Ce que la SNCF coûte vraiment aux contribuables français<!-- --> | Atlantico.fr
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Un quai de la gare Saint-Charles de Marseille (Bouches-du-Rhône), le 3 avril 2018
Un quai de la gare Saint-Charles de Marseille (Bouches-du-Rhône), le 3 avril 2018
©BERTRAND LANGLOIS / AFP

Exorbitant

Par l’intermédiaire de l’Etat et des autorités régionales, les contribuables français ont payé un total de 20 milliards d'euros à la SNCF en 2022. Une hausse de 45 % en six ans.

François Ecalle

François Ecalle

François Ecalle est ancien rapporteur général du rapport annuel de la Cour des comptes sur la situation et les perspectives des finances publiques ;  ancien membre du Haut Conseil des finances publiques, Président de FIPECO et fondateur du site www.fipeco.fr sur les finances publiques.

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Atlantico : Vous venez d'écrire une note sur le coût de la SNCF pour les contribuables en 2022. Quel constat faites-vous ?

François Ecalle : Les régions et Ile-de-France Mobilités ont financé le fonctionnement des TER et du Transilien à hauteur de 6,8 Md€ en 2022. L’État a de son côté financé à hauteur de 3,3 Md€ les coûts d’exploitation du réseau de proximité ainsi que les coûts de fonctionnement des trains Intercités et des transports de fret. L’État et les autorités régionales ont donc payé 10,1 Md€ à la SNCF, ce qui correspond à environ la moitié de ses dépenses de fonctionnement.

De plus, l’Etat et les autorités régionales ont subventionné les investissements de la SNCF à hauteur de 6,2 Md€.  

En outre, la charge des intérêts des dettes de la SNCF qui ont été reprises par l’État depuis 2019 (35 Md€) s’est établie à 0,8 Md€.

Enfin, l’État verse une subvention d’équilibre au régime spécial de retraite des cheminots dont le coût budgétaire était de 3,2 Md€ en 2022. Les nouveaux agents recrutés par la SNCF sont affiliés au régime général de sécurité sociale depuis le 1er janvier 2020, mais les agents en poste à cette date gardent le bénéfice de ce régime spécial qui subsiste donc.

A l’exception du transport de fret, qui est relativement peu aidé, la part de marché des concurrents de la SNCF était encore marginale en 2022 (environ 1 %) et il s’agit donc bien de dépenses publiques en faveur de la SNCF pour la quasi-totalité. 

Quel est le coût total de la SNCF pour les contribuables français ? 

Par l’intermédiaire de l’Etat et des autorités régionales, les contribuables (ménages et entreprises) ont ainsi payé, après déduction des dividendes versés à l’Etat (0,4 Md€), un montant de 16,8 Md€ à la SNCF hors subvention au régime spécial de retraite et de 20,0 Md€ avec cette subvention.

Cette charge s’est ajoutée au prix payé par les voyageurs pour acheter des billets (ou par les entreprises pour transporter leur fret) et elle est en partie financée par des ménages et entreprises qui n’utilisent jamais le train.

Ces dépenses publiques sont de nature très diverse (aides au fonctionnement, à l’investissement et au régime social), ce qui fait parfois dire à la direction de la SNCF que « j’additionne des choux et des carottes ». Elle ignore apparemment que, dans le budget de l’Etat (ou des collectivités locales), les recettes équilibrent (en principe) les dépenses budgétaires et que celles-ci sont constituées indistinctement de salaires, d’investissements, de subventions, de prestations sociales… autant de « choux et de carottes » qui doivent être additionnés et parmi lesquels figurent les dépenses en faveur de la SNCF recensées ci-dessus.

Est-ce que ce coût est en augmentation d'années en années ? 

Le coût total était estimé à 13,7 Md€ en 2016 et il a donc augmenté de 46 % de 2016 à 2022 (de 8 % sur la seule année 2022) alors que la valeur du PIB en euros courants s’est accrue de seulement 18 %.

Ce sont les aides à l’investissement qui ont le plus augmenté (elles ont plus que doublé), ce qui est plutôt une bonne chose si on suppose que les investissements ainsi financés ont été pertinents. Mais les subventions de fonctionnement ont tout de même progressé de 35 %. La subvention au régime spécial de retraite est en revanche restée la même.

Comment faire en sorte que la SNCF nous coûte moins cher ? 

Il est normal que l’Etat, ou les collectivités locales, subventionne le transport ferroviaire, notamment parce que les infrastructures ferroviaires sont très lourdes et difficiles à rentabiliser et parce que le transport ferroviaire émet en général moins de carbone que le transport routier. Tous les pays le font mais les subventions par kilomètre et passager en faveur des services dits conventionnés (TER, Transilien et Intercités) sont nettement plus élevées en France que dans les autres pays européens pour une qualité de service qui n’est pas bien meilleure. Ces comparaisons sont toujours délicates mais on peut penser que les coûts de la SNCF sont trop élevés et devraient pouvoir être réduits.

L’ouverture à la concurrence peut y contribuer. Elle existe depuis longtemps sur le transport de fret. Elle a un peu commencé sur les grandes lignes mais la part de marché des nouveaux opérateurs est encore marginale. De premiers appels d’offres ont été lancés pour choisir l’exploitant de lignes régionales mais ils restent à finaliser.

Il ne faut toutefois pas se faire trop d’illusions sur l’impact de cette concurrence sur les coûts. Les concurrents de la SNCF ont besoin d’un accès équitable aux infrastructures dont la SNCF gardera la gestion en situation de monopole. Malgré les efforts de l’autorité de régulation des transports pour rendre cet accès équitable, ce qui pose de difficiles problèmes techniques, la SNCF gardera probablement un avantage concurrentiel. Par ailleurs, les agents de la SNCF en poste sur des lignes affectées à d’autres opérateurs seront transférés à ceux-ci avec presque tous leurs avantages sociaux, ce qui limitera une éventuelle baisse des coûts salariaux.

Pour réduire le coût du transport ferroviaire et améliorer les services rendus, on ne peut sans doute compter que sur la pression des consommateurs et contribuables en espérant qu’elle soit relayée par l’Etat et les régions.

Il faudrait d’abord que les investissements aient vraiment un bénéfice pour la société supérieur à leur coût. Cette évaluation des investissements doit bien sûr tenir compte des émissions de carbone des différents modes de transport mais elle n’est pas toujours favorable au transport ferroviaire.

D’importants gains de productivité sont aussi possibles. Par exemple, la Cour des comptes a publié il y a 15 ans un rapport sur le réseau ferroviaire, que j’ai écrit, où elle observait qu’un système moderne de commande à distance des aiguillages, souvent vétustes, permettrait de faire des économies considérables tout en améliorant la régularité des trains. En 2022, ce projet n’avait quasiment pas avancé. La Cour des comptes avait noté en 2018 que cette modernisation pourrait entrainer une baisse des effectifs de 6 500 agents dans les postes d’aiguillage, ce qui est très probablement le principal obstacle à son avancement.

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