L'année d'un impoli
2011 : l'année où les femmes ont transformé leur nudité en arme politique
Qu'a retenu Christian Millau de 2011 ? La révolte des femmes faisant de leur corps un moyen de résistance dans les pays en lutte contre l'oppression politique. Bien loin de l'obsession mercantile du nu en Occident, de l'Ukraine à l'Egypte en passant par la Chine ou le Pakistan, l'esprit de Lady Godiva est revenu. Et si 2012 était l'année du "printemps des femmes" ?
Christian Millau
Grand reporter, critique littéraire notamment pour le journal Service Littéraire, satiriste, Christian Millau est aussi écrivain.
Parmi ses parutions les plus récentes : Au galop des hussards (Grand prix de l'Académie française de la biographie et prix Joseph-Kessel), Bons baisers du goulag et aux éditions du Rocher, Le Petit Roman du vin, Journal impoli (prix du livre incorrect 2011), Journal d'un mauvais Français (21 avril 2012) et Dictionnaire d'un peu tout et n'importe quoi (Rocher, 2013)
Entre l’effondrement de la Grèce et un printemps arabe qui tourne au vinaigre, la fin tragique de trente années d’incontinence européenne et le passage à un ordre mondial chinois ou la déculottée d’un DSK, les pannes de secteur d’un Hollande et les frapandingueries d’une Eva Joly, qu’ils soient terrifiants, pitoyables ou cocasses, ce n’est pas le choix qui manque. Mais c’est à la fois un calendrier qui montre des femmes nues et une dépêche toute fraîche qui retiennent mon attention. En effet,voici une bonne nouvelle pour l’Iranienne Sakineh Mohammadi Ashtiani, coupable d’adultère et –ce qu’elle a toujours niée –de participation au meurtre de son mari : elle ne sera pas lapidée ,comme il avait été prévu, mais pendue .
Le printemps des femmes, c’est pour quand ?
Le jour où le Révérend Pépère Hessel et sa petite fabrique d’indignation auront fini d’insulter les juifs d’Israël, ils feraient bien de rameuter les belles consciences pour s’indigner de la sauvagerie barbue ou de l’obscurantisme criminel qui, en Orient ,au Maghreb ou en Afrique noire réduisent les femmes en esclavage. Je trouve à la fois pathétique et admirable que n’ayant d’autre moyen de se révolter, certaines usent de leur corps,de leur corps dénudé, pour cracher leur mépris à la face de ces charognes .
Dans notre Occident, gavé de liberté, le nu, ce temps-ci, est très mode. Le célèbre calendrier Pirelli , sorti à la fin de l’année,donne à effeuiller une dizaine de top models, dont Kate Moss et Milla Jovovich, en nu intégral. En Russie, pour soutenir Vladimir Poutine, on a vu sur Facebook des jolies filles déchirer leur chemise, leur collant ou leur slip, puis enfiler un T-shirt blanc,bien moulant ,et y inscrire au rouge à lèvres : "Je déchire pour Poutine ".
Mais au même moment , il est des pays où ce n’est pas pour épater le gogo et plaire aux magazines de mode que des femmes bravent les interdits. En Egypte, une blogueuse prénommée Aliaa, ose passer sa photo dans le plus simple appareil ,pour affirmer son identité de femme face aux intégristes et aussitôt en Israël, c’est tout un groupe de femmes qui défilent nues, par solidarité. En Tunisie, une certaine Hanane Zemali se déshabille sur la Toile pour protester contre le machisme et les enragés de la charia.
L’été dernier, dans les rues de Kiev, des dizaines d’Ukrainiennes dévoilaient leur poitrine, indignées qu’elles étaient par la brutalité appliquée par un pouvoir néo-stalinien à l’ex- premier ministre, Ioula Timochenko. En Chine,le mois dernier, le dissident Ai Weiwei, figure majeure de l’art contemporain chinois, condamné à 81 jours de prison pour une fraude fiscale inventée de toutes pièces, a fait un gros pied de nez au Parti en s’exhibant à poil, sur son site, avec quatre femmes qui l’étaient également. Enfin, il y a eu tout récemment au Pakistan le scandale de Veena Malik, jeune et jolie comédienne posant nue (ses bras cachant, toutefois, ses seins ) sur la couverture d’un magazine. Si, par la suite, elle s’est plainte d’avoir été victime d’une photo-montage, ce qui est peu probable, c’est vraisemblablement parce qu’elle s’est sentie menacée, dans ce pays où les femmes violées sont exhibées nues dans les villages et fouettées.
En Angleterre, en l’an mille, l’épouse du seigneur de Coventry, avait trotté nue sur le dos d’un cheval afin d’obliger son mari à ne plus financer de campagnes militaires. La légende de lady Godiva –car ce n’était qu’une légende– ne risque pas de sitôt d’attendrir les Fous de Dieu et autres cinglés qui prétendent faire le bonheur de la femme en la cadenassant... Le drame est qu’ils y parviennent sans difficulté, pour deux raisons : d’abord ,ce sont eux qui ont le pouvoir,ensuite parce trop souvent, l’esclave, par renoncement ou par habitude, se fait à sa condition d’esclave. Il y trouve même un certain réconfort et parfois un motif de fierté. Quand on voit chez nous des musulmanes de fraîche date manifester en faveur de la burka intégrale, c’est comme si les agneaux bêlaient pour se faire égorger .
Y aurait-il quelque part un Spartacus du sexe féminin pour faire chanter le printemps des femmes ? Le jour où les barbus barjos aussi bien que les ultra-orthodoxes de Jérusalem dont on vient d’apprendre qu’ils ne veulent plus voir dans les lieux publics de femmes à côté des hommes , auront enfin compris que la femme est le meilleur avenir de l’homme, ils auront le droit de se regarder dans une glace .
En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.
Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !