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Comment la réforme des élections cantonales signe la mort de la représentation des territoires ruraux
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Tribune

Le Parlement a adopté définitivement la réforme des modes de scrutin locaux, qui instaure l’élection dans chaque canton d’un binôme homme-femme.

François  Sauvadet

François Sauvadet

François Sauvadet est Président du Conseil Général de Côte d'Or, vice-président de l'UDI et ancien Ministre de la Fonction Publique.

 

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L’Assemblée Nationale vient d’adopter en dernière lecture, avec seulement 26 voix d’avance, le projet de loi portant réforme des élections locales. Le Parti Socialiste vient donc de faire adopter, seul contre le Sénat et l’ensemble des formations politiques représentées au Parlement, un gigantesque charcutage électoral qui va bouleverser le paysage institutionnel de notre pays. La moitié des 4 000 cantons de France va être supprimé et la carte de tous les départements de France va être redécoupée, en dehors des limites des circonscriptions électorales et au mépris de deux siècles d’histoire. Les spécialistes de la carte électorale du Parti Socialiste affûtent déjà leurs ciseaux…

A la place des conseillers généraux, élus de proximité par excellence, notamment dans les territoires ruraux, les Français vont bientôt découvrir un « objet politique non identifié » : un « binôme », composé d’un homme et d’une femme, élus ensemble dans des cantons géants mais « exerçant indépendamment leur mandat ». Que se passera-t-il lorsqu’un un maire viendra voir l’un des deux élus du canton pour une demande de subvention et essuiera un refus ? Il ira voir le second élu et sera peut-être mieux reçu… Autant dire que, derrière le faux nez de la parité, c’est le désordre de la gouvernance territoriale qui est organisé !

Surtout, à travers ce redécoupage qui se fera sur des bases démographiques, la majorité des conseillers départementaux (selon la nouvelle terminologie instaurée par la loi) viendra des zones urbaines. Ainsi, en Côte-d’Or, l’agglomération dijonnaise élira à elle seule plus de la moitié des élus départementaux. Cette réforme est extrêmement dangereuse car elle oublie deux éléments fondamentaux. Tout d’abord, les départements sont les derniers garants des solidarités entre les populations et entre les territoires. A ce titre, les Conseils Généraux sont les acteurs majeurs de l’aménagement des territoires. Si les élus proviennent des seules agglomérations, la tentation sera grande de mener une politique centrée sur les aires urbaines. Les routes secondaires, les collèges ruraux, l’aménagement numérique des campagnes risquent d’en faire les frais et le sentiment d’abandon des zones rurales et de la « France périphérique » ne fera que croître. La seconde erreur profonde de cette prime aux agglomérations, c’est qu’elle intervient au moment même où celles-ci récupèrent les compétences départementales sur leur territoire. Cela a été le cas à Lyon et la réforme de la décentralisation annoncée par le Gouvernement, qui renvoie la question des solidarités territoriales aux calendes grecques, ne fera qu’accélérer ce phénomène. En conséquence, les départements n’exerceront plus leurs compétences que hors agglomérations. Comment justifier alors que la majorité de leurs représentants soient des élus urbains ?

Qui assurera demain la péréquation territoriale ? Qui assurera le nécessaire équilibre entre villes et campagnes ? Le Gouvernement, uniquement préoccupé par sa volonté de favoriser le Parti socialiste aux prochaines élections, se garde bien de répondre à ces questions fondamentales pour tous ceux qui sont attachés à la juste représentation des territoires de notre pays.

Du fait de son caractère institutionnel et complexe, cette réforme a peu fait parler d’elle. Pourtant, ses conséquences seront funestes. Elle témoigne du cynisme d’un parti qui à peine 11 mois après son arrivée au pouvoir, envisage de modifier les modes de scrutins de toutes les élections pour son seul profit. D’un parti qui est en en train de fonder l’avenir de notre grand et beau pays sur le seul fait urbain.

La réforme est désormais votée mais je reste convaincu que les électeurs, lorsqu’ils auront réalisé l’ampleur de ce qui est en jeu, enverront un signal clair aux élus socialistes. Car le Gouvernement a oublié une chose : il aura beau supprimer tous les cantons ruraux de France, il ne fera jamais taire leurs électeurs.

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