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Contrôler la météo, c’est possible et la science nous explique comment
©Capture d'écran Météo France

La pluie et le beau temps

Qui n'a jamais rêvé de faire la pluie et le beau temps, d'échapper aux intempéries impromptues ou de mettre fin aux longues sécheresses ? Des désirs que la science peut, au moins en partie, réaliser. Des entreprises promettent même un mariage ensoleillé...

François Bouttier

François Bouttier

François Bouttier est ingénieur chercheur à Météo-France, chargé de développements en prévision numérique du temps. Il a travaillé pendant 5 ans en Grande Bretagne au Centre Européen pour les Prévisions Météorologiques à Moyen Terme, le leader mondial de la prévision météo (www.ecmwf.int).

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Atlantico : L'entreprise britannique Oliver's Travel promet aux futurs mariés un mariage ensoleillé. Sa technique : disperser avant la cérémonie les nuages qui la menacent. Comment est-ce possible ?

François Bouttier : La technique proposée est celle de l'ensemencement : elle consiste à pulvériser dans les nuages un aérosol chimique, l'iodure d'argent, qui a la propriété d'aider les gouttes d'eau nuageuses à grandir plus vite que dans la nature. Sous certaines conditions, cela peut forcer les nuages ensemencés à produire de la pluie. L'argument de l'entreprise est que cela peut empêcher la pluie de tomber sur les festivités du mariage, l'ensemencement étant ciblé de manière à déplacer la pluie à un autre endroit. Il a lieu quelques heures avant l'événement sur lequel on souhaite modifier le temps, car ensuite les nuages modifiés sont poussés ailleurs par le vent. La durée de 3 semaines mentionnée est visiblement celle nécessaire pour planifier la logistique du plan de vol et de l'opération d'ensemencement en fonction des prévisions météorologiques.

Cette technique a été intensivement testée depuis les années 50 dans de nombreux pays, le but principal étant d'augmenter la pluie dans des régions qui en ont besoin. Dans ce cas, les scientifiques ont pu montrer que l'on peut effectivement augmenter légèrement la pluie en moyenne sur de longues périodes, dans des régions et avec des types de nuages particuliers. En revanche, personne ne sait appliquer cette méthode de manière suffisamment précise pour garantir un résultat fiable sur un évènement particulier. Dans la majorité des cas, on ne peut pas prouver que la méthode a eu un effet quelconque sur la pluie. Par exemple, la plupart des nuages sont insensibles à l'ensemencement. La promesse d'un mariage ensoleillé est donc étonnante.

Quelles autres techniques scientifiques maîtrise-t-on actuellement pour contrôler la météo à l'échelle locale ? D'autres sont-elles en cours de développement ?

Les techniques de tentative de modification du temps sont aussi variées que les phénomènes météorologiques qu'elles visent. Parmi les très rares qui fonctionnent réellement, outre l'augmentation de la pluie par ensemencement dans certaines conditions, il y a des procédés pour dissiper le brouillard sur des pistes d'aéroport ou limiter le gel sur des vignobles (par exemple en brassant l'air avec des hélicoptères ou des souffleries). On peut aussi agir sur la foudre avec des fusées paratonnerres. Ces méthodes n'agissent que très localement et temporairement; leur coût est souvent élevé par rapport à leur intérêt.

De nouvelles méthodes sont souvent proposées en fonction des progrès technologiques, par exemple la découverte d'instabilités dans les trajectoires de cyclones a donné l'espoir de les contrôler un jour en modifiant l'évaporation à la surface de l'océan, mais ces idées sont très loin d'être au point. Le problème fondamental est que l'on ne peut contrôler que ce que l'on sait prévoir : les erreurs des prévisions météorologiques d'aujourd'hui sont telles qu'il faudrait déployer des énergies énormes - donc excessivement coûteuses - pour modifier le temps d'une manière visible par rapport à ce qui a été prévu. Peut-être que dans 20 ou 30 ans, les prévisions seront devenues assez précises pour que l'on sache modifier de nouveaux aspects du temps de manière fiable. Cela posera alors des questions éthiques et juridiques difficiles, car un tel pouvoir pourrait être utilisé à bon ou à mauvais escient, mais nous n'en sommes pas encore là.

Pourrait-on imaginer un jour contrôler la météo à plus grande échelle ? A quelles conditions ?

Avec les moyens technologiques actuels, on ne peut imaginer modifier la météo à grande échelle qu'en moyenne sur de longues périodes, c'est-à-dire le climat. C'est ce que l'on appelle la géoingéniérie, qui est encore à l'état de théorie et qui utiliserait des procédés différents. Par exemple, il a été suggéré d'injecter des aérosols dans la stratosphère pour combattre le réchauffement climatique, en modifiant le rayonnement solaire. De telles idées sont hautement polémiques; avant de les mettre en oeuvre il faudra être capable d'en anticiper tous les effets, ce qui est loin d'être le cas, car on comprend encore mal le fonctionnement de l'atmosphère.

A dérégler la météo, on prend donc des risques ? Quels sont les effets pervers de ces méthodes ?

Les tentatives de modification actuelles du temps n'agissent au mieux que très localement et temporairement, leur impact sur le climat à plus grande échelle est complètement négligeable, très faible devant l'impact des autres activités humaines. Si l'ensemencement par iodure d'argent était pratiqué de manière beaucoup plus intensive qu'aujourdui, les risques principaux seraient ceux d'une pollution chimique (l'argent peut être toxique pour la faune aquatique), mais ce n'est pas encore considéré comme un problème significatif. Noter cependant que les populations sont très méfiantes à propos de ce qui se passe au-dessus de leurs têtes.

Le climat est déjà modifié de manière involontaire, par exemple on peut montrer que les pluies sont modifiées significativement dans les zones industrialisées (les panaches de fumées produisent des aérosols qui modifient le fonctionnement des nuages). L'agriculture en modifiant les sols a perturbé le climat sur de vastes zones. Les activités humaines ont déjà des effets pervers sur le climat et sur l'environnement, ils sont certainement bien plus préoccupants que ceux des tentatives actuelles de modification locale du temps.

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