Condamné pour une fessée : avons-nous perdu le sens commun par excès de bonnes intentions ? <!-- --> | Atlantico.fr
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L'enfant est devenu roi dans les familles au détriment du couple.
L'enfant est devenu roi dans les familles au détriment du couple.
©Reuters

Sales gosses

Un habitant de Limoges a été condamné à 500 euros d'amende pour avoir donné une fessée déculottée à son fils de 9 ans.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Comment trouver le juste équilibre entre la sanction des cas avérés de maltraitance et les situations qui relèvent d’un choix d’éducation ? On pourrait évoquer la problématique en partant de l’autre extrémité, tant il est devenu fréquent que des parents expriment leur réelle difficulté à maintenir les cadres éducatifs qu’ils croient justes avec des enfants modernes qui n’ont aucun mal à montrer l’exemple de leurs camarades non-assujettis à la moindre règle.

Oui, les parents tentant de fixer des limites strictes sont minoritaires dans notre paysage social, se sentent coupables et leurs enfants sont marginalisés de par leur bonne éducation. Et l’on a tous fait des compliments, un jour ou un autre, à des parents, pour la bonne tenue de leurs enfants, dans un commerce ou un restaurant, tellement cela est devenu rare. Pour autant, la fessée fesses nues à neuf ans ne se justifie pas, ni à neuf ans, ni à deux ans d’ailleurs, mais il faut bien séparer les deux ingrédients majeurs de cette histoire : la discipline et les fesses nues. Punir ne doit pas humilier et fesser n’est pas forcément faire violence. Si la majorité des Français et les juges n’auraient pas réagi face à une ordinaire fessée comme il en voit chaque jour, la société est devenue extrêmement sensible à tout ce qui pourrait tenir de la perversion à l’égard des enfants.En cela, les fesses nues sont bien une grave erreur de jugement de la part de ce papa aux intentions sans doute éducatives. Mais l’acte, aux yeux du public et dans les faits, est humiliant et renvoie au fétichisme sexuel, à la jouissance éventuelle du bourreau comme de la victime, à un univers qui ne devrait avoir aucun rapport avec l’enfance.

Du dévoiement de la "discussion"

Oui, il faut préférer discuter avec son enfant, surtout avec un enfant de neuf ans, mais il ne faut pas dévoyer le sens de cette discussion comme le font très souvent les enfants et surtout les adolescents d’aujourd’hui. La discussion est souvent vécue comme une occasion pour l’enfant de rallier, à l’usure, le parent à son point de vue. En réalité, la vertu de la discussion est d’amener l’enfant au compromis, donc à la frustration, ce qui est hautement éducatif avec des enfants d’aujourd’hui habitués à vouloir et à avoir, le plus souvent, tout et tout de suite. Mais également, c’est à l’adulte d’avoir le dernier mot et d’imposer sa vision des choses si la discussion s’éternise et que les arguments de l’enfant deviennent de mauvaise foi. ( Si ce sont les arguments de l’adulte qui deviennent de mauvaise foi, c’est une autre histoire Ndlr ). Mais qui n’a pas eu ce sentiment d’épuisement face à la discussion qui traîne des heures et descend dans les basses ? Alors parfois, la fessée tombe. Pour ne pas être humiliante, elle ne doit pas mettre en jeu la force physique très supérieure de l’adulte, elle doit intervenir dans le feu de l’action, être suivie d’un "file dans ta chambre" bien senti et surtout, surtout, ne pas être un moyen récurrent, quotidien, employé à tout bout de champ.

En fait, plus que l’affirmation de la force de l’adulte et la marque de son manque d’argument, elle symbolise la limite, au-delà de laquelle on ne doit pas discuter, la limite du vocabulaire qu’on peut pas utiliser pour parler à son père ou à sa mère, la limite au-delà de laquelle la violence du ton employé ou de l’intensité des décibels ne sont plus acceptables. Et dans ce cas, la fessée n’est nécessaire au mieux qu’une fois dans l’enfance et l’enfant connait la limite pour de bon, mais cela bien avant neuf ans.

Le divorce et la culpabilité

Il y a une alchimie complexe dans nos sociétés modernes, avec ce rapport à trois, père, mère, enfant, avec un affrontement fréquent entre pères et fils, pour savoir qui est le préféré de la belle : la maman. De ces affrontements qui découlent de nos mauvais positionnements les uns par rapport aux autres. L’enfant est le centre du foyer et c’est bien normal, pense-t-on. Non, le couple devrait être le centre du foyer car il est destiné à perdurer par delà les enfants. Ce sont les enfants qui doivent partir, pas les conjoints. Et ces enfants, placés au centre, en position de toute puissance, mobilisant les énergies et les affections de leurs parents, entrent logiquement dans un comportement dominant, préemptant la mère et entrant en conflit avec l’autre dominant, le père, lequel invoque fréquemment cette trop grande symbiose mère/enfant qui se fait à son détriment, comme l’une des causes de la séparation. Comment dès lors, s’étonner que ce garçon mal positionné, en sentiment de supériorité, se permette de tenir tête à son papa ? Mais cela va empirer encore, car une fois la séparation effective, chaque parent, pétri d’un vague sentiment de culpabilité, va s’appliquer à diminuer les contraintes de cet enfant qui "souffre" déjà du divorce, afin de s’adjuger ses faveurs. L’enfant saura d’ailleurs vous dire, papa ou maman, est plus gentil que toi, ou "je ne t’aime plus", si vous tentez de maintenir des cadres éducatifs stricts. Et ce sera encore pire, si vous faites "couple" avec l’enfant en ne lui cachant rien de votre vie d’adulte ou en dormant avec lui au prétexte de le réconforter. La mise en place d’une quelconque autorité va devenir illusoire et la recomposition d’une autre famille difficile.

Ne pas légiférer pour ne pas déresponsabiliser

Bien sûr que l’autorité n’est pas à la mode et elle l’est d’autant moins que l’enfant est petit, fondus que nous sommes devant nos bébés parcourant la cuisine à quatre pattes et ébahis devant ses premiers sourires. Pourtant, c’est à ce moment qu’il faut commencer à apprendre à l’enfant, en couple, père et mère en accord, que tout ne lui est pas dû, faute de le voir à neuf ans affronter son père et entendre le disqualifier, au besoin avec l’aide d’un adulte acquis à sa cause.

Mais c’est surtout l’après qui est préoccupant dans une société où prévaut pourtant cette "loi du père" dont le géniteur vient d’être dépossédé et dont l’enfant aura forcément encore besoin. La médiatisation a montré à la France entière l’incurie supposée de ce papa, comme l’œil de la caméra d’une célèbre émission exhibait l’incurie de la famille à la terre entière. La justice risque d’avoir à se substituer à nouveau au rôle parental, de devoir remplir le rôle de ce père, disqualifié sans doute à vie, si la maman n’arrive pas à elle seule, à remplir les deux rôles parentaux. Il n’existe pas de loi pour interdire la fessée en France, le gouvernement ayant statué sur le fait que la loi existante interdisant les "violences sur mineurs" suffisait. Et c’est tant mieux, il y urgence à ne pas légiférer, à ne pas déposséder les parents de ce qui leur reste en matière d‘autorité, à ne pas imposer la responsabilité de l’action publique en lieu et place de la logique responsabilité des parents. Il y a bien de plus grandes violences faites à nos enfants dans la société moderne qu’une fessée de jeunesse bien sentie quand elle est nécessaire, sinon les plus de quarante ans seraient tous de grands polytraumatisés.

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