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Mesurer la menace de la pandémie de Covid-19 seulement à l’aune des hospitalisations est-il réducteur voire problématique dans le discours public ?
Mesurer la menace de la pandémie de Covid-19 seulement à l’aune des hospitalisations est-il réducteur voire problématique dans le discours public ?
©Thomas COEX / AFP

Toujours pas un rhume !

La fixation sur le nombre de personnes en réanimation occulte totalement la véritable sévérité d’un nombre non négligeable de malades non hospitalisés.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Avec le variant Omicron, on entend beaucoup parler du fait qu’il serait plus contagieux mais potentiellement moins dangereux. Même s’ils ne nécessitent pas d’hospitalisations, faut-il pour autant négliger les effets du Covid quand ils sont « bénins » ? Que ce soit à court ou long terme, à quel point les conséquences peuvent-elles être sévères ?

Antoine Flahault : Le variant Omicron est moins virulent que ses prédécesseurs. C’est un fait et c’est une bonne nouvelle. Imaginons si ce variant qui est capable de produire près de trois cent mille contaminations par jour en France était seulement plus virulent que les précédentes souches ! En revanche, doit-on pour autant crier victoire contre la pandémie ? Faut-il désormais se sentir à l’abri de nouveaux confinements et couvre-feux ? Peut-on commencer à tourner la page de cette pandémie qui a trop duré ? On le voudrait tous ardemment, mais rien n’est moins sûr. Les Danois nous annoncent que le variant Omicron a entraîné à ce jour deux fois moins d’hospitalisations que le variant Delta. Les Sud-Africains avaient avancé une réduction supérieure encore, trois fois moins d’hospitalisations. Et un preprint (article non encore publié posté sur Internet) indique que les patients hospitalisés dans la région de Johannesbourg à cause du variant Omicron avaient eu quatre fois moins de risque de décéder qu’avec le variant Delta. Est-ce que cela signifie que nos hôpitaux ne seront plus, lors de cette vague Omicron, à la limite de la saturation ? Là non plus, ce n’est pas sûr. Tout dépend du nombre de contaminations que l’on va enregistrer. S’il y a plus de deux fois plus de contaminations, alors même avec deux fois moins de risque d’hospitalisations, on aura davantage de lits d’hôpital occupés. Et il semble bien que l’on ait beaucoup plus que deux fois plus de contaminations avec Omicron, alors…

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Alors ne nous risquons peut-être pas trop dans des pronostics hasardeux, mais préparons-nous plutôt à la forte vague qui survient actuellement. Si tout se passe bien au bout du compte, eh bien, tout le monde en sera soulagé. Mais il faut envisager que ce ne soient pas nécessairement les mêmes services qui souffrent de la saturation du système de santé cette fois. Peut-être seront-ce moins souvent les services de réanimation mais davantage les services moins critiques, la pédiatrie, les cabinets de médecins généralistes, les kinésithérapeutes, les infirmières de ville, par exemple. Votre question évoque très pertinemment les séquelles à long terme du Covid. On ne sait pas encore ce qu’elles seront avec le variant Omicron, c’est encore trop tôt pour le dire, mais rien ne permet d’affirmer qu’elles seront inexistantes ou plus légères qu’avec les souches précédentes. Et on ne sait pas encore quels types de soins de santé ces éventuels Covid longs dûs à Omicrons mobiliseront.

Ne mesurer la menace de la pandémie qu’à l’aune des hospitalisations est-il réducteur voire problématique dans le discours public ?

En effet, le seul indicateur sur lequel il semble que nos autorités soient rivées sont les hospitalisations et même, plus précisément, les lits de réanimation disponibles. Certes c’était l’un des indicateurs clés au moment de décider les confinements, pris comme mesures de dernier recours pour éviter la submersion du système. C’était pertinent à l’époque pré-omicronienne, mais l’est-ce encore aujourd’hui ? Rien n’est moins sûr. Le nombre des hospitalisations pourrait bien devenir pour nos autorités une sorte de nouvelle ligne Maginot derrière laquelle elles se sentiraient faussement à l’abri ? L’ennemi viendrait alors débouler en contournant les Ardennes, c’est-à-dire en attaquant plutôt les médecins généralistes et les pharmacies d’officine que les soins intensifs, ou en mettant à genoux nos services publics et nos services essentiels, par un absentéisme inégalé.

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Et si Omicron n’était pas plus contagieux que Delta mais plus susceptible de contaminer les vaccinés ?

Anticiper, n’est-ce pas imaginer tous les scénarios possibles, sans jamais exclure ceux qui ne sont pas improbables ?

Avec « presque » 300 000 contaminations quotidienne dans une population majoritairement vaccinée, le nombre de ces cas de Covid plus ou moins temporairement handicapants mais ne nécessitant pas d’hospitalisations est-il voué à se multiplier ?

Il y a une semaine on entendait déjà « avec près de 100 000 contaminations  va-t-on tenir le choc ? ». Il y a trois jours seulement certains s’inquiétaient « avec 200 000 contaminations, combien de temps tiendrons-nous ? » et désormais on arrive à 300 000 cas par jour… Après chaque record quotidien à six chiffres on a l’impression d’atteindre un sommet. Mais sait-on vraiment où ce sommet s’arrêtera ? Je me souviens lorsque l’île de La Réunion avait recensé près de 50 000 cas de Chikungunya la semaine 5 de l’année 2006 (première semaine de février). C’était le moment du pic de contaminations d’une épidémie mémorable dans tout l’Océan Indien. Cette région ultramarine française comptait un peu moins de 800 000 habitants à l’époque, et 50 000 cas sur une semaine correspondaient à 600 000 contaminations par jour, rapportées à l’échelle de la France entière. Sans pouvoir prédire que le variant Omicron ira aussi haut dans son pic, ce ne sont donc pas des hypothèses totalement farfelues que de vouloir anticiper un tel niveau de circulation virale. Le Chikungunya n’était pas une maladie très sévère, mais le système de santé fut alors totalement submergé, depuis les cabinets de ville, en passant par les services d’urgences, les hôpitaux et les soins intensifs.

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Et si un autre variant bien pire qu’Omicron lui succédait, que faire pour y être prêt (cette fois-ci) ?

Anticiper, n’est-ce pas aussi chercher à tirer les leçons d’un passé proche ?

Est-ce là un passage obligé pour une immunité durable ? Est-il possible de mieux prendre en charge cette problématique ? 

Le problème est qu’on ne sait plus très bien ce que signifie une immunité durable avec ce coronavirus. On n’avait pas connu beaucoup de réinfections avec les souches initiales (Wuhan, puis son variant Alpha). On savait qu’un nombre croissant de personnes vaccinées furent infectées par le variant Delta. On savait aussi que des personnes ayant rapporté un Covid lors des premières vagues recontractèrent l’infection avec Delta puis Omicron. Puis, des personnes triplement vaccinées se sont retrouvées infectées avec le variant Omicron. Certes, l’immunité constituée par les précédentes infections ou par la vaccination semble les avoir bien protégées contre les formes sévères de Covid. D’ailleurs, c’est possiblement l’une des explications de la moindre virulence apparente du variant Omicron. Mais est-ce à dire pour autant que nous constituons une forme d’immunité collective durable qui nous permettra un jour de bloquer tout démarrage de nouvelle vague pandémique ? Aujourd’hui, on peut en douter. On peut même redouter qu’un futur variant émerge un jour et soit tout aussi transmissible qu’Omicron mais vienne contourner notre immunité. Certes c’est un scénario pessimiste, il en existe d’autres, beaucoup plus optimistes. Enfin parés d’une immunité protectrice, nous pourrions tourner ensemble la page de cette tragédie qui a assez duré. Si l’on veut éviter de courir derrière la prochaine vague pandémique, comme nous l’avons fait jusqu’à présent, nous pourrions peut-être vouloir lutter contre le mode même de propagation de ce coronavirus ? Le SARS-CoV-2 ne se propage pratiquement qu’en milieu intérieur, mal ventilé, là où nous passons de longues heures : dans les bars, restaurants, clubs, classes d’écoles ou amphithéâtres d’université, les bureaux partagés, cantines scolaires ou d’entreprises, nos habitations privées, les transports publics. Il serait peut-être temps de chercher à sécuriser ces hauts lieux de transmission, de veiller à les ventiler efficacement, à rendre ces lieux clos aussi sûrs que le milieu extérieur, là où ne se produisent que moins de 1% de toutes les contaminations par coronavirus, tous variants confondus.

Anticiper n’est certes pas prédire, mais n’est-ce pas envisager toute la gamme des scénarios plausibles, afin de mieux s’y préparer ?

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