Ces maires qui réussissent à donner tort aux Français qui pensent que leurs édiles ne peuvent pas grand-chose pour leur pouvoir d'achat et leurs emplois<!-- --> | Atlantico.fr
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61% des Français pensent que leur maire ne peut pas vraiment améliorer leur pouvoir d'achat. Photo d'illustration / une écharpe de maire en fabrication.
61% des Français pensent que leur maire ne peut pas vraiment améliorer leur pouvoir d'achat. Photo d'illustration / une écharpe de maire en fabrication.
©Reuters

Mon maire, ce héros

Selon le baromètre Vivavoice-BPCE pour Les Echos et France Info, seuls 31% des Français pensent que le maire influe sur leur budget personnel, tandis que 22% pensent qu'il influe sur l'emploi. Le second tour des municipales approchant, c'est la course aux promesses. Mais que peuvent réellement les maires pour vous ?

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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Atlantico : Selon le baromètre Vivavoice-BPCE du 27 février 2014 pour Les Echos et France Info, 61% des Français pensent que leur maire ne peut pas vraiment améliorer leur pouvoir d'achat et 52% pensent la même chose pour l'emploi. Les maires sont-ils réellement impuissants dans ces deux domaines particuliers ? 

Jean-Luc Boeuf : Le quarteron de la décentralisation n'est pas exempt d’ambiguïté ! Le quarteron, c'est tout un chacun selon qu'il est contribuable, usager, électeur ou citoyen. Le contribuable aura tendance à penser qu'il "en veut pour son argent". L'usager souhaiterait bénéficier du maximum de services publics à "moindre coût" (pour lui). Le citoyen sera prompt à critiquer l'absence de démocratie dans les prises de décision et l'insuffisance des politiques locales. Quant à l'électeur, son heure est venu en ce mois de mars 2014. La difficulté de la vie locale est que les actions conduites ne sont pas toujours perçues car elles semblent automatiques, naturelles, obligatoires : avoir de l'eau au robinet, disposer d'écoles maternelles et primaires, pouvoir faire déjeuner ses enfants à la cantine, bénéficier de la garderie et des accueils périscolaires... Toutes ces activités sont conduites par les mairies. Pour ce qui est de l'emploi, le maire est tout autant en situation d'employeur que de défenseur de l'emploi sur sa ville.

De quels leviers disposent-ils pour améliorer le pouvoir d'achat à l'échelle locale ? Certaines politiques ont-elles été mises en place en ce sens dans certaines communes ?

L'amélioration du pouvoir d'achat passe par deux leviers que sont la fourniture de prestations monétaires et la participation à des dépenses engagées par tout un chacun au niveau local. Généralement, lorsque l'on interroge les gens, ils ont tendance à raisonner par rapport à la première partie, c'est-à-dire la fourniture de prestations monétaires. A ce propos, ce sont les maires qui peuvent délivrer les premiers secours - monétaires  via le centre communal d'action social (CCAS) généralement. Mais c'est dans le deuxième domaine, qui a trait à la participation à des dépenses, que l'action des maires est la plus importante. Un exemple emblématique est celui des cantines scolaires. Alors que le prix de revient d'un repas en école maternelle ou primaire tourne généralement autour de 10 euros, le montant facturé aux familles n'est jamais celui prix de revient, même pour les familles qui vont payer le tarif le plus élevé ! Ceci parce que deux mécanismes vont jouer : le premier consiste à faire prendre en charge une partie du prix du repas par le budget de la mairie et le seconde consiste, pour la partie restante, à moduler ce qui est demandé en fonction du revenu des familles.De ce fait, les maires participent bien, au profit de tous, à améliorer le pouvoir d'achat à l'échelle locale.

Un autre exemple a trait aux activités associatives et sportives proposés par les maires. le prix de refacturation n'est jamais celui du coût du service. Pourquoi ? Car les maires font prendre en charge une partie, plus ou moins importante de la prestation, par le budget municipal. Autre exemple, les piscines municipales. Le prix d'entrée n'est pas du tout corrélé au prix d'usage et d'entretien de cet équipement ! Sinon, il n'y aurait plus qu'à fermer lesdites piscines.

62% des Français jugent que leur maire peut vraiment améliorer les choses en termes d'impôts locaux. N'est-ce pas justement une piste d'action sur le pouvoir d'achat ?

Les impôts locaux représentent aujourd'hui 40% des recettes d'une commune. Ce qui a changé récemment est que la taxe professionnelle a été remplacée par une imposition dont le taux n'est pas fixé par la commune mais par l'Etat puis redistribué sur le territoire. Et comme la taxe professionnelle représentait environ la moitié des impôts directs, les maires ont perdu une partie importante de leur levier fiscal. La vraie difficulté est celle des bases de fiscalité locale, dont le calcul remonte à 1961 et 1970, et qui est effectué par l'Etat. La vraie question à poser est celle-ci : "Quel niveau de service public local veut-on sur un territoire ?" Il est toujours possible de baisser les impôts bien sûr. Mais comme l'autre grande recette d'une commune est constituée par les dotations de l'Etat, il convient d'être conscient que l'Etat baisse aujourd'hui ses dotations. Et ce n'est pas fini puisque les collectivités locales vont être mises à contribution. Donc, pour les nouveaux maires, plus de 85% de leurs recettes soit vont baisser soit ne peuvent plus augmenter. La résolution de l'équation n'est pas simple puisque, en face, existent ce que les économistes appellent des dépenses "rigides", telles que les frais de personnel (plus de la moitié des dépenses de fonctionnement), la gestion de la dette passée, le paiement des fluides et de l'entretien des bâtiments municipaux, le paiement des services dont il a été question plus haut (cantines, associations...)

Qu'est-ce que les maires peuvent-ils entreprendre pour relancer l'emploi ? Certains acteurs politiques locaux ont-ils développé des initiatives intéressantes ?

Aucun maire n'est indifférent à l'emploi. C'est aujourd'hui leur raison d'être dans les territoires, avec les fortes diminutions de l'emploi industriel, les délocalisations d'emplois publics, la disparition des emplois de l'Etat et parapublics (services fiscaux, emploi, La Poste voire gendarmerie). Dans nos sociétés ouvertes, désenchantées et largement désacralisées, le maire est celui vers qui l'on se tourne. D'ailleurs, sur le terrain, l'emploi fait partie avec le logement des deux points abordés lors des rendez-vous avec le maire. Leurs initiatives sont réelles. Tout d'abord le maire est généralement, avec l'hôpital, le premier employeur local ! Cela lui est parfois reproché d'ailleurs, non sans une certaine schizophrénie puisque l'on demande à la fois au maire d'agir en faveur de l'emploi mais de ne pas alourdir les charges de sa mairie. Ensuite, le maire peut utiliser les dispositifs nationaux (emplois jeune hier, contrats d'avenir aujourd'hui) qui lui permettent d'embaucher des agents. En outre, avec l'intercommunalité, le maire peut développer des structures permettant d'accueillir les micro-entreprises en "pépinières", en hôtels pour permettre de faciliter toutes ,les procédures administratives desdites entreprises. Enfin, le maire, dans ses relations avec les chefs d'entreprise, peut faciliter l'implantation de nouvelles entreprises. Ceci est d'ailleurs souvent l'enjeu des scrutins locaux. Où l'électeur peut ne pas être dénué d'ambiguïté lorsque, le matin, il exige des emplois pour sa ville ; l'après midi, il souhaite que ce soit sans nuisance et le soir bénéficier des services commerciaux "de proximité" en revenant des zones commerciales. 

Quels sont dans ces domaines les relais (communautés de commune, département, régions, autres) des maires à l'échelle locale pour les accompagner dans la mise en place et le développement d'initiatives de soutien à l'emploi ? Quel rôle joue les communautés de commune dans ces cas de figure ?

Les structures intercommunales disposent de la compétence économique pour l'aménagement et l'accès des zones d'activité. La forte montée en puissance des intercommunalités (communautés de communes dans les petites villes, communautés d'agglomération dans les villes moyennes et communautés urbaines et métropoles pour les grandes villes) s'est accompagnée d'un travail réalisé sur des bassins géographiques plus importants. cela n'enlève pas du pouvoir aux maires mais les oblige à raisonner en conséquence : "qu'est ce que je pourrai proposer à mon territoire dans le cadre de cette intercommunalité ? Cela amène parfois à proposer une spécialisation des zones de chalandise. Puis à défendre cette idée auprès des élus intercommunaux. Et enfin à revenir devant son conseil municipal et ses citoyens. Nous vivons dans des sociétés plus complexes qu'auparavant. S'en sortent les élus qui acceptent cet état de fait. Cela demande du temps et de la pédagogie ! Pour ce qui est des autres structures, notre mille-feuille offre le meilleur (le souhaite d'obtention de subventions au taux le plus élevé) comme le pire (les délais, les dossiers constitués en moult exemplaires, les inévitables doublons) sans oublier l'Union européenne, source de fantasmes et de récriminations...

Finalement, les maires ont-ils plus de pouvoir qu'on a tendance à le penser ?

Oui ! sans conteste. Le terme de "magistrature d'influence" n'a jamais été aussi valable. On revient ici aux sources de la vie communale, qu'il s'agisse des chartes communales du Moyen-Age ou de la loi municipale du 5 avril 1884 dont la disposition principale prévoit que le "conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune". Tout ou presque figure dans cette assertion simple, à cent lieues des dispositions législatives actuelles qui, le plus souvent, en des centaines d'articles, ne font que renvoyer à cette disposition phare. Si sur près de 37 000 communes, moins de 100 n'ont pas réussi à déposer de liste au premier tour des élections municipales de 2014, c'est la preuve que la commune a de beaux jours devant elle.

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