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Coronavirus : le manque de confiance du gouvernement envers les Français pourrait déclencher de nouvelles révoltes
©Thibault Camus / POOL / AFP

Gilets jaunes bis

Edouard Philipe a récemment affirmé : "nous faisons confiance aux Français fragiles pour continuer à se protéger". Les actions du gouvernement jusque-là ne contredisent-elles pas largement leurs paroles ? La crise de défiance pourrait-elle avoir de lourdes conséquences ?

Régis de Castelnau

Régis de Castelnau

Avocat depuis 1972, Régis de Castelnau a fondé son cabinet, en se spécialisant en droit social et économie sociale.

Membre fondateur du Syndicat des Avocats de France, il a développé une importante activité au plan international. Président de l’ONG « France Amérique latine », Il a également occupé le poste de Secrétaire Général Adjoint de l’Association Internationale des Juristes Démocrates, organisation ayant statut consultatif auprès de l’ONU.

Régis de Castelnau est président de l’Institut Droit et Gestion Locale organisme de réflexion, de recherche et de formation dédié aux rapports entre l’Action Publique et le Droit.

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Atlantico.fr : Dans une déclaration récente, Edouard Philipe a affirmé : « nous faisons confiance aux Français fragiles pour continuer à se protéger ». Les actions du gouvernement jusque-là ne contredisent-elles pas largement leurs paroles ?

Régis de Castelnau : Effectivement, cette affirmation est d’une étonnante hypocrisie. Depuis le début du mandat d’Emmanuel Macron, la gouvernance est quand même marquée par une défiance vis-à-vis du peuple français. Rappelons que dès le départ, le nouvel exécutif se savait minoritaire, que ce soit par les résultats électoraux ou par toutes les études d’opinion. Dans la mesure où la feuille de route d’Emmanuel Macron intègre un projet dont la France ne veut pas, la seule solution pour lui est de passer en force. La seule véritable réponse à l’expression des gilets jaunes ou des opposants aux différentes réformes n’a été que celle de la répression qu’elle soit policière ou judiciaire. Sans parler de la multiplication des lois liberticides notamment en matière de liberté d’expression et de manifestation. Perçue selon les termes mêmes du président de la république comme une foule haineuse, les Français apparaissent comme hostiles et devant être matés. Dans ces conditions, avec ce qui est devenu une culture, le gouvernement et l’État qui savent parfaitement qu’ils ont été défaillants dans la prise en compte de la crise pandémique qui venait, on mis en place une stratégie de confinement punitif. Alors que les Français, que ce soit les « premiers de corvée » qui sont montés au front, ou ceux qui ont accepté sans faire d’histoires l’incarcération, moins pour se protéger eux-mêmes que pour protéger les autres, ont été quand même été d’un civisme assez exemplaire.

Cependant malgré cela, le pouvoir a continué à présenter ce confinement de façon coercitive. Voir par exemple l’invraisemblable comportement des forces de l’ordre et de la gendarmerie en particulier qui ont infligé 1 million d’amendes dont une bonne partie complètement arbitraire alors que dans le même temps la Grande-Bretagne relevait 9000 procès-verbaux ! Et que dire de la communication concernant le déconfinement à base de menaces si nous n’étions pas sages. Le problème pour Édouard Philippe est que dans le temps du confinement, les Français ont appris par les réseaux la véritable incurie caractérisant la gestion de la pandémie et la collection de scandales qui l’accompagnent. Ils ont perçu de plus en plus le confinement comme une punition imposée par une bande d’incapables. Et par conséquent, la méthode autoritaire tourne à vide, et les gens commencent à ne plus obéir. Nous avons assisté cette semaine à un début de déconfinement sauvage. D’où un changement très net, dont la conférence de presse d’hier était la marque.

Dans la mesure où la France est en queue de peloton dans les classements de l’OCDE, le gouvernement français ne devrait-il pas changer radicalement de stratégie et restaurer trois jours avant souplesse pas fermer mon un rapport de confiance et non plus de paternalisme quasi infantilisant avec les citoyens ?

C’est exactement le problème. Le bilan de la gestion macronienne de la pandémie est plus que médiocre. On sait aujourd’hui que nos dirigeants n’ont rien vu arriver mais qu’auparavant ils avaient laissé s’installer une pénurie qui a aggravé le choc. Mais l’État lui-même et en particulier l’administration fonctionnant comme une bureaucratie obèse et incompétente, a été complètement défaillant. Donnant un spectacle et des résultats consternants, puisque comme vous le dites la France cinquième puissance industrielle du monde a probablement le pire bilan de mortalité par rapport à sa population en intégrant « les morts à la maison ». Toutes les études démontrent une défiance vis-à-vis des dirigeants que l’on ne trouve nulle part ailleurs. La communication erratique et parfois complètement problématique d’Emmanuel Macron lui-même comme l’a montré la séquence de la visioconférence avec le monde culturel, n’a rien arrangé. La défiance s’accompagne maintenant d’une volonté de reddition des comptes et de sanction. Elle s’exprime par le souhait que les responsables des fautes lourdes en répondent devant les juridictions pénales. Outre que cette intervention du juge pénal est inéluctable, elle est d’autant plus souhaitée que l’Assemblée nationale continue à afficher qu’elle n’est qu’une chambre d’enregistrement caporalisée. Le paternalisme infantilisant et punitif n’impressionne plus grand monde et produit l’effet inverse. C’est très préoccupant, parce que les mesures indispensables décidées par le gouvernement sont aujourd’hui en grande partie délégitimées. Je ne pense pas compte tenu de l’ampleur du choc et des angoisses de ce qui va se produire sur le plan économique dans le monde d’après, la confiance dans cette équipe déconsidérée puisse être rétablie.

Des changements dans la manière de gouverner sont-ils envisageables ? À quoi on peut s’attendre pour l’avenir de la part du gouvernement ?

Le problème pour les équipes en place, est d’essayer de se mettre à l’abri pour la suite. Chacun sait que le risque pénal qui n’est, rappelons-le encore, que la conséquence des fautes commises fait régner une certaine panique dans les cercles du pouvoir. La stérilisation du contrôle parlementaire de la politique du gouvernement leur avait donné un sentiment de confort et d’impunité leur permettant de passer outre à chaque fois. Que l’on se rappelle la réunion du conseil des ministres élargit destiné à débattre des mesures pour affronter la pandémie et qui n’avait accouché que d’une seule décision : l’utilisation du 49-3 pour faire passer brutalement la loi sur les retraites !

La seule solution pour se protéger est de rester au pouvoir pour continuer à bénéficier de la complaisance de l’appareil judiciaire. Je vois mal un changement de stratégie et le gouvernement renoncer à la dérive autoritaire à laquelle nous assistons depuis près de trois ans. Un fonctionnement démocratique normal imposerait une dissolution de l’Assemblée nationale à l’automne pour redonner la parole au peuple. On rappellera que la chambre actuelle n’a plus aucune légitimité. Élue en 2017 dans des conditions plus que discutable, elle l’avait été sur la base d’un soutien au programme d’Emmanuel Macron. Celui-ci a changé radicalement. Je renvoie pour s’en convaincre à toutes ses vaticinations sur le « monde d’après ». La moindre des choses serait de demander aux Français ce qu’ils veulent, et à qui ils font confiance pour le mettre en œuvre. Je crains fort que cette évidence démocratique ne soit pas perçue par le chef de l’État.

Nous allons vers des temps difficiles.

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