Clash des caractères : à la réouverture post Covid, introvertis et extravertis ne vont pas du tout avoir les mêmes envies<!-- --> | Atlantico.fr
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La terrasse d'un bar à Paris.
La terrasse d'un bar à Paris.
©BERTRAND GUAY / AFP

Monde d'après

Alors que la vie sociale devrait reprendre son cours normal avec le déconfinement et la réouverture de nombreux lieux comme les bars et les restaurants dans les mois à venir, tout le monde ne voudra pas utiliser cette nouvelle liberté de la même manière. Un conflit et des malentendus pourraient naître entre les introvertis et les extravertis.

Pascal Neveu

Pascal Neveu

Pascal Neveu est directeur de l'Institut Français de la Psychanalyse Active (IFPA) et secrétaire général du Conseil Supérieur de la Psychanalyse Active (CSDPA). Il est responsable national de la cellule de soutien psychologique au sein de l’Œuvre des Pupilles Orphelins des Sapeurs-Pompiers de France (ODP).

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Atlantico : Le gouvernement a annoncé la réouverture de nombreux lieux de vie sociale dans le mois qui s’annonce. Beaucoup évoquent le soulagement de pouvoir retrouver ces interactions tant et si bien qu’on a parfois le sentiment que celui-ci est unanime. Est-ce trop vite oublier la crainte de l’extérieur que peuvent nourrir certains individus introvertis ou atteints d'anxiété sociale ? Une socialisation soudaine après des mois d’isolement peut-elle mettre mal à l’aise les plus introvertis ?

Pascal Neveu : Cette question est intéressante. J’en ai une lecture à la fois clinique mais aussi personnelle avec des échanges avec des amis.

Tout d’abord, il ne faut pas se voiler la face, en dehors des médiatisés restaurants clandestins, bon nombre de dîners ou soirées sont organisés sur tout le territoire. Je n’ai pas à juger, juste chevaucher ma casquette suite à des réunions multiples sur le sujet depuis le début de cette pandémie, même si on peut me reprocher d’être vacciné, ce qui ne garantit aucune immunité à 100%.

Si je dis cela, c’est justement pour amener à cette « bascule » vers la réouverture et la différence, le clivage entre vaccinés et non, entre introvertis et extravertis.

Depuis 13 mois nous vivons un état de confinement, de couvre-feux, de catastrophe économique, de non vie sociale et affective (famille, amours…). Il n’est pas propre qu’à la France.

En consultation, et pas que, je questionne. La personne humaine n’en peut plus ! Elle se sent déshumanisée et tend de plus en plus vers la rébellion, la transgression.

Plus de bisous, plus de touchers… Nous sommes à distance ou tout au plus un toucher de coude avec un regard complice, mais sourire masqué… Alors que se serrer la main, se faire la bise, c'est un signe de confiance. S'il paraît plus facile de garder une certaine distance avec ses collègues dans un cadre professionnel, face à des proches, ne pas vouloir se toucher peut représenter un signe de défiance en contradiction avec la proximité que l'on entretient. C'est presque une insulte.

Il faudrait définir ce qu’est un introverti. Le relié sur lui-même ? Le célibataire ? Celui qui depuis plus d’un an vit télétravail, vit « reclus » chez lui et sous quelles conditions ?...

Les introvertis et les extravertis me semblent avoir logés à même enseigne depuis mars 2020, avec une expérience de vie, une épreuve inattendue depuis 1 an : une nette défection des relations sociales, et des conséquences énormes.

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Les extravertis, eux, vont-ils être parfaitement en adéquation avec cette liberté ? Vont-ils pouvoir s’épanouir pleinement malgré la persistance de certaines restrictions dans un premier temps ?

Justement ce qui est intéressant, si on reste dans une dynamique positive, c’est qu’ils auront pu ressentir ce qu’un introverti vit mais ne révèle pas.

C’est une chance afin de créer de nouvelles relations, de mieux s’approcher d’un introverti et lier des amitiés voire plus.
Car face à ce que nous subissons depuis plus d’un an, nous avons besoin d’union, et pas de division.
La frustration fait partie de la vie. Elle est certes plus facilement ou non supportable en fonction de notre âge, de notre vécu, de notre éducation…

Ma réflexion est tant philosophique, sociologique que psychologique.

Face à cette pandémie qui s’appelle la mort possible, nous ne devons pas oublier l’agapè, l’amour « universel », sans intérêt de l’autre et donc que les extravertis se dirigent vers les introvertis, mais aussi que les introvertis osent aussi faire un pas vers les extravertis. Il n’y a pas de mort d’Homme… Il n’y a que mort de maladie, ou d’amour.

Le plus difficile, va être de retrouver confiance médicale en l’autre sans avoir besoin de montrer son certificat de vaccination ou un test récent. Sinon, nous risquons de céder dans l'haptophobie, la chiraptophobie, l'aphephobie et la thixophobie qui sont autant de termes qui renvoient vers une même peur extrême et irrationnelle d'être touché. Le concept est récent et lié à la Covid.

Durant les derniers mois, nous nous sommes de plus en plus posés de questions sur la manière dont nous devons interagir avec les autres. Quand pourrons-nous nous échapper de cette prison ? Combien de temps devrons-nous encore porter ce masque ? Qu'est-ce que cela signifie réellement, avoir des contacts rapprochés ?

Autant de questions qui nous ont poussés à nous adapter et à changer nos comportements. Or tout changement apparaît d'abord comme une menace: cette pandémie est menaçante, et elle nous emmène en territoire inconnu.

Nous devons en quelque sorte nous reprogrammer et justement faire tomber le rideau entre introvertis et extravertis qui vivent en miroir les mêmes problématiques sans en avoir conscience…

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Cette différence de perception de l’après-Covid peut-elle nourrir une incompréhension, sinon un conflit, entre introvertis et extravertis ? Comment éviter cela ?

Fanny Parise, anthropologue et chercheuse associée à l'Université de Lausanne, observe différents types de comportements. Des personnes qui limitent au maximum leurs contacts à ceux pour qui déconfinement rime avec retour à la vie normale, « et au milieu, d'autres qui ont une gestion culturelle du risque » avec des ajustements personnels.

« L'arbitrage se fait selon des critères variables et irrationnels, comme le degré de proxémie avec la personne. Plus un individu est éloigné, comme un inconnu dans la rue ou un commerçant, plus il est jugé dangereux. Contrairement à un très proche ou un membre de la famille. Mais ces biais cognitifs peuvent varier selon le contexte, notamment si l'espace est public ou privé, s'il y a du passage ou l'impression que les surfaces ont été contaminées. »

On embrassera donc peut-être son meilleur ami reçu à la maison mais pas si on le retrouve dans un bar. Car selon cette universitaire, si une poignée de main, une bise ou une accolade peuvent apparaître comme des gestes anodins, ils sont en réalité « structurants pour la vie sociale ». « Si ces gestes sont mis à mal depuis la Covid-19, il reste difficile pour nos sociétés latines d'enlever le contact physique. Ce sont des stratégies de réassurance entre un cadre réglementaire strict et des interprétations personnelles selon ses propres priorités, son caractère ou encore la place que l'on donne à ces interactions. »

Mais nous alors avoir du mal à renoncer à nos habitudes.

Si les gestes-barrières sont maintenus plusieurs mois de nouvelles formes de ritualités apparaîtront sans doute et on s'y accoutumera certainement. D'autant que selon les cultures, les civilités sont innombrables. Mais pour l'instant, j'ai l'impression que tout le monde espère que cette situation sanitaire inédite ne durera pas. Et on reste dans une forme de transition, de situation intermédiaire, dans un entre-deux un peu flou. Qui ne rassure pas, hélas. Egalement au niveau mondial.

Par exemple, le Président de la République n’a-t-il pas opté pour un salut japonais ?

Mais pour autant quels seront nos « réflexes » de retrouvailles ?

Mon idée optimiste reste « Omnia vincit amor » , devise écrite sur l’école de ma filleule, « L’amour vaincra tout », c’est une utopie pour l’avenir et le fait que les introvertis et les extravertis (catégorisations que je déteste, plutôt que parler d’humains) puissent, après ce qui se passe actuellement, encore davantage s’apprendre les uns envers les autres.

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