Censure ? Les raisons du black out sur le nombre réel de Français qui quittent la France<!-- --> | Atlantico.fr
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En 2011, 35 077 foyers fiscaux ont quitté la France.
En 2011, 35 077 foyers fiscaux ont quitté la France.
©Reuters

CQFD

Le président de la commission des finances du Sénat, Philippe Marini, a sonné l'alerte la semaine dernière sur le nombre de départs à l'étranger. En 2011, 35 077 foyers fiscaux ont ainsi choisi, pour des raisons professionnelles ou fiscales, de partir s'installer à l'étranger.

Atlantico : Les chiffres dévoilés par le sénateur (UMP) de l’Oise font état d’une hausse brutale de 62% (soit 13 431 foyers supplémentaires) du nombre de départs à l’étranger entre 2010 et 2011. Mais leur ancienneté pose d’abord question : pourquoi est-il impossible d’obtenir des chiffres plus récents ?

Philippe Marini : Ces données proviennent de l’exploitation des déclarations d’impôt sur le revenu, qui est acquitté avec un an de décalage. Il faut ensuite laisser à l’administration le temps de les exploiter. A l’avenir, je pense qu’il est réaliste de penser que nous disposerons des données de l’année n entre juin et septembre de l’année n+2.
Ahmed Henni :  Ces chiffres m'inspirent trois observations. D'abord, le système français d'impôt sur le revenu concerne tous les résidents. Dire qu'un foyer imposable a quitté le territoire fiscal ne préjuge pas de sa nationalité. Ces expatriés sont-ils tous Français ? Ensuite, les résidents qui changent de domicile fiscal ne sont pas tous des exilés fiscaux. Certains sont des étrangers qui quittent la France, d'autres des expatriés. Enfin, le système français est déclaratif : l'impôt sur le revenu de 2013 ne sera connu qu'en 2014. Il est donc normal qu'on ne puisse avoir des chiffres qu'avec au moins une année de décalage.

Comment sont obtenus ces résultats ? Sont-ils statistiquement si difficiles à calculer ?

Philippe Marini :La matrice a été conçue cette année, à la suite d’un travail conduit par la Direction générale des finances publiques, mais auquel j’ai été étroitement associé. Néanmoins, les statistiques tiennent compte de beaucoup de critères (âge des partants, type de revenus, pays de destination etc.). Il faut vérifier la fiabilité des déclarations, obtenir celles qui sont envoyées en retard, traiter l’ensemble des déclarations... Bref, tout ceci prend du temps et ne peut être obtenu en appuyant sur un bouton.
Ahmed Henni : L'administration fiscale publie un Annuaire statistique assez complet et accessible à tous. On ne peut pas dire qu'il y a rétention de l'information. Seulement, elle donne des chiffres globaux. Le nombre des foyers imposables est passé par exemple de 19.595.631 en 2010 à 19.707.241 en 2011. Soit une augmentation qui peut traduire une modification du barème, un enrichissement des ménages ou une immigration positive. Ce ne sont donc pas ces chiffres qui peuvent nous renseigner sur les départs, et plus particulièrement, sur les exilés fiscaux quand ils existent. Les députés, eux, peuvent, en commission ou par question écrite, obtenir des renseignements plus détaillés. On ne peut donc que se fier aux réponses que leur donne le ministère du Budget.

La rareté de ces informations témoigne-t-elle d’une part de blocage de la part de l’administration ? Si oui, pourquoi ?

Philippe Marini : L’administration répond aux instructions qui lui sont données. Je constate que lorsque j’ai soumis l’idée d’exploiter les déclarations d’impôt sur le revenu, la réaction a été positive et l’administration a produit des chiffres en moins de six mois, sans que - à ma connaissance - le gouvernement en place ne la freine dans ses diligences.
Ahmed HenniL'administration fiscale est contrainte par deux éléments : la loi qui interdit de publier un certain nombre de renseignements fiscaux et sa soumission à une autorité politique. Il faudrait donc changer la loi et rendre l'administration indépendante du politique, comme cela s'est fait chez nos voisins espagnols, par exemple.

Comment interpréter ces données en l’absence d’une mesure du nombre de retours ou d’informations qualitatives (motivations, etc..) ?

Philippe Marini : Cet échantillon de plusieurs dizaines de milliers de contribuables doit être comparé avec celui des départs de contribuables de l’ISF et de l’exit tax, pour mieux comprendre quels sont les départs liés à des raisons fiscales et ceux pour motif professionnel. Dans les années à venir, il faudra vérifier si la "géographie des départs" constatée pour la période 2007-2011 se confirme : départ vers les Etats-Unis et le Royaume Uni de contribuables jeunes disposant de revenus du travail assez élevés ; départs vers la Suisse ou la Belgique de contribuables aux revenus patrimoniaux importants. Mais il est exact qu’il faut aussi disposer d’informations aussi bien sur les retours que sur les installations en France de contribuables devenant résidents fiscaux français. J’ai formulé des demandes en ce sens.
Ahmed Henni : On n'a ni les chiffres des retours (et on sait qu'il y a des "exilés" qui reviennent), ni les chiffres des non-résidents qui deviennent résidents fiscaux en s'installant en France. Il faudrait, avant de trancher, pouvoir faire cette balance. La France est peut-être après tout un pays attractif.
Propos recueillis pas Pierre Havez

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