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Champions du monde : Ces Bleus qu’on n’a aucune envie de lâcher
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

Les Bleus dans les yeux

L'après-Mondial s'annonce compliqué. Car après cette magnifique victoire de nos Bleus en Russie, peut-on encore s'en passer ?

Philippe Bilger

Philippe Bilger

Philippe Bilger est président de l'Institut de la parole. Il a exercé pendant plus de vingt ans la fonction d'avocat général à la Cour d'assises de Paris, et est aujourd'hui magistrat honoraire. Il a été amené à requérir dans des grandes affaires qui ont défrayé la chronique judiciaire et politique (Le Pen, Duverger-Pétain, René Bousquet, Bob Denard, le gang des Barbares, Hélène Castel, etc.), mais aussi dans les grands scandales financiers des années 1990 (affaire Carrefour du développement, Pasqua). Il est l'auteur de La France en miettes (éditions Fayard), Ordre et Désordre (éditions Le Passeur, 2015). En 2017, il a publié La parole, rien qu'elle et Moi, Emmanuel Macron, je me dis que..., tous les deux aux Editions Le Cerf.

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Des explosions de joie intenses et délirantes partout qui semblent peu à peu déconnectées de leur cause apparente, la belle victoire de l'équipe de France contre celle de la Croatie. Comme si le pays avait besoin d'une immense allégresse pour mieux vivre et croire davantage en demain. On a trouvé un superbe prétexte.

Je ne peux pas m'empêcher, me trouvant pourtant dans la région d'Annecy enthousiaste mais sans commune mesure avec la folie parisienne, de me rappeler l'émission de Sud Radio où le plus formidable connaisseur médiatique du football Philippe David - culture encyclopédique, mémoire phénoménale et fraîcheur intacte - nous avait conviés à nous interroger sur la supériorité ou non de 1998 par rapport à 2018.

J'ai été le seul à soutenir que je préférais la Coupe du monde en Russie et non par volonté de provocation mais en totale sincérité. Et je ne connaissais pas encore le triomphe final !

Ma dilection pour celle d'aujourd'hui était fondée sur des motifs à la fois personnels, sportifs et politiques.

Personnels.

On n'est pas obligé de suivre les penchants de ma subjectivité mais les joueurs de cette équipe de France victorieuse m'apparaissent, pour la majorité d'entre eux, bien plus sympathiques et dignes d'estime que leurs prédécesseurs. Et je ne songe pas seulement à l'extra-ordinaire Kylian Mbappé qui, brûlant les étapes sportives, est également étonnant sur le plan intellectuel, du coeur et de la maturité. Je pourrais ajouter Hugo Lloris, Varane, N'Golo Kanté, Pavard, Griezmann...

Je suis infiniment plus sensible à l'entraîneur Didier Deschamps qu'à Aimé Jacquet dont la haine peut-être explicable contre l'Equipe à la longue m'a défrisé. On ne se commande pas mais je ne surestime pas la portée de mes humeurs et de mes choix intimes. Il n'empêche que c'est comme cela !

Sportifs.

Cette Coupe du monde a été parfaitement maîtrisée. Certes la France a eu de la chance mais c'est le propre du hasard que de savoir, dans l'incertitude et l'aléatoire, arbitrer subtilement en faveur de l'élue qu'il a distinguée. Cavani blessé ne joue pas pour l'Uruguay et le duo unique et dangereux qu'il forme avec Suarez est brisé. Contre la Belgique, deux coups francs ne sont pas sifflés en faveur de celle-ci et qui sait ce à quoi ils auraient pu aboutir ?

J'admets que les matchs de poule n'ont pas été brillants mais l'équipe douloureusement a franchi l'obstacle, obsédée par la suite où les choses sérieuses, les éliminations directes allaient advenir. Elle a été étincelante contre l'Argentine qui pâtissait d'une défense trop faible et d'un Lionel Messi mis sous l'éteignoir par l'infatigable N'Golo Kanté. Elle a été exemplaire, efficace et cohérente contre l'Uruguay et la Belgique. Comment d'aucuns ont-ils pu juger ces matchs ennuyeux ? Certes, dans un monde idéal on aurait aimé voir ressuscité le jeu éblouissant du Brésil de 1958, des Pays-Bas de Johan Cruyff et Neeskens ou de l'Allemagne de Beckenbauer. On peut formuler tous les voeux pieux qu'on désire et se plonger à discrétion dans la nostalgie. Mais la France de 2018, avec pragmatisme et talent, s'est adaptée, donnant une impression de sûreté et de confiance inébranlables. En difficulté peut-être mais jamais dépassée.

Didier Deschamps a réussi l'exploit de faire simplifier son jeu à Paul Pogba enfin débarrassé de ses circonvolutions et fioritures inutiles.

Les prétendus points faibles de la France - sa charnière centrale et son gardien (sa bévue sans conséquence ne fera pas oublier ses prestations décisives) - se sont révélés des forces. Splendide ironie du sport.

J'ai aussi passionnément goûté cette finale contre la Croatie qui a été un adversaire redoutable - le penalty après son égalisation lui a tout de même un peu coupé l'élan ! Mais ce match a été plausible et n'a rien eu à voir avec la victoire de 98 face à un Brésil étrangement laminé et impuissant.

Et la France a vaincu en Russie.

Politiques.

Si 98 a eu un tel effet, cela tient au fait que nous avions une période d'immobilisme politique et que la Coupe du monde, avec ses succès à répétition, a comblé un immense vide - le sport comme succédané.

Je suis heureux que l'exaltation de 2018 soit peu ou prou reliée non seulement à l'admiration sportive mais révèle aussi l'assurance d'un pays qui reprend confiance en lui. Le pouvoir politique est rien moins que déliquescent et la Coupe du monde est venue se conjuguer, avec le bonheur populaire, à une France sortie d'une trop longue morosité civique. Quelles que soient les oppositions à la politique du président.

Surtout rien ne m'était apparu plus volatil, inconsistant et éphémère que ce climat de 98 - Black Blanc Beur - sous le signe d'une diversité qui aurait été le couronnement républicain d'une compétition mondiale dont il ne faut jamais oublier qu'elle se déroulait en France. Dès le lendemain, ce consensus a volé en éclats parce qu'il ne reposait sur rien de solide. C'était du vent que cet unanimisme de quelques heures.

Ce qui est fabuleux pour cette Coupe du monde réside dans l'affirmation nette, claire, éclatante et revendiquée de la France, de son unité et de son identité, de la part de tous les joueurs sans exception. Qu'on garde en mémoire les propos d'Antoine Griezmann disant qu'il faut "être fier de la France", de Kylian Mbappé proférant, avec une sincérité évidente, qu'il voulait "tout donner pour la France" (Le Monde), cette Marseillaise chantée par tous les joueurs. La France proclamée, et avec quelle vigueur, est une réponse implicite à toutes les terreurs et massacres qui ont cru l'anéantir. On sort du flou sociologique qui ne pouvait que désespérer parce que condamné à l'échec pour revenir dans la vérité d'un pays, d'une cause ancrée, enracinée, décisive, éternelle.

Pour en finir avec la Coupe du monde...

Mais en la regrettant.

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