Et Goldman Sachs inventa le moyen simplissime pour ne pas avoir à respecter la législation européenne sur les bonus<!-- --> | Atlantico.fr
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Goldman Sachs aurait trouvé la parade pour ne pas voir les bonus accordés aux banquiers plafonnés : ne pas les appeler "bonus" mais les "role-based pay".
Goldman Sachs aurait trouvé la parade pour ne pas voir les bonus accordés aux banquiers plafonnés : ne pas les appeler "bonus" mais les "role-based pay".
©Reuters

Tour de passe-passe sémantique

La banque Goldman Sachs a trouvé la parade pour contourner le plafonnement des bonus décidé par l'Union européenne : elle verse à ses éléments des "role-based pay" dont le montant, lui, n'est pas réglementé.

Philippe Béchade

Philippe Béchade

Philippe Béchade rédige depuis dix ans des chroniques macroéconomiques quotidiennes ainsi que de nombreux essais financiers.

Analyste technique et arbitragiste de formation, il fut en France l'un des tout premiers 'traders' mais également formateur de spécialistes des marchés à terme. Rédacteur aux Publications Agora, vous trouvez chaque jour ses analyses impertinentes des marchés dans La Chronique Agora.

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Atlantico : Goldman Sachs aurait trouvé la parade pour ne pas voir les bonus accordés aux banquiers plafonnés : ne pas les appeler "bonus" mais les "role-based pay". Comment ce tour de passe-passe sémantique est possible ? Existe-t-il, concrètement, une différence entre ces deux rémunérations ?

Philippe Béchade : Il existe une vraie différence. Le bonus est versé en fin d'année après avoir fait l'état des gains et des pertes. S'il y a des pertes, il n'y a rien à se partager, évidemment mais s'il y a des gains, le bonus est versé en fonction de la quantité distribuable. Le "role-based pay" est une appellation totalement fumeuse que je traduirai par "prime de fonction".

On se situe ici dans la zone grise des rémunérations. Ce sont des sommes qui sont versées au mois le mois, de façon discrétionnaire, ajustable et modifiable d'une année sur l'autre. Ce n'est pas du salaire parce que le salaire est fixe et ce n'est pas du bonus. C'est quelque chose qui est entre les deux et qui pour l'instant n'est plafonné par aucun texte de loi

En quoi cela souligne-t-il une faille dans le système européen contre les bonus des banquiers ? Est-ce que cela peut nuire à cette législation ou la rendre inutile ?

Si vous pensez qu'il existe une faille quelque part, demandez à Goldman Sachs, ils vont vous la trouver. Si un règlement peut être contourné, un article est mal rédigé, prête à confusion, ou est ambiguë, vous pouvez être sûr que Goldman Sachs va s'y engouffrer, s'il y a de l'argent à faire naturellement. Mais Goldman Sachs n'est certainement pas la seule banque à s'être précipitée dans cette zone grise.

Le comportement de Goldman Sachs n'est pas illégal ; après tout, on peut très bien verser des primes de fonction. En effet, une rémunération n'est qu'un contrat entre un employeur et un employé. Par convention, le salaire est versé chaque mois et correspond à une fraction du revenu brut annuel. Mais rien n'empêche de distribuer des compléments de revenus. A partir du moment où ce n'est pas illégal, c'est donc légal.

Pour rendre le plafonnement des bonus vraiment efficace, il faudrait donc rédiger les lois de manière extrêmement précise et en soulignant que toute tentative de se soustraire à l'esprit de la loi est répréhensible. C'est ce qui existe un petit peu avec le fisc français. Malheureusement on ne peut pas imposer ça en Angleterre ou aux États-Unis.

Concrètement, qu'encadre l'UE ? A quel niveau ?

Les plafonnements décidés par la Commission européenne concernent des salaires supérieurs à 820 000 dollars, soit pas loin des 600 000 euros, ce qui commence à faire un petit peu de sous par mois, environ 50 000 euros mensuels. Au-delà de 820 000 dollars par an, les bonus ne peuvent pas représenter plus de 100% du salaire annuel sinon, au-delà, la fiscalité est totalement confiscatoire.

Il faut préciser que chez Goldman Sachs, comme dans les autres banques, tout le monde ne gagne pas 820 000 dollars par an. Ce sont les "top executives" qui ont ce genre de rémunérations. Les salariés de base ne sont pas forcément à plaindre : en moyenne, en 2012, on n'était pas très loin des 400 000 dollars et cette année, avec les tôles qu'ils se sont prises sur le marché obligataire, les bénéfices distribuable sont un petit peu fondu et ils se retrouvent avec 345 000 dollars, les pauvres petits lapins…

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