COP 28 : Les chiffres d’une transition énergétique qui rendent fous les dirigeants du monde entier<!-- --> | Atlantico.fr
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Marche pour le climat, photo d'illustration AFP
Marche pour le climat, photo d'illustration AFP
©PIERRE VERDY / AFP

Atlantico Business

Les chiffres d'une décarbonation de la planète circulent partout : près de 90 000 milliards de dollars, 5000 dollars d’investissement supplémentaire par an dans les 10 ans à venir. Personne n’a de solution pour financer ce type de chantier.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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À Dubaï, les 140 dirigeants du monde vont redoubler d’avertissements ou d’invectives et reconnaître l'urgence d’une décarbonation générale, mais aucun n’a de solution miracle et surtout cohérente pour financer cette décarbonation. À priori et compte tenu de la gouvernance mondiale actuelle, le problème est insoluble.

S'il y a une véritable urgence face au risque de voir la planète brûler, et tous les rapports des plus grands scientifiques le disent, normalement les gouvernements devraient se mettre au travail pour éviter la catastrophe annoncée, car le chantier d’une décarbonation du monde est considérable en termes d'investissement. Or, les gouvernements vont chacun de leur côté reconnaître le danger, se féliciter des efforts engagés, mais aussi dénoncer et se plaindre de tous ceux qui, sur le globe, ne font rien et attendent.

La décarbonation est évidemment le dossier principal de la lutte contre le réchauffement climatique et, par conséquent, la nécessité de changer le modèle énergétique le plus puissant à activer. Donc, toute la question est de savoir combien va coûter une planète qui cessera de brûler du pétrole et du gaz et qui se mettra aux énergies naturelles, renouvelables et propres en termes d'émissions. Cela concerne les mobilités, mais surtout les systèmes de chauffage ou de climatisation, les processus de production, de distribution, bref tout ce qui contribue à l'activité et à la croissance.

Les arguments des militants qui prônent une décroissance sont parfaitement audibles mais inacceptables pour toutes les populations qui n'ont pas acquis un niveau de développement qui protège la vie humaine et la rend supportable. On peut toujours penser qu'une croissance plus faible fera baisser le taux d’émission de gaz carbonique, c’est évident, sauf que la majorité des humains sur la planète aspirent à conserver leur niveau de consommation et à l’améliorer.

Donc, pour préserver une croissance nécessaire, il faut changer le modèle de fabrication de cette croissance. Les montants d’investissements nécessaires sont considérables. Les études réalisées aux Nations Unies estiment que le changement de modèle énergétique pour passer des énergies fossiles aux énergies renouvelables serait de 90 000 milliards de dollars sur les 20 prochaines années et permettrait de se retrouver dans une situation à peu près sécurisée d'ici les années 2050. Cela représente 3000 milliards de dollars par an. 

Il est évident que certains pays développés peuvent envisager une évolution, mais ce ne sont pas les pays développés qui émettent le plus de CO2, ce sont les pays en voie de développement ou émergents parce qu'ils consomment du charbon en masse (c’est le moins cher) et qu'ils courent après la croissance à n'importe quel prix compte tenu de leurs démographies.

En Europe, les études réalisées pour la Commission de Bruxelles par différents think tanks tablent sur un besoin d’investissement de 12 000 milliards d’euros pour l'ensemble des pays de l'Union européenne. Pour la France, d'après les études du GIEC et de quelques experts, on parle de 3000 milliards d'euros en investissements d'ici à 2030. Cela signifie que la France devrait accroître ses investissements annuels de 50 à 60 milliards. Rien que le programme nucléaire va en absorber la moitié.

Dans l'état actuel de l'économie mondiale, ces programmes ne sont pas finançables. Cependant, ce sont des investissements, ils vont donc générer de la productivité et de la croissance, donc des revenus qui permettront de couvrir l'amortissement de la transition énergétique. Le cas français, par exemple, qui va prioriser l'équipement nucléaire, n'est pas absurde. Sauf que les pays occidentaux et les autres sont déjà très endettés.

En théorie, il existe trois moyens de financement : 

D’abord la dette, mais les capacités d'endettement sont désormais limitées pour tous les pays développés, sauf pour les États-Unis qui peuvent s'endetter encore plus, car leur monnaie est mondiale. Ils ont la garantie du monde entier. Leur taux d'endettement et leur déficit budgétaire sont déjà considérables. Leur acte anti-inflation est déjà d'un montant historique, et ce montant sert essentiellement à reconstruire une industrie verte. Les États-Unis sont le seul pays au monde à pouvoir faire un tel effort.

Ensuite, l'impôt est sans doute une autre option… mais les taux d'imposition ne doivent pas dissuader de travailler davantage. Dans tous les pays du monde, les taux d'imposition pour le plus grand nombre sont déjà limite acceptables, sauf à changer les modèles sociaux qui, dans les grandes démocraties, absorbent près de la moitié des prélèvements obligatoires.

Enfin, le marché et le prix d’accès aux produits et services par le consommateur joueront les variables d'ajustement les plus puissantes. Actuellement, le prix d'une voiture électrique n'encourage pas le changement. Mais le jour où l'on réussira à faire baisser le prix d'une voiture électrique au niveau de celle thermique, le marché devrait évoluer. Cependant, cela nécessite beaucoup d'investissements et d'innovation. Les gouvernements peuvent prendre des décisions autoritaires pour changer les habitudes de consommation vers une économie plus verte, mais l'expérience prouve que ces injonctions administratives sont mal reçues et pas toujours respectées dans nos grandes démocraties.

La taxe carbone est sans doute la mesure la plus intelligente pour orienter l'activité vers une économie verte. La taxe carbone revient à faire payer au producteur une taxe sur le carbone qu'il émet. Cet outil nécessite d’évaluer au niveau mondial un prix du carbone et éventuellement un marché des droits à polluer pour améliorer le fonctionnement du marché. Le principe d'une taxe carbone (dont le montant serait calculé en fonction du carbone émis) aurait pour avantage de dissuader les consommateurs de consommer les produits les plus carbonés et, du même coup, de dissuader les producteurs de les fabriquer, privilégiant ainsi des modèles plus propres. Enfin, qui dit taxe dit recettes fiscales qui peuvent servir à financer les investissements de la transition. Cette taxe carbone a toutes les vertus. 

Mais tout cela, c'est la théorie. Il faut l'appliquer et la faire accepter. Pas facile, quand on voit la difficulté d'un gouvernement pour faire accepter une augmentation du prix de l'essence. Or, plus l'essence coûtera cher, plus le signal-prix donné au marché sera fort. Le problème pour le consommateur, c'est que faute de produit alternatif, il ne peut pas faire autrement que de continuer à acheter de l'essence.

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