cribler un certain nombre de principes actifs de médicaments et d’identifier ceux qui ont une activité antivirale en plus de l’activité pour laquelle ils ont été développés. Ça a été le cas de molécules comme la chloroquine par exemple, mais les études précliniques n’étaient pas suffisantes pour montrer que c’était une molécule qui pouvait être testée chez l’humain comme traitement antiviral. Nous-mêmes avons développé une approche de ce type. Nous avons criblé une chimiothèque d’environ 2000 molécules et nous en avons, pour simplifier, retenu une qui nous semblait intéressante. Le principe actif de ce médicament avait une activité antivirale contre le SARS-COV-2 dans différentes conditions expérimentales et en modèle animal. On savait aussi par les données pharmacologiques que le produit s’accumule dans les voies respiratoires. Donc cette molécule, le clofoctol, nous a semblé encourageante. Aujourd’hui, c’est l’institut pasteur de Lille qui est porteur de ce projet et un essai clinique vient d’être lancé au début du mois de juin. Il faut désormais recruter des patients pour démontrer que le traitement marche chez l’humain. On espère pouvoir le prouver d’ici la fin de l’année.

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En attendant les vaccins : mais au fait, où en sont les traitements de la Covid-19 ?

La troisième approche consiste à cibler les enzymes du virus, deux en particulier : la polymérase, qui participe à l’amplification du génome du virus et une protéase qui est impliquée dans le clivage de protéines virales et est essentielle au cycle infectieux.

Beaucoup d’équipes travaillant sur les traitements recherchent des molécules antivirales agissant sur l’une ou l’autre de ces enzymes. Le molnupiravir, un antiviral développé initialement pour la grippe, est relativement prometteur et est en essais cliniques. A Lyon, le laboratoire de Manuel Rosa-Calatrava a aussi identifié une molécule antivirale par le criblage. On finira par avoir des traitements mais cela a pris beaucoup plus de temps que la mise au point de vaccins.

Comment se fait-il que trouver des traitements ait été si long ?

Trouver des médicaments antiviraux spécifiques prend du temps. Il faut d’abord mettre au point un criblage à haut débit puis valider les résultats dans des modèles cellulaires. Une fois cela fait, il faut modifier chimiquement la molécule pour sélectionner celle qui aura les meilleures propriétés pharmacocinétiques tout en ayant peu de toxicité et une excellente activité antivirale. Il faut ensuite faire des études sur modèles animaux avant de passer chez l’homme. Donc il est plus long de développer un médicament qu’un vaccin. D’autant que les plateformes vaccinales étaient prêtes. Il y avait déjà eu des essais cliniques pour des vaccins à adénovirus, donc il suffisait de modifier la séquence codant l’antigène pour tester rapidement. 

De plus, je pense que la polémique autour de la chloroquine a fait du tort à la question des traitements. Je pense que l’agitation a suscité une perte de confiance à l’égard des chercheurs qui décrétaient avoir trouvé une nouvelle molécule. Pour le clofoctol, nous avons eu plus de mal qu’attendu à obtenir l’autorisation pour des essais cliniques.

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Pourquoi la question des traitements est si peu présente dans le débat public ? Est-elle suffisamment présente dans l’arsenal déployé face à la pandémie ?

Je pense qu’il n’y avait pas grand-chose à dire au départ et comme les vaccins ont rencontré un succès très rapide tout le monde s’est focalisé sur ces derniers. Ils étaient utilisables rapidement à grande échelle. On ne va pas traiter tout le monde avec les antiviraux. Il est en fait mieux d’avoir les deux approches. D’abord, le vaccin pour protéger tous ceux prêts à le recevoir. Mais il y aura toujours des risques pour les personnes fragiles, immunodéficientes. A cela s’ajoute des anti-vaccins, un potentiel retard dans la distribution vaccinale, et l’apparition de variants. Donc pouvoir disposer d’un traitement antiviral dans l’arsenal thérapeutique pour ces patients est un plus pour maitriser la pandémie. Puisque le vaccin n’est pas obligatoire, on ne peut pas laisser certaines personnes de côté, d’où l’intérêt des traitements.

Un certain nombre de laboratoires se sont lancés dans la course au traitement donc le problème ne vient pas de là. On développe depuis très longtemps des vaccins contre de nombreux pathogènes et l’on dispose d’une bonne quantité de plateformes vaccinales. Mais concernant les antiviraux contre les coronavirus, il n’y a pas eu de travaux réellement menés suite à la crise du SARS-COV-1 et du MERS. Il n’y a pas eu réellement de soutien au développement des ces médicaments. Si on l’avait eu, on aurait sans doute pu développer des molécules rapidement repositionnables ou modifiables contre le SARS-COV-2. Mais il n’y a eu aucun engouement avant la pandémie. C’est dommage.

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