Comme un décalage : l'électorat de droite euro-sceptique peut-il trouver son compte dans une primaire à 6 candidats pro-européens sur 7 ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Au sein de la primaire, la tendance eurosceptique ou souverainiste est très peu représentée. Mais il existe une droite "hors les murs" représentée notamment par le parti de Nicolas Dupont Aignan, Debout La France.
Au sein de la primaire, la tendance eurosceptique ou souverainiste est très peu représentée. Mais il existe une droite "hors les murs" représentée notamment par le parti de Nicolas Dupont Aignan, Debout La France.
©Martin BUREAU / POOL / AFP

Crise de représentativité

Ce jeudi 3 novembre, l'Europe sera l'un des thèmes du deuxième débat de la primaire de la droite et du centre. Alors que tous les candidats ont des positions europhiles-critiques qui ne remettent pas en cause l'Union européenne telle qu'elle existe aujourd'hui, la tendance eurosceptique ou souverainiste, de plus en plus prégnante au sein de l'électorat, est très peu représentée.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Selon une étude Yougov réalisée pour le Huffington Post et I-Télé en juillet 2016 (voir ici), 27% des sympathisants LR considèrent que pour répondre à la crise de l'Union européenne, il faudrait donner plus de pouvoir à l'Union européenne, 44% qu'il faudrait lui en donner moins et 11% qu'il faudrait supprimer l'UE. Par ailleurs, quasiment un quart des sympathisants LR (23%) voteraient pour une sortie de la France de l'Union si un référendum se tenait. Alors que l'Europe sera l'un des thèmes abordés au cours du deuxième débat de la primaire, quelles sont les différentes sensibilités de l'électorat LR sur ce thème ? Que demandent les électeurs ? Peut-on considérer que l'offre électorale de la primaire couvre les différentes attentes des électeurs ? 

Christophe Bouillaud : Si on prend en compte l'ensemble des électeurs de la primaire de la droite et du centre, il est très probable qu'il y ait une tension entre les électeurs centristes de sensibilité démocrate-chrétienne traditionnelle, qui sont les plus favorables à l'Europe, et les électeurs situés à la droite de l'échiquier politique, de sensibilité post-gaulliste ou souverainiste et qui n'ont pas un regard positif sur l'Europe.

Il est frappant de constater que la plupart des candidats de la primaire sont sur des positions europhiles-critiques : aucun d'entre eux ne remet sérieusement en cause l'UE telle qu'elle existe actuellement. Il semble que le plus critique soit aussi celui qui recevra probablement le moins de suffrages, M. Poisson. De façon paradoxale, ce dernier représente une forme d'engagement chrétien en politique qui, sur l'Europe, ne correspond plus vraiment aux critères habituels de la démocratie chrétienne. J'ajouterais que la seule voix résolument critique de l'Europe au sein des Républicains, Henri Gaino, n'a pas pu participer à la primaire, faute de parrainages.

Au sein de la primaire, la tendance eurosceptique ou souverainiste est donc très peu représentée. Mais il existe une droite "hors les murs" représentée notamment par le parti de Nicolas Dupont Aignan, Debout La France. Ce parti, qui incarne aussi la droite républicaine, a un positionnement totalement différent des Républicains sur l'Europe.

Les candidats, qui veulent afficher leur différence tout en ayant le souci de montrer qu'ils sont sur la même ligne, donnent l'impression, sur la majorité des sujets, d'avoir des différences de degré et non de nature. Cela est-il également le cas en ce qui concerne l'Europe ? Quels sont les différents positionnements des candidats de la primaire sur ce thème ?

On aura la réponse à cette question jeudi soir lors du débat. Il me semble que les différences ne sont pas énormes, dans la mesure où tous les candidats sont dépendants de l'histoire d'un parti  - l'UMP puis Les Républicains - où il n'y a pas eu de débat sur l'Europe depuis le début des années 2000. La disparition de Philippe Seguin et du courant souverainiste au sein de la droite traditionnelle a finalement clos le débat.

Selon Guillaume Bernard, "il y a une fracture d’ordre sociologique en raison de la distorsion entre la direction du parti et l'opinion publique de manière générale. Par l'alliance des centristes et du RPR, on a eu une direction du parti plus modérée que ne le sont les électeurs, et plus encore les sympathisants. Nous avons donc d'un côté une base droitière et de l'autre une élite plutôt portée vers le centre". Quelles pourraient être les conséquences politiques de ce décalage entre des candidats de droite majoritairement europhiles et les électeurs de droite qui semblent rejeter l'Europe telle qu'elle est ? Le vote de ces électeurs pourrait-il aller vers des candidats aux positions plus tranchées, tels que Jean-Luc Mélenchon ou Marine Le Pen ?

Dans le cadre de la primaire, les conséquences de cette fracture resteront relativement limitées dans la mesure où les électeurs qui veulent voter à la primaire de la droite et du centre ne font pas de l'enjeu européen un élément essentiel de leur choix. Quant aux électeurs qui sont situés à la droite de l'échiquier politique et qui ne supportent plus l'Europe telle qu'elle est, s'ils sont cohérents avec eux-mêmes, ils n'iront pas voter à la primaire. Par ailleurs, il n'est pas certain que les leaders de la droite et du centre soient capable d'apporter quelque réponse que ce soit aux électeurs, ils ont donc plutôt intérêt à mettre le sujet de l'Europe en sourdine.

Au niveau de l'élection présidentielle, il est évident que la question européenne favorisera toutes les forces à droite comme à gauche qui s'opposent à l'Union européenne telle qu'elle est actuellement. Le scénario de 2012 devrait probablement se reproduire avec d'une part une poussée à droite et à gauche des partis anti-Europe et d'autre part des candidats du centre-droit et du centre-gauche (c’est-à-dire des Républicains et probablement du PS), tenant eux-mêmes des discours très critiques sur l'Europe. En résumé, tout le monde sera critique sur l'Europe mais seulement une partie des électeurs croiront à la véridicité des critiques faites par les partisans du statu quo européen. Se côtoieront ainsi la critique crédible des extrêmes et la critique "pour de rire" des partis de gouvernement. 

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