Comment s'assure-t-on de la fiabilité de militaires à la sociologie de plus en plus proche de celle des djihadistes ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Une dizaine de djihadistes français actuellement sur le terrain sont suspectés d'être des anciens militaires selon RFI.
Une dizaine de djihadistes français actuellement sur le terrain sont suspectés d'être des anciens militaires selon RFI.
©Reuters

Mini-série sur les nouvelles faiblesses de l’armée

Une dizaine de djihadistes français actuellement sur le terrain sont suspectés d'être des anciens militaires selon RFI. L'armée doit donc porter la plus grande attention au profil de ses nouvelles recrues. Premier épisode de notre série sur "les nouvelles faiblesses de l'armée".

Elyamine Settoul

Elyamine Settoul

Elyamine Settoul est sociologue à l'Institut universitaire européen de Florence. Il est spécialiste de la sociologie de la diversité dans les armées.

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Alors que l'armée française est ébranlée par la révélation de l'existence d'une dizaine de combattants actifs ayant rejoint le djihad, se pose la question du repérage des profils à problèmes. Premier épisode de notre série sur "les nouvelles faiblesses de l'armée" avant d'aborder dans nos prochains épisodes "la cybersécurité" et "les guerres asymétriques". 

Atlantico : Dans quelles mesures la sociologie du "militaire type" en début de carrière peut-elle avoir des similitudes avec une partie des jeunes qui sont plutôt attirés par l'aventure du djihad ?

Elyamine Settoul : Les armées recrutent en effet beaucoup dans les milieux populaires. En fait, on peut diviser l'armée en trois catégories : les officiers, les sous-officiers et les militaires du rang. Dans cette dernière catégorie, il y a une représentation très forte des "milieux populaires", ce qui en France, concrètement, signifie les "banlieues". Il y a donc assez naturellement de nombreux militaires dans cette catégorie qui sont de culture musulmane. Un signe d'ailleurs qui ne trompe pas : les centres de recrutement qui sont les plus fréquentés sont celui de Saint-Denis et celui de Marseille. Mécaniquement, on commence à voir de plus en plus de sous-officiers qui sont eux aussi issus de ces milieux populaires.

Pour les officiers, on peut là aussi diviser en deux catégories : ceux qui sont issus des grandes écoles et qui feront en principe les plus brillantes carrières, et ceux qui sont "sous-contrat", généralement issus d'une formation du supérieur de niveau bac+3, bac+4. Dans cette dernière catégorie on commence à voir émerger de plus en plus de personnes issues des quartiers. Les chercheurs estiment – car nous n'avons pas de chiffres officiels – qu'environ 10% de la totalité des militaires sont musulmans. Il faut comprendre qu'en général l'armée a plutôt une bonne image auprès de cette population. Faisant reposer l'admission sur des tests physiques et psychologiques, elle permet une certaine forme de méritocratie en ne faisant pas reposer l'embauche sur un réseau préalable.   

Comment l'armée s'assure-t-elle de la fiabilité de ses personnels, et notamment ceux déployés dans les zones d'opération ? Quels sont les profils à risques qui sont le plus surveillés ?

Il existe un service dédié à cette mission : la Direction de la protection et de la sécurité de la défense (la DPSD). Elle va s'intéresser particulièrement à ceux qui veulent devenir militaire dans l'armée française en ayant une double-nationalité, afin de voir s'il n'y a pas par exemple de proximité avec des personnes tentées par le djihad. Un autre profil particulièrement surveillé, c'est la proximité éventuelle avec l'extrême droite. Concrètement, outre regarder la situation familiale de la personne, on va effectuer une enquête de voisinage, assez proche d'ailleurs de ce que l'on fait dans le cadre du recrutement d'un fonctionnaire de police. Si le profil l'exige, un travail de renseignements plus approfondi est effectué. Il y a une démarche similaire qui est également faite pour recevoir des habilitations pour avoir accès à des informations "Confidentiel – Défense", "Secret – Défense", voire "Très Secret – Défense". J'ai déjà vu le cas de jeunes bloqués pour avoir accès à ces informations pour le simple fait d'une double-nationalité.   

Si le DPSD surveille surtout en amont, avant l'engagement ou l'affectation à une mission, y a-t-il, une fois sur le terrain, une autre surveillance exercée ? 

A ma connaissance, il n'y a pas de service précis qui s'occupe du suivi des militaires sur cette question, une fois sur le terrain. Il y a par contre les aumôniers qui eux font un travail de renseignements sur place. Très proches des militaires en opération, ils font remonter "l'ambiance" sur le terrain, signalant le cas échéant des comportements inquiétants.

Dans un passé récent, quels sont les profils qui ont justement posé problème ? Etait-ce majoritairement des islamistes, ou d'autres profils moins "médiatiques" sont-ils concernés ?

On se focalise évidemment beaucoup ces dernières années sur les musulmans. Il y a eu notamment un cas assez médiatique en 2009 où deux jeunes du régiment de Sarrebourg ont refusé, pour des raisons religieuses, d'aller se battre en Afghanistan. Les Etats-Unis ont d'ailleurs connus des problèmes plus graves en 2003 et en 2009 avec des fusillades mortelles, a priori pour des motifs religieux là-aussi… Cependant, en 2008, il y avait également eu un problème assez sérieux avec l'éviction, à Montauban, de militaires néo-nazis. On est donc toujours dans la logique de surveiller, voire d'écarter, les profils pouvant nuire à la cohérence du groupe ou posant des soucis d'allégeance. Dans ce cadre, l'islamisme et l'extrême droite restent vraiment les deux tendances à risques.

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