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Ces femmes qui, dans l’Histoire, ont changé le monde. Aujourd’hui, Margaret Thatcher
©JOHNNY EGGITT / AFP

Business

Comme les années précédentes, nous avons repris notre carnet de notes et notre crayon pour rencontrer les personnages de l’Histoire qui ont marqué leur époque et au-delà, changé le monde. Le projet, un peu osé convenons-en, a été de leur demander de nous accorder un entretien pour revisiter le bilan de leur action et vérifier si leur lecture de l’Histoire permettait de mieux comprendre notre actualité.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Alors bien sûr, ces personnages étant aujourd’hui disparus, leurs interviews sont imaginaires, mais beaucoup moins qu’on ne le croirait. Les historiens ne nous en voudront pas, nous avons puisé les réponses dans ce que ces personnages ont écrit dans leurs mémoires et ce que les historiens nous ont apporté sur leur parcours.

Et cette année, nous avons choisi d’interroger des femmes qui ont dominé leur époque, dans tous les domaines, parce que notre actualité aujourd’hui est fortement impactée par les discours féministes, les révoltes et parfois les excès. Ces femmes de l’Histoire ont sans doute été précurseurs, mais pas seulement.

Aujourd‘hui, Margaret Thatcher. Comment aurait-elle réagi à tous ces évènements ? A l’Europe qui essaie de se reconstruire avec, à sa tête des femmes, que des femmes… Christine Lagarde, Angela Merkel et Ursula von der Leyen.

Comment aurait-elle réagi à ces mouvements populistes qui ont placé Donald Trump à la Maison Blanche et Boris Johnson au 10th Downing Street ?

Margaret Thatcher : « Le « En même temps », quelle époque que la vôtre et où il faut plaire à tout le monde. Avec moi, ça roulait droit. There is no Alternative ! ».

Margaret Roberts est née en 1925 à Grantham, dans le centre de l’Angleterre. Fille d’un épicier qui prêche à l’église méthodiste le dimanche, elle reçoit une éducation stricte et pas tous les jours très drôle. Très impliquée dans les études, Margaret est reçue à Oxford, dont elle utilise pleinement le potentiel et le réseau. Elle s’y prépare à un métier d’ingénieur chimiste, mais également à la politique. Son camp est choisi. Comme son père, qui exerçait un mandat local, elle se place à la droite du pays, chez les conservateurs.

A 24 ans, elle essuie sa première défaite électorale dans un bastion travailliste. Elle reprend des études de droit pour devenir avocate et elle gagne enfin la députation en 1959. Dans le même temps, elle se marie à un homme d’affaires, Denis Thatcher, dont elle aura deux enfants, des jumeaux, symbole de cette double rangée de perles qu’elle aimait souvent arborer.

Elle se fera connaitre auprès de l’opinion britannique en tant que ministre de l’Education, de 1970 à 1974.

En 1975, sa carrière de politique lui permet de briguer la tête de son parti. Ses adversaires s’inclinent devant celle qui, décidée, connait ses dossiers.

Élue trois fois de suite par le peuple britannique, Margaret Thatcher aura passé 11 années au pouvoir. Un temps long pendant lequel elle a engagé de nombreuses réformes : privatisations, déréglementations financières, baisse d’impôt sur le revenu... Des coups de maître politiques et militaires aussi, comme pendant la guerre des Malouines où elle défend le territoire britannique colonial face à l’envahisseur argentin ou face à l’Union européenne quand, sept ans après l’entrée britannique, elle veut qu’on lui rende son argent et négocie un rabais à la contribution européenne.

Elle s’efface en 1990, non sans tristesse, en tentant de mettre en place la Poll tax, un impôt communal forfaitaire que les Britanniques n’accepteront pas.

A sa mort le 8 avril 2013, il y a eu des cris de joie aussi bien que des hommages appuyés. Margaret Thatcher était loin de faire consensus.

Lady Thatcher, bonjour. Vous nous recevez 30 ans après avoir quitté le 10 Downing Street, le poste de Premier ministre du Royaume-Uni. 30 années, déjà plusieurs crises économiques, six Premier ministres différents et des sujets britanniques qui ne sont plus des citoyens européens depuis le 31 janvier 2020. Ça vous fait quelque chose, vous, l’eurosceptique ? Est-ce que le Royaume-Uni n’est pas plus vulnérable sans l’Europe ?

Margaret Thatcher : L’Europe n’est pas mon affaire, ni celle du Royaume-Uni. Le Royaume-Uni est fort et stable, comme il l’était à mon départ en 1990. Certes, depuis, il y a bien eu des crises, des gouvernements différents et des revirements. Mais un seul monarque. La preuve même de la continuité, c’est la force de la couronne britannique, sa spécificité et je n’ai aucune crainte quant à son évolution, même si vous pensez la croire perturbée par des controverses intra-familiales. Ce ne sont que des querelles de bonne-femme comme on dit, mais le peuple britannique reste profondément monarchiste et fort heureusement.

Alors, le processus démocratique a récemment décidé la sortie de l’espace économique européen. Je considère que le Brexit était censé à plusieurs égards. Notre pays était contributeur net au budget européen, c’est-à-dire qu’en termes financiers, nous ne bénéficiions pas d’une redistribution financière positive, malgré le rabais ardemment négocié et obtenu en 1984 par la généreuse Europe. Alors, c’est un peu court de raisonner uniquement par l’argent, parce que le marché européen, par les opportunités commerciales qu’il représentait pour nos entreprises, était également un formidable atout. Nous y avons adhéré assez tard, en 1973, puisqu’un veto français nous a longtemps empêché de rejoindre l’espace économique européen. Un certain général qui devait pourtant beaucoup à l’Angleterre… Mais passons. J’ai toujours cru en ce rapprochement des nations et je n’ai d’ailleurs pas regretté un seul instant d’avoir relancé le projet de Tunnel sous la Manche, dont on entendait parler depuis Napoléon. Nous l’avons fait, avec François Mitterrand et ça n’a pas couté un seul penny aux deux Etats.

Mais, mon Dieu, comment avez-vous pu vous donner tant de mal à une construction européenne, que je reconnais plutôt belle dans l’idée, pour tout compliquer par des réglementations douloureuses à avaler pour vos citoyens et vos entreprises. Il était déjà difficile d’obtenir quelque chose d’une Europe à 10 têtes, telle qu’elle était dans les années 80, mais à 27, avec des petits, des grands, des frugaux, des pauvres… je pense que vous ne pourrez avancer qu’à pas de fourmi.

L’Europe me fait penser à un empire dans toutes ses mauvaises dimensions. Toujours un peu plus de volonté d’expansion, parfois irréfléchie. Et il vient à un moment où l’empire s’essouffle car les peuples ont des velléités d’indépendance. J’ai vécu ça dans mon propre pays. Parfois, il faut se battre pour garder le pouvoir, mais parfois, la meilleure chose est de le céder. Pour le bien des populations.

Vous avez l’impression de vous être battue justement, pour en arriver là, avoir la confiance de vos ressortissants pour négocier de leur place, toujours à l’écart, parmi les Européens ? En 1979, le parti des Tories, les Conservateurs britanniques dont vous êtes devenue présidente quatre ans plus tôt, gagne les élections. Comment le pays vous a accueillie, à ce moment précis ?

Margaret Thatcher : C’est un pays déchiré qui ne comprend pas toujours ce qu’il lui arrive et qui n’avait plus beaucoup d’espoir de redevenir, un jour, un pays riche, le plus riche du monde au début du XXème siècle. Même les années Churchill, qui ont été magnifiques à bien des égards, commencent à se faire lointaines dans les mémoires.

Au milieu des années 70, nous en étions réduits à être sous le joug du Fonds Monétaire International pour pouvoir s’en sortir. Et malgré ça, l’inflation n’avait pas été maitrisée, les prix grimpaient de 20% par an. Quelques mois avant mon arrivée, en 1979, nous avions connu le « Winter discontent », l’hiver du mécontentement, qui avait été particulièrement rude et éprouvant. Les grèves se succédaient les unes après les autres, dans le secteur public comme dans le privé. Avec des conséquences inéluctables sur le niveau de vie. L’électricité était rationnée et il y avait des coupures de courant quotidiennes. Ça ou 1942, c’était exactement la même chose et ça n’était pas acceptable sur notre île, après les décennies de progrès que nous avions connues. Il y avait une vraie crise de la gestion travailliste et le pays ne demandait qu’à changer. Vous savez, quand, même les plus riches, les icones musicales de l’époque, les Rolling Stones, fuient le pays pour payer leurs impôts ailleurs et en l’occurrence, en France, c’est qu’il y a un vrai problème. C’est une image, mais avec plus de 80%, voire 90%, de taxation du revenu pour ceux qui gagnaient bien leur vie, il n’y avait plus aucune d’envie d’entreprendre.

Et dans l’entreprise, le contexte social n’était absolument pas favorable au travail. Rendez-vous compte que nos syndicats n’étaient pas les vôtres. Chez nous, on ne plaisantait pas et on allait même jusqu’au sabotage des outils de production. Dans certaines usines automobiles, on n’hésitait pas à mettre du sable dans les boîtes de vitesses, quand ce n’était pas les machines-outils qui étaient directement dégradées. Les syndicats étaient censés cogérer les entreprises, ce qui n’est déjà pas en temps normal leur rôle, mais là, ils tétanisaient et paralysaient le pays.

Les syndicats, que vous avez matés justement. En 1984, vous avez tenu 52 semaines dans un mouvement de grève du secteur minier. Avec une répression policière mais aussi législative et une organisation militaire pour continuer l’approvisionnement en charbon, vous avez rendu la grève illégale, mis sous tutelle le fameux syndicat organisateur et donc vaincu les « gueules noires », ces travailleurs qui ne voulaient pas voir leurs mines fermer…

Margaret Thatcher : Ce n’est pas votre monde d’aujourd’hui qui va me reprocher d’avoir fermé une partie de nos mines de charbon, dont dépendait 80% de l’électricité que nous produisions. Certes, la préoccupation n’était pas environnementale, et elle était d’ailleurs moins sociale qu’économique. Pour réduire nos dépenses, nous ne pouvions conserver des mines dont les déficits d’exploitation étaient abyssaux et qui survivaient uniquement parce qu’elles étaient sans cesse renflouées par l’Etat. Nos mineurs avaient des privilèges énormes par rapport au reste de la société, trop bien rémunérés et avec un statut gravé dans le marbre. Ils ne se rendaient pas compte que le pays n’avait plus les moyens, que le charbon coûtait trop cher.

Pourtant, ces travailleurs de la middle class, vous pouviez les comprendre puisque vous n’êtes pas franchement issue de la grande bourgeoisie. Vous avez grandi à Grantham, c’est l’Angleterre profonde et votre père était épicier. Et vous étiez boursière à Oxford. On est loin de l’élite aristocratique anglaise et de Downton Abbey, même si vous êtes devenue baronne depuis, très chère Lady.

Margaret Thatcher : J’ai surtout grandi dans une Angleterre gagnée par la crise économique de 1929, donc je n’étais pas insensible à la souffrance. C’était dur à cette époque. La faim, le chômage, la pauvreté… j’ai été confrontée à toutes ces réalités. Mais ça n’a jamais été un fatalisme pour moi. Grâce à son commerce, mon père m’a appris très tôt qu’il n’y avait pas de petites économies. De temps ou d’argent, peu importe. Nous n’avions pas le droit à des dépenses inutiles. Et que dire de ma mère qui était couturière ? Évidemment, la précision et la rigueur ont bercé mon enfance. J’ai débuté dans la vie avec deux grands avantages : pas d’argent et de bons parents. Une bonne éducation vous servira toujours et en toutes circonstances.

Une jeunesse passée dans les livres et notamment ceux de l’économiste Friedrich von Hayek, votre influence idéologique, vous ne l’avez jamais cachée. Parlez-moi de Hayek. Comment voyez-vous sa philosophie ? Et l’homme ? Je vous demande ça car on vous a dit limite énamourée du personnage…

Margaret Thatcher : Hayek.. Lui aussi a connu les turpitudes de la guerre, il a été confronté à quelques perversions humaines, de la haine du juif aux thèses marxistes et révolutionnaires.

C’est vrai que c’est l’une des seules personnes dans ma vie que j’ai laissé discourir, sans jamais l’interrompre ou le contredire. J’en étais bien incapable. Quand vous adhérez à une théorie à ses principes économiques et qu’en plus, vous en rencontrez le principal penseur, je pense qu’il y a de quoi être envoutée. Et puis, le garçon dont vous parlez a quand même été récompensé du prix Nobel d’Économie en 1974, donc je n’étais pas la seule à l’applaudir.

Il faut dire qu’à l’époque, après la guerre, tout le monde avait les yeux braqués sur Keynes. Il n’y en avait que pour lui. L’économiste star et sûr de lui. Ce dandy... Parce que ça n’était qu‘un Dandy mondain qui suscitait l’admiration et l’aveuglement de toute la gauche mondiale. Et savez-vous pourquoi la gauche bien-pensante protégeait Keynes ? Keynes a inventé les moyens pour masquer les vrais problèmes structurels, il avait ouvert le robinet de l’inflation, il faisait payer les dettes par les personnes âgées. Plus tard. Il s’en moquait de ceux qui devaient payer. A long terme, nous sommes tous morts, disait-il. En attendant les politiques de Keynes n’avaient qu‘un intérêt, elles protégeaient le pouvoir des gouvernants en leur évitant d’être courageux et de dire la vérité au peuple.

Moi, j’ai aimé Hayek , celui qui osait aller en travers de cette pensée dominante, celle de l’interventionnisme répété et de l’arrogance de ce maître à penser. Le socialisme que nous avons connu et essayé pendant des dizaines d’années a engendré des forces destructrices. Monsieur Hayek est donc parti en croisade contre l’étatisme, dans toutes ses dimensions et a donné sa pensée à l’Ecole de Chicago. C’était d’ailleurs un bon ami de Milton Friedman.

Et vous, vous avez appliqué à la lettre sa formule, en apprentie chimiste que vous avez été ?

Margaret Thatcher : Absolument pas puisque Hayek s’est toujours battu contre le scientisme, le fait de considérer la science économique comme une science dure et donc exacte, alors qu’elle est tout à fait subjective et dépendante d’interprétations individuelles. Pour lui, on ne peut évaluer que des résultats, et non des intentions de comportement. C’est pourquoi toute tentative de formule mathématique, de planification serait vaine. Seul le marché peut organiser les activités humaines.

Si vous mettez dans la tête des gens que tout peut être fait par l’État, ils vont considérer que c’est, d’une certaine manière, inutile voire dégradant de le faire. Bien sûr, appliqué à un pays, j’ai toujours considéré qu’il devait y avoir des domaines que l’État continue de prendre en charge. Un État protecteur, mais pas un État-nounou. Ce n’est pas non plus son rôle d’opérer des entreprises dans tous les secteurs de l’économie. L’État en est bien incapable. Faites entrer une industrie rentable dans le giron de l’État, vous allez voir que les bénéfices auront tôt fait de disparaitre. Les poules d’État ne sont pas de grandes pondeuses. Elles ne pondent pas d’œuf en or en tout cas.

Pour autant, l’industrie britannique n’a pas plus rayonné dans le monde, après cette vague de privatisations dans le charbon, les télécoms, l’automobile ou l’énergie… Est-ce que vous aviez conscience qu’une désindustrialisation s’opérait et que vous alliez ériger hautes les tours de la City ? En 1986 en tout cas, c’est le Big Bang, la libéralisation financière, quand vous autorisez les investisseurs étrangers à prendre des tickets dans le capital d’entreprises britanniques.

Margaret Thatcher : C’est vrai qu’on dit que tout le quartier de Canary Wharf est mon héritage. Je veux bien l’assumer. Ce quartier de Londres était tellement sinistre autrefois. Il n'y avait rien. Des rues pavées et obscures et toujours les stigmates de la guerre sur les façades, ni commerce ou animation mais des graffitis et des déchets en guise d’ornements. Une seule ligne de bus servait à ravitailler les rares aventuriers de l’île. Aujourd’hui, c’est le deuxième quartier d’affaires à Londres.

La finance est une véritable industrie, vous savez, elle aussi créatrice de valeur et d’emplois. Et le secteur était sclérosé quand je suis arrivée. Une de mes premières mesures fut d’abolir le contrôle des changes, parce qu’avant 1979, un résident britannique n’avait pas le droit d'acheter et de vendre plus d’un certain montant de devises. Je n’ai fait qu’aider Londres à trouver sa vocation qui était de devenir le leader dans le domaine. Et le reste a suivi… De là à être à l’origine de la crise de 2008, il n’y a qu’un pas que beaucoup ont franchi… Tenez-moi responsable du virus qui vous terrorise ou de la toute-puissance des GAFA, tant que vous y êtes.

Est-ce que le « There is No Alternative » qui a fait votre réputation est toujours d’actualité ? TINA, cette formule qui montrait toute votre obstination ou votre pragmatisme. Il n’y a vraiment pas d’alternative au modèle capitaliste que nous connaissons ?

Margaret Thatcher : Vous n’allez quand même pas me reprocher d’avoir des convictions, de croire au travail, de croire au mérite et à la gestion saine des comptes, quels qu’ils soient. Je vous signale qu’on m’attribue le TINA et même ce redoutable sobriquet de « Dame de fer », gentiment donné par les Russes et censé signifier mon intransigeance. Quand votre président français ne cesse de prôner le « en même temps ». Autre époque où il faut plaire à tout le monde… Pour l’instant, il n’a pas le même succès. Avec moi, ça roulait droit.

Par là, vous voulez nous dire que seule une femme peut tenir face à la rue ou mettre de l’ordre en temps de crise ?

Margaret Thatcher : Je n’ai pas dit ça. Mais nous avons des qualités incontestables et des ressources que nous allons puiser dans notre statut de mère.

Si l’on prend votre héritière, Theresa May, deuxième femme à accéder au poste de Premier ministre au Royaume-Uni, elle aussi conservatrice, elle n’a pas réussi dans la tâche qui lui était confiée.

Margaret Thatcher : Madame May a été formidable, sublime, forcément sublime dirait mon amie Marguerite Duras. Parce qu’elle a fait preuve d’une abnégation sans faille. Elle doit se ressasser toutes les nuits les voix des députés qui lui ont manqué pour son satané accord…

Et puis, à Bruxelles, j’ai également été confrontée à ces rangées de technocrates infatigables, car ils étaient une armée, et quand un partait, un autre arrivait dans la foulée. Chacun, chaque Etat défend son intérêt, quoiqu’on en dise. Quant aux manières de ces messieurs, il fallait une certaine dose de patience pour les affronter. C’est à l’image de ce Français très élégant, Premier ministre de l’époque, qui avait offert de servir ses organes reproducteurs sur un plateau à la mégère que j’étais, selon ses propres mots. Très inspiré, ce Chirac… Et les hommes politiques ne se sont pas améliorés. Que n’aurai-je entendu si j’avais été confrontée à cet énergumène de Donald Trump ? Pour mon plus grand bien, ce n’est pas le cas !

Alors Theresa May, pour en revenir à elle, ses oreilles ont dû siffler maintes fois. Il se trouve finalement, qu’elle a quitté le pouvoir avant la crise. Car c’est peut-être plus que jamais en pleine crise liée à la santé ou même à la préservation de l’environnement, qu’une femme au pouvoir pourrait se révéler. D’ailleurs, ce n’est pas tout à fait par hasard qu’une femme dirige la politique monétaire européenne, Christine Lagarde, ou qu’une autre est installée à Bruxelles, à la tête de l’Europe, Ursula von der Leyen. Ce sont elles qui tiennent les comptes, vous êtes finalement devenus pragmatiques, vous les Européens.

On passe d’une femme à l’autre et parlons d’une autre femme de pouvoir, Angela Merkel. Est-ce qu’elle s’est révélée dans la crise ? Est-ce que c’est elle est-elle la nouvelle Thatcher ?

Margaret Thatcher : Non, mais pourquoi voudriez-vous me remplacer ? Angela Merkel est bien trop aimable ! Qui plus est, elle ne les a pas tellement terrorisés, ces Allemands. Mais c’est en tout cas une femme dont les Allemands se souviendront. Peut-être pas en bien ! Elle ne retrouvera pas son argent, elle, l’argent mis dans la crise. Est-ce qu’on peut appeler ça de la solidarité ? Laissez-vous rêver quelques mois… Elle essaie de se faire une belle sortie. Moi, j’ai raté la mienne, si on peut dire.

Mais, vous, Margaret Thatcher, vous restez un peu notre Nanny anglaise, un peu « old school », un peu bêcheuse, mais un brin attachante. François Mitterrand, encore un politique français, disait de vous que vous aviez « les yeux de Caligula et la bouche de Marylin Monroe ».

Margaret Thatcher : C’est un tantinet plus élégant, mais je n’en tombe pas de mon fauteuil. Vous devez croire que je vous en veux, à vous, les Français. En réalité, je ne me préoccupe que du sort des Britanniques, le reste m’est égal… Allez, je vous laisse, Denis m’attend pour le thé…

Propos recueillis par Aude Kersulec

Pour aller plus loin

10 Downing Street: Mémoires, Margaret Thatcher, Albin Michel

Documentaire :

Margaret Thatcher, l’Enfance d’un chef, Camille Le Pomellec, http://www.film-documentaire.fr/4DACTION/w_fiche_film/19901_

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