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Contradictions des dirigeants politiques français, archaïsme des services publics : le cocktail explosif de la tempête des retraites
©BERTRAND GUAY / AFP

Double problème

La France est le pays en Europe où les services publics marchent le moins bien et où les personnels ne réclament pas un meilleur fonctionnement, mais se battent pour protéger leurs avantages. Ça n’est pas supportable. 

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Ce conflit sur le système de retraite en France apparaît de plus en plus absurde, d’autant qu’il boucle près de deux ans de négociations pendant lesquelles on se demande vraiment ce qu'ont pu faire les partenaires pour en arriver à un tel blocage d’une partie de l’activité économique.  

Ce conflit révèle deux phénomènes qui sont très particuliers à la France et qui sont vraiment très inquiétants. 

Le premier phénomène, c’est que ce dossier a engendré une situation politique contradictoire et inextricable. Il y a un coté Brexit chez nous actuellement. Avec une volonté et une ambition mais l’impossibilité de trouver les outils ou les majorités pour réaliser la transformation. Pire, on a l’impression que réforme après réforme, la classe politique se fracasse et s’émiette. 

Le Premier ministre Edouard Philippe a présenté une réforme structurelle de notre système de retraite...  Un système universel,  fonctionnant par points avec pour objectif établir l’équité entre tous les Français avec une promesse d’amélioration pour tous.   Au passage, il ne touche pas au principe de solidarité lié à la répartition. Il se garde bien d’ouvrir la porte des fonds de capitalisation qui sont en France des pestiférés. 

C’est donc un projet de gauche. Un projet qui a été de tout temps, depuis Jean Jaurès porté par la gauche, repris par le Général de Gaulle et le parti communiste, la CGT, qui ont d’ailleurs été les architectes du régime Agirc-Arcco qui marche très bien. 

La seule concession qu’Edouard Philippe a faite à ses amis de la droite libérale, c’est de parler de l’équilibre financier avec l’âge pivot. Pas un mot sur la capitalisation ou la mise en route de retraites complémentaires individuelles. On ne pourra pas dire que le projet rende service aux riches.  

Et bien, ce projet de gauche est battu en brèche et refusé par la CGT, Fo et Sud au nom de la protection des régimes spéciaux. Ceux de la SNCF ou de la fonction publique en général. Il est même critiqué par l’ensemble de la gauche qui aurait pu défendre le principe des points, tellement ils sont nombreux à gauche à l’avoir dans le passé défendu. Quant aux écolos, n‘en parlons pas, ils sont pour la retraite par points, mais ils considèrent qu’il aurait été plus urgent de s’occuper du réchauffement climatique. C’est tellement ridicule que les radars médiatiques ont été très bienveillants de ne pas tendre les micros aux écolos. D’ailleurs, ils n’étaient pas demandeurs.

C’est donc politiquement le monde à l’envers. Avec une droite libérale qui se retrouve obligée de défendre un projet qu‘elle n’aurait jamais engendré.

Le deuxième phénomène, c’est que la grève qui est légale, est de moins en moins légitime. Une fois de plus, le droit de grève s’exerce principalement dans les transports publics à la SNCF et à la RATP et prend en otage 5 à 6 millions de Français qui sont en galère depuis 12 jours maintenant.

La question est de savoir à qui appartient la SNCF. À la CGT, aux usagers clients ou aux actionnaires qui sont contribuables ?

Les chiffres sont redoutables. 

La SNCF, c’est 140 000 salariés. La grève est portée par 13 % des cheminots, principalement des conducteurs de trains et des aiguilleurs entre 60 et 70 % des conducteurs. Cette corporation a le pouvoir de bloquer plus de 5 millions de passagers par jour. C’est peut-être juridiquement légal, mais c’est franchement illégitime. 

Alors, on peut évidemment dire que la SNCF a le droit d’utiliser la grève comme moyen de pression sauf que ça n’est pas une entreprise comme les autres et c’est pour cette raison que la grève n’est plus légitime.

D’abord, la SNCF est en situation de monopole. L’usager, le banlieusard n’a pas le choix. Le parisien qui a les moyens s’en sort. Mais pour la plupart des clients, il n’y a pas de solutions alternatives. 

Ensuite, s’il ne peut pas utiliser le train, il continue de payer la Sncf. La Sncf a besoin de 15 milliards d’euros par an, elle a besoin qu’on équilibre son système de retraite, elle a besoin que l'Etat ou les collectivités locales prennent à leur charge 60% des investissements, elle a besoin qu'on étouffe une partie de ses dettes. 

Les seuls 15 milliards de subvention d’équilibre représentent 215 euros par Français, plus de 500 euros par foyer fiscal. 

Alors ça permet de payer les billets moins chers, mais faudrait-il que ça marche. La RATP souffre des mêmes mots. 

On marche sur la tête 

On est le pays qui paie le plus d’impôts en Europe ;

On est le pays où les dépenses publiques sont les plus lourdes ;

On devrait avoir les meilleurs services publics, ça n’est pas le cas. Le train, ça ne marche pas, la santé est asphyxiée et l’Education nationale ne donne pas de résultats. 
Voilà des  entreprises où les clients sont très mécontents. Mais voilà des entreprises aussi où les personnels sont mécontents. Le comble dans cette affaire est que les cheminots ne font pas grève pour améliorer la qualité du service. Non, ils font grève pour protéger leur statut et leurs retraites. Le grand public ne pourra pas les soutenir très longtemps dans ce cas-là. 

Les conflits sociaux qui ne se résolvent pas par la politique ou par le compromis social aboutissent toujours à des solutions contraires aux situations de départ. Le consommateur est intelligent. Il réussit toujours à trouver des solutions. 

Il est évident aujourd‘hui que la prolongation des blocages prépare et facilite la préparation de restrictions au droit de grève dans les entreprises monopolistiques.  

Des réformes de la SNCF par la concurrence ou la privatisation. On va inventer des alternatives.

Des réformes de retraites qui passeront par des systèmes privés de la capitalisation. 

Si le pouvoir se plante avec cette réforme, les projets de privatisation apparaissent la seule alternative privatisation des retraites et des monopoles publics.

Ajoutons, cerise sur le gâteau, que la situation actuelle fait la fortune de Uber, d’Amazon, des entreprises digitales américaines et des services hospitaliers, compte tenu de l’accroissement des accidents de trottinette et autres 2 roues. 

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