Chaos au Stade de France : la double impuissance des forces de l’ordre et de la justice face aux délinquants n’a pas échappé à ces derniers…<!-- --> | Atlantico.fr
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Les incidents survenus au Stade de France avant et après la rencontre interrogent sur la stratégie du maintien de l'ordre et sur la réponse judiciaire.
Les incidents survenus au Stade de France avant et après la rencontre interrogent sur la stratégie du maintien de l'ordre et sur la réponse judiciaire.
©Maryam EL HAMOUCHI / AFP

Lendemains difficiles en vue

Après les incidents le soir de la finale de la Ligue des champions à Saint-Denis et alors que de nombreux vols ont été commis après la rencontre, seules six personnes se sont retrouvées devant la justice.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Susciter un tel chaos dépassait les forces d’un seul homme : ils s’y donc mis à trois - côté sécurité ; ceci est une analyse criminologique ; donc, l’aspect sportif, organisation, etc. y sera éludé.

Premier en cause, l’assez rigide préfet Lallement, peu doué pour la vision pré­coce et flexible ; sous sa jolie casquette d’uniforme nord-coréen, il fait plus dans le statique et le déjà-vu, que dans le génie créateur. Au-dessus, le ministre Dar­manin, dont l’initial réflexe est toujours de mentir. L’homme qui, fin 2020, affi­chait triomphalement la baisse de la criminalité dans son fief électoral - confiné et sous couvre-feu plus d’un trimestre - et qui depuis, fait pire encore. Entre le partisan du « Plus c’est gros, mieux ça passe », et celui de « C’est comme ça, pas autrement », en cas de nouveau et d’imprévu, ça coince forcément.

Imprévu dû à l’ignorance des alertes du renseignement de terrain - pour l’immé­diat - mais plus profondément, à l’incompréhension des évolutions, toujours subtiles, dans les profondeurs du monde criminel.

Certes, cela fait quinze ans que la Préfecture de police a repéré les gangs juvé­niles des banlieues de la capitale et conçu un plan pour les réduire. Mais la bande stable-structurée (durable, avec semblant de hiérarchie et de structures) n’est pas la forme criminelle suburbaine majeure. On y trouve d’abord la meute, entité furtive qui, grâce aux portables, s’agrège subitement pour un pillage, une émeute - frappe et disparaît aussitôt, en mode essaim.

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Sans cesse, ces meutes assaillent les policiers dans le neuf-trois (fact-checkers ! Nous avons les détails) ; donc, sont rompues dès 12/13 ans à éviter les « keufs ». Cette gymnastique est quasiment leur quotidien - d’abord dans « leurs » fiefs ; exemple près du Stade de France, à la cité hors-contrôle des Francs-Moisins, aux narcos si peu soucieux de la police qu’ils publient l’adresse de leurs fours en toutes lettres sur Instagram, avec promos du jour.

Bien sûr, ces meutes de prédateurs opportunistes ne planifient rien - pas le genre Napoléon avant Austerlitz. Un match de foot au stade de France ? Bof, ba­nal, pas lucratif. Mais là ! Désordre et précipitation, le match fatal se prépare. Manque une pléthore de « stadiers » : on les recrute dans le coin - notamment, sans contrôle, dans les cités alentours. Le renard dans le poulailler : pour sûr, les lascars embauchés-stadiers font entrer les copains à l’œil, signalent (les por­tables toujours) les secteurs sans sécurité ni contrôle.

Les premiers accourus des cités voisines voient alors le Saint Graal sous leurs yeux : par milliers, des étrangers perdus, ballottés d’un secteur à un autre - pas toujours sobres. Leurs montres ! Leurs téléphones ! Leurs poches pleines des eu­ros préparés pour faire la fête ; ou changés, pour les Britanniques.

L’info vole, de portable en portable : c’est la ruée. Par petits groupes de cinq-six, la dépouille commence. « Dès qu’ils s’éloignaient des policiers, les gens se fai­saient attraper, dit un gradé, Ils faisaient leur marché... on n’a jamais vu ça... » - avec dix ans de 9-3 au compteur, la remarque pèse lourd. Ces policiers du ter­rain, sur place toute la soirée, ont ainsi vu affluer une nuée de quelque trois cents pillards de 12 à 16 ans.

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La police était là pour mater des hooligans - pas « des voyous en nombre », comme dit le maire de Saint-Denis - homme peu enclin au tout-répressif. « Pré­sence massive et inhabituelle de centaines de délinquants ... Un vol avec vio­lence ou par ruse toutes les deux minutes » s’étouffent les syndicats policiers. Ayant - faute d’ordres cohérents - gazé des supporters souvent en famille, bous­culés de barrières en portiques, les policiers en viennent - tardivement - à arrêter les pillards passant sous leurs nez. Bien sûr, les agiles lascars des cités proches sont déjà rentrés au bercail, poches et sacs à dos remplis.

 Restent au fond du tamis des attardés, de benêts voleurs à la petite-semaine, ni familiers des lieux, ni aguerris ... Des Péruviens... Un Palestinien... Les mineurs arrêtés ? Classement sans suite... auteur inconnu... procédure irrégulière - tous dehors, et vite. La lourde et lente justice française ne sait se dépêtrer des infrac­tions furtives, commises par des groupes agiles. Alors, par réflexe, elle les re­jette hors de sa portée.

Lallement... Darmanin... Dupond-Moretti : faisons-leur confiance pour nier l’évi­dence : pas de morts ? Tout va bien. Mais l’Europe est horrifiée par les scènes vues au stade de France. Et les fort opportunistes bandits suburbains ont capté l’impuissance des forces de sécurité en de telles circonstances : ils ne l’oublie­ront pas de sitôt.

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