Covid-19 : les courbes de contamination déjouent-elles les prédictions... ou avons-nous juste de la peine à comprendre les modèles mathématiques de progression des épidémies ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un test de dépistage du Covid-19.
Un test de dépistage du Covid-19.
©SEBASTIEN BOZON / AFP

Double épidémie

L'incompréhension règle devant l'absence d'explosion des cas de Covid-19 malgré la progression du variant britannique. Or, les modèles n'ont pas changé et prévoient toujours un début de ré-ascension à partir de la fin du mois de février.

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave

Claude-Alexandre Gustave est Biologiste médical, ancien Assistant Hospitalo-Universitaire en microbiologie et ancien Assistant Spécialiste en immunologie. 

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Jean-Stéphane Dhersin

Jean-Stéphane Dhersin

Jean-Stéphane Dhersin est directeur adjoint scientifique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il dirige la plateforme de modélisation des cas de Covid-19 MODCOV19.

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Claude-Alexandre Gustave : On a passé tout l'été 2020 à expliquer ce qu'était une croissance exponentielle, et que "exponentiel" ne veut pas dire "beaucoup de cas" mais "taux de progression constant". On voit s'installer, dans les médias et chez monsieur Véran, l'incompréhension devant la progression du variant B.1.1.7 et l'absence d'explosion des cas. Mais pourquoi tant d'impatience face à la 3ème vague ! Il faudrait peut-être rappeler quelques détails...

Il faut attendre que le variant devienne majoritaire pour que les courbes se croisent (décrue des anciens variants et ascension des nouveaux), et que le plateau reparte en croissance exponentielle ! On le voit déjà localement, là où les variants approchent ou dépassent le seuil de majorité (Dunkerque, Metz, Marseille, Nice, Mayotte...). Au niveau national, on part de peu de cas initiaux importés par des voyageurs, il faut donc du temps. On se croirait revenu à début octobre, quand monsieur Véran déclarait son incompréhension devant la chute des cas dépistés (juste avant la 2ème vague). Là encore, il manquait un petit détail : il oubliait apparemment que "Taux d'indidence = taux de dépistage x taux de positivité" et que le taux de dépistage s'était effondré après un pic observé à la rentrée scolaire. Mais les médias continuent à dire que les modèles se sont trompés, sur le ton : "Vous voyez ! Les variants sont là et il ne se passe rien" ! Il faudra donc prévenir les Dunkerquois, les Mosellans, les "sudistes", les Mahorais... qu'ils ne sont apparemment pas en France.

Pourtant les modèles n'ont pas changé : début de ré-ascension à partir de fin février/début mars. Et ce 18 février, le ministre de la Santé annonce que le variant B.1.1.7 atteint désormais 36% des souches en circulation. Puisque le niveau épidémique était stable à ces dates, la progression du pourcentage de ce variant correspond donc bien à une progression du nombre absolu de cas associés à ce variant ! Et Ô surprise ! Que nous disent les chiffres : 
- 07/01/2021 = 3,3% (flash 1)
- 27/01/2021 = 13,2% (flash 2)
- 18/02/2021 = 36%

Je vous laisse faire les modélisations/régressions/extrapolations/toutcequevousvoulezations pour me dire si ça sent l'exponentielle ou pas...

Atlantico : Malgré l’exemple marquant de la Moselle, certains affirment que les scénarios noirs dexplosion de cas liés aux variants ne se sont pas réalisés. Pourquoi est-ce un raccourci de raisonner comme cela ?

Jean-Stéphane Dhersin : Il faut voir l’épidémie liée au variant comme une épidémie parallèle. La somme des deux courbes exponentielle est la seule manière de comprendre la situation. Nous avons une première courbe avec la souche historique, qui peut être une exponentielle négative, et la deuxième qui présente des inconnues. L’hypothèse de l’INSERN, nous présente un R du variant britannique 1,5 fois supérieur à celui de la souche historique.

L’hypothèse forte consiste à dire que le coefficient multiplicateur actuel est celui observé au Royaume-Uni. Une autre hypothèse démontre la transmissibilité du variant britannique à cause d’une infectiosité sur une période plus longue. C’est pour cela que l’on passe à 10 jours de quarantaine à partir de lundi.

L’optimisme ambiant est-il lié à une mauvaise interprétation des courbes ?

On observe une somme de deux courbes et on ne sait pas séparer les deux. Il faut bien comprendre qu’actuellement, il faut faire une somme de deux exponentielles, mais une somme de deux exponentielles n’est pas une exponentielle. Aujourd’hui, l’exponentielle la plus importante est celle qui prend le pas sur l’autre. C’est en tout cas l’un des scénarios que l’on suppose. Pour enlever tout doute, il faut séparer les deux courbes et les deux épidémies.

Afin de mieux comprendre les courbes pouvez-vous nous expliquer à quoi correspond une échelle logarithmique ?

On regarde cette échelle car l’exponentielle est transformée en droite et elle est transformée en intervalle de confiance. À partir des données que nous avons, on fait des estimations des paramètres. Si un R fait 0,92, on dit que l’intervalle fait 0,90, 0,95 et que nous avons 95% de chance que la vraie valeur soit dans cette intervalle.

Et que sont les écarts types dans lanalyse des courbes ?

Cela correspond à la distance et à la moyenne. Lors de la réalisation d’une variable aléatoire comme le nombre de personnes contaminées, l’écart type est la distance moyenne à la moyenne. Ce n’est pas indiqué, mais cela intervient dans l’intervalle de confiance. Si le taux de reproduction est à un, un individu va contacter un individu, mais il y a une autre possibilité. Sur dix individus si seulement une personne contamine un individu cela nous donne une moyenne.

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