Comment l’idéologie parvient à gangréner et à s’infiltrer de plus en plus dans la science<!-- --> | Atlantico.fr
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Catherine Bréchignac publie « Retour vers l’obscurantisme » aux éditions du Cherche Midi.
Catherine Bréchignac publie « Retour vers l’obscurantisme » aux éditions du Cherche Midi.
©Lu Hanxin / Xinhua News Agency / AFP

Bonnes feuilles

Catherine Bréchignac publie « Retour vers l’obscurantisme » aux éditions du Cherche Midi. Les outils du savoir sont à portée de main, mais les rumeurs les plus folles aussi. Sur les réseaux sociaux, toutes les paroles se valent – celles des scientifiques comme celles des pseudo-experts ou des charlatans qui s'évertuent à déconstruire la science à des fins idéologiques ou mercantiles. Extrait 1/2.

Catherine Bréchignac

Catherine Bréchignac

Catherine Bréchignac, ancienne directrice générale puis présidente du CNRS, secrétaire perpétuel honoraire de l'Académie des Sciences, elle est aujourd'hui ambassadrice déléguée à la science, la technologie et l'innovation. 

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Les hommes et les femmes qui construisent la science ne traitent malheureusement pas toujours ce qu’ils observent avec une objectivité sans faille. Agil connaît un collègue qui se forge ses opinions de façon souvent confuse, cherchant à démontrer ce qu’il voit par ce qu’il croit. Certes, les mesures chiffrées aident beaucoup les scientifiques à éviter de telles déviances et, en ce sens, les chercheurs en physique, chimie ou biologie sont moins vulnérables à l’idéologie que les chercheurs en sciences humaines et sociales, mais ils ne le sont pas totalement. De plus, ce n’est pas parce qu’on utilise des chiffres et des statistiques qu’on est scientifique. Le slogan qui dit « On peut discuter de tout sauf des chiffres » est tendancieux lorsqu’on ne sait pas comment sont obtenus les chiffres. Agil aime à raconter l’histoire de la « science prolétarienne » selon Staline, dont la promotion par les intellectuels communistes a commencé avec le règne du maître de l’Union soviétique. L’intelligentsia communiste tente d’imposer en URSS et au-delà de ses frontières les théories idéologiques du biologiste et agronome ukrainien Trofim Lyssenko, qui « affirmait avoir mis au point des méthodes permettant d’imposer des caractères héréditaires voulus à des plantes, et même de transformer à volonté une espèce en une autre. Il dénonçait la génétique bourgeoise comme une imposture ». Lyssenko cherchait à démontrer que les caractères innés n’existent pas et que seuls les acquis ont de la valeur. Il affirmait avoir développé une technique sur les semences qui triplerait le rendement agricole du blé. Cet Ukrainien, devenu « héros de l’union soviétique » à la suite de ses écrits, exerça jusqu’au milieu des années 1960 une influence néfaste sur l’agronomie et la biologie russes, qui s’en remettent difficilement. Cette attitude qui, sous des prétextes idéologiques, bloque la démarche scientifique, ressurgit régulièrement en divers pays, avec plus ou moins de virulence. L’écologie, qui concerne l’étude des relations entre les êtres vivants et les milieux dans lesquels ils vivent, devient aujourd’hui un enjeu politique et la science se teinte d’idéologie. On voit alors, à partir de l’an 2000, des faucheurs volontaires détruire en France des cultures d’organismes génétiquement modifiés (OGM). Certains, ayant une vision radicale sur la recherche OGM, demandent un arrêt total des cultures transgéniques, non seulement celles menées à des fins commerciales, mais aussi celles dédiées à la recherche. Ne pas vouloir manger des OGM est une opinion comme une autre, mais interdire la recherche sur les plantes transgéniques est d’un obscurantisme sans fond. La lenteur des procédures juridiques devant l’agilité des arracheurs de plantes, la complaisance des politiques qui, par électoralisme, s’alignent sur l’opinion d’une minorité écologiste pour récupérer quelques voix, ont conduit la France, qui était mondialement en tête des recherches en génétique des plantes, à sortir du jeu. C’est aussi le cas du nucléaire, où la même minorité fait basculer l’opinion publique, rendant la France beaucoup moins performante en technicité. Les chercheurs qui ne tiennent pas à voir leurs travaux saccagés soit sont partis à l’étranger, soit ont changé de sujet de recherche. L’idéologie tue la science, et le monde entier en pâtit. 

Extrait du livre de Catherine Bréchignac, « Retour vers l’obscurantisme », publié aux éditions du Cherche Midi

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