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Comment la protection accrue des locataires de plus de 65 ans se retourne immanquablement contre les seniors sur le marché du logement
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

Abus

La protection des locataires de plus de 65 ans provoque un effet pervers. Certaines personnes âgés de 62 ans trouvent plus difficilement à se loger car les propriétaires ont peur de ne jamais pouvoir s’en débarrasser.

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux

Henry Buzy-Cazaux est le président de l'Institut du Management des Services Immobiliers.

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Atlantico : La protection des locataires de plus de 65 ans provoque un effet un peu pervers. Certaines personnes âgés de 62 ans environ trouvent plus difficilement à se loger car les propriétaires ont peur de ne jamais pouvoir s’en débarrasser. Pouvez-vous nous expliquer ce phénomène ? 

Henry Buzy-Cazaux : Depuis la loi ALUR du 24 mars 2014, le locataire âgé de plus de 65 ans, et non de 70 ans comme préalablement, est protégé de façon exceptionnelle par rapport aux autres preneurs: il ne peut lui être signifié de congé, sauf à trouver pour lui un logement similaire. La loi dite Macron, d’août 2015, renforce encore cette protection en l’étendant à tout locataire ayant à charge une personne âgée de plus de 65 ans. Il faut ajouter que le législateur a introduit un critère tendant à moraliser cette disposition: seules les personnes aux plus faibles revenus, en pratique inférieures à 23000€ en Île-de-France et à 20000€ en province, sont concernées par cette protection. 
On ne peut nier que cette mesure ait eu un effet pervers: des bailleurs préfèrent ne pas louer à des personnes dont l’âge approche les 65 ans, qui pourront se prévaloir de cette protection en cours de contrat. Dans les villes moyennes, où la demande locative est faible, ce risque est quasi nul. Sur les marchés tendus, il est clair que les propriétaires ont le choix et qu’ils peuvent opter pour un candidat locataire plus jeune. 
La réaction est simple: les investisseurs n’aiment pas les contraintes et, même s’il n’en font pas usage, ils veulent pouvoir disposer de leur bien. C’est pour eux un confort. Il ne faut pas aller chercher les raisons dans quelque idéologie que ce soit hostile aux personnes des troisième et quatrième âge. La logique est beaucoup plus épidermique. Il n’empêche que cette bonne intention du législateur se retourne contre les seniors dans certaines situations. J’ajoute que ce problème se pose essentiellement lorsque la relation n’est pas intermédiée: quand un professionnel intervient, il sait rassurer le bailleur en faisant prévaloir les atouts des locataires plus âgés, qui sont stables et ont un rapport respectueux à leur logement, avec une solvabilité sans risque réel de dégradation. 

Quelle est l'ampleur de ce phénomène ? Est-il vraiment possible de le quantifier ? 

L’ampleur du phénomène n’est pas connue. Cela dit, comme pour tous les problèmes de discrimination, un seul cas est de trop. L’enjeu est moral et renvoie à des valeurs inconditionnelles. 

Comment réguler cela ? La loi doit-elle être modifiée, doit-on instaurer un contrôle pour éviter que les propriétaires refusent certains séniors en locataire ?  

Le législateur a fait son travail. Aucune disposition visant à normer une situation n’est à l’abri d’être tournée et utilisée contre ses bénéficiaires. Les contrôles sont un remède, bien sûr, avec les limites d’un exercice qui exige des moyens humains considérables: 1,6 million de locations nouvelles se signent chaque année dans notre pays! Je crois au pouvoir didactique de la presse...et au pouvoir de dénoncer des situations choquantes. Il faut aussi mentionner le rôle en la matière du Défenseur des droits, qui a succédé dans ce domaine à l’organisme public dont la mission consistait à lutter contre les discriminations, la HALDE (la Haute Autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l’égalité). Le Défenseur a d’ailleurs le pouvoir d’utiliser le testing, pour établir qu’un comportement a malmené l’obligation de neutralité d’un propriétaire. Il peut être saisi sans frais par quelqu’un qui s’estime lésé. 

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