Le syndrome Le Pen ou ces éternels candidats qui ne veulent surtout pas être élus<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2002, Le Pen n’avait aucune chance d’être élu...
En 2002, Le Pen n’avait aucune chance d’être élu...
©Reuters

Suicides politiques

Contrairement aux idées reçues, beaucoup de présidentiables auto-sabotent leur élection... Jean-Marie Le Pen et Arlette Laguiller, en sont des exemples. Extraits de "Comment perdre une élection présidentielle à coup sûr" de Patrice Carmouze. Extraits (1/2).

Patrice Carmouze

Patrice Carmouze

Patrice Carmouze est journaliste, animateur de télévision et de radio.

Il est notamment l'auteur du Grand Carmouzier. Petites histoires des grands ratages (Chiflet et Cie, 2010).

 

 

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C’est une particularité de la vie politique française : on peut se présenter plusieurs fois à l’élection présidentielle sans avoir aucune chance d’être élu et en redoutant même que les Français ne vous portent au pouvoir.

Nous avons en France deux candidats qui entrent parfaitement dans cette catégorie : Arlette Laguiller et Jean-Marie Le Pen.

Devinette : lequel des deux s’est présenté une fois de plus que l’autre à la présidentielle ?

Réponse : Arlette. Elle n’a pas manqué une campagne depuis 1974, ce qui n’est pas le cas du fondateur du Front national qui, s’il se présenta bien la même année pour la première fois de sa carrière, manqua l’élection de 1981, faute d’un nombre suffisant de parrainages. […]

Fût-elle laïque, il y avait une mystique chez Arlette. « Quand Arlette chante, on sent du vrai amour quand les autres font de faux discours », chantait Souchon, ajoutant « les belles idées passent comme des starlettes et dans l’impasse, il nous reste Arlette ». Même si on n’y voyait pas très clair dans ce qu’elle proposait, on sentait qu’elle protestait très fort contre les injustices, les riches, les patrons, le capitalisme, au nom d’un égalitarisme peut-être impossible mais qui partait de bons sentiments.

L’idée d’écrire une chanson sur Jean-Marie Le Pen n’a jamais traversé l’esprit d’Alain Souchon. Et pour cause : avec le fondateur du Front national, ce sont les mauvais sentiments qui eurent la part belle.

Les Français le découvrirent en 1974, bandeau sur l’œil et carrure de pirate, un look parfait pour un candidat d’extrême droite. Ils ne le regardèrent cependant pas avec plus d’attention qu’ils ne l’auraient fait pour un candidat farfelu. Il parlait déjà d’immigration, d’ordre et de nation, mais personne ne l’écoutait. Alors que le drame de l’Algérie, neuf ans plus tôt, avait permis à l’avocat des ex-généraux Salan et Jouhaud et d’une bonne partie de l’OAS, Jean-Louis Tixier-Vignancour, de dépasser la barre des 5 %, Le Pen dut se contenter de 0,75 %, une misère qui montrait que les remugles de Vichy et de la colonisation étaient bien affadis.

Le changement se produisit en 1988. Il faut dire que l’arrivée de la gauche au pouvoir, l’alliance passée à Dreux avec la droite pour une élection locale, le coup de main du président en place demandant qu’on ouvrît à Le Pen les studios de la télévision, puis instituant la proportionnelle qui permit au Front de faire son entrée à l’Assemblée, avaient changé la donne. Un nouveau personnage et un nouveau parti étaient apparus dans le paysage politique français et, contrairement au mouvement d’humeur poujadiste, allait s’y installer durablement. […]

Il y eut donc le 21 avril 2002 et les Français, lassés, il est vrai, et de Chirac et de Jospin, qui se réveillèrent comme d’un mauvais rêve, après qu’ils étendirent l’un d’eux dès le premier tour et portèrent à sa place le vieux leader d’extrême droite. On fit des manifestations, on se rassura avec des promesses (plus jamais ça), certains entrèrent même en résistance, brouillant les ondes de façon que les Français pussent enfin parler aux Français, montrant ainsi à peu de frais un héroïsme dont ils n’auraient probablement pas eu le courage dans des circonstances plus tragiques.

Cette pseudo-résistance ne servit à rien. D’abord parce que Le Pen n’avait aucune chance d’être élu (Chirac, qui était pourtant à moins de 20 % de suffrages au premier tour, en réunit plus de 82 % au deuxième), ensuite parce que le principal intéressé lui-même voulait bien tout sauf, évidemment, la victoire.

L’entre-deux-tours fut pitoyable. Chirac, qui n’avait rien à y gagner, refusa le traditionnel débat des deux finalistes, et les rares confrontations qui opposèrent des responsables du FN à des soutiens du président sortant furent d’une nullité apocalyptique tant les représentants de Le Pen, une fois placé le couplet bien connu sur l’immigration, n’avaient pas la moindre idée de ce que pouvait être un programme de gouvernement.

Le Pen était un homme politique contre... contre les autres, contre les immigrés, contre ce que vous voulez, mais surtout pas pour, pour proposer, pour passer des alliances, pour gouverner... le type même du protestataire. Cinq fois, il fut candidat aux présidentielles et s’il le fut aussi souvent, c’est parce qu’il avait la certitude que quoi qu’il fasse, quoi qu’il arrive, il ne serait jamais élu.

C’est même là tout ce qui fait la différence avec sa fille et le risque que les dégâts de la Marine soient bien plus graves que ceux du vieux borgne breton.

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Extraits deComment perdre une élection présidentielle à coup sûr, Robert Laffont (novembre 2011)

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