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Comment la Manif pour tous a mis en place une stratégie d'entrisme efficace
©Reuters

Bonnes feuilles

Printemps 2013, la bataille semble perdue pour La Manif pour Tous : la loi qu'ils combattent depuis un an est passée et le mouvement s’essouffle et se divise. Mais avec Sens Commun, c'est une autre bataille qui commença alors, politique et culturelle, comme nous le raconte Jérôme Fourquet dans son essai "A la droite de Dieu" publié aux éditions du Cerf.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Face à la difficulté de convertir leurs réseaux et soutiens en une force électorale autonome et conséquente, d’autres cadres issus de la matrice Manif pour tous décidèrent d’opter pour une stratégie d’influence. De nombreux collectifs comme les Veilleurs, Camping pour tous, les Hommens ou bien encore les Antigones virent le jour, avec comme ambition de diffuser leurs messages dans la société et de poursuivre la mobilisation dans différents lieux et sous différents registres. Dans cette nébuleuse, le courant Sens commun occupe une place à part dans la mesure où il a été créé dans l’optique de pratiquer l’entrisme. Plusieurs milliers de personnes, membres de ce même Sens commun, ont ainsi adhéré à l’UMP pour peser de l’intérieur sur les orientations idéologiques du grand parti de la droite et conquérir des postes électifs. À l’issue des dernières élections régionales, des figures locales de cette mouvance ont accédé aux responsabilités. Caroline Carmantrand a, par exemple, été nommée présidente de la commission famille au Conseil régional d’Île-de-France, et Catherine Giner est désormais en charge de l’intergénérationnel dans celui du Paca.

Le choix du nom de ce courant ne doit rien au hasard puisqu’il renvoie à la pensée d’Antonio Gramsci. Chez le théoricien de l’hégémonie culturelle, le « sens commun » désigne ce qui va de soi, autrement dit à la « forme publique et manifeste » de la pensée commune d’une société donnée. En d’autres termes, le « sens commun » est fortement déterminé par l’idéologie dominante, qu’il s’agit donc de façonner. Lecteurs assidus de l’auteur des Cahiers de prison, ces militants, qui ont créé ce maillage associatif dense ou qui sont rentrés chez les Républicains, ont décidé d’engager une bataille culturelle de longue haleine qui serait la clé des victoires de demain. Si nous faisons nôtre le regard que porte Gaël Brustier sur ce mouvement qui pourrait s’appréhender comme un Mai 68 conservateur, une des principales influences de La Manif pour tous est donc à rechercher aujourd’hui parmi cette génération de militants qui se sont éveillés à la politique à l’automne 2012 et au printemps 2013, et qui ont entamé depuis « leur longue marche à travers les institutions », pour reprendre l’expression du leader gauchiste allemand Rudi Dutschke, à propos de la jeunesse contestataire allemande des années post-1968.

Cette jeunesse conservatrice, qui a rejoint l’UMP après la mobilisation contre la loi Taubira, serait le pendant, à droite, des « gauchistes » et trotskistes qui, dans les années qui suivirent 1968, intégrèrent progressivement le PS et d’autres organisations de gauche. Madeleine de Jessey, cofondatrice et porte-parole de Sens commun, revendique clairement cette démarche quand elle déclare : « La mobilisation autour de La Manif pour tous a constitué un tournant décisif. Elle a fait apparaître de manière très claire aux yeux des manifestants que le combat était perdu d’avance tant qu’on ne réinvestissait pas le champ politique et le softpower (le domaine culturel, la vie intellectuelle, les universités). » Dans ce cadre, et pour poursuivre l’analogie avec 1968, les initiatives et actions de cette mouvance, qui a tenté d’essaimer dans de nombreux secteurs de la société depuis l’été 2012, peuvent s’apparenter a` un « Mai rampant » de La Manif pour tous.

Extrait du livre "A la droite de Dieu" de Jérôme Fourquet, aux éditions du Cerf

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