Ce catéchisme woke qui a supplanté les idéaux de gauche au sein de la NUPES<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Jean-Luc Mélenchon et des représentants de la NUPES et des forces de gauche lors d'une conférence de presse en mai 2022.
Jean-Luc Mélenchon et des représentants de la NUPES et des forces de gauche lors d'une conférence de presse en mai 2022.
©Thomas SAMSON / AFP

Bonnes feuilles

François Pupponi publie « La gauche en perdition LFI, EELV, NUPES... La grande dérive » aux éditions du Cerf. Wokiste, indigéniste, séparatiste, communautariste, néoféministe, décolonialiste... Où va la néogauche ? François Pupponi se penche sur la dérive de cette gauche française qui renoue avec ses pires errements, qui piétine les institutions et rêve de grand soir. Extrait 1/2.

François  Pupponi

François Pupponi

Membre du Parti socialiste jusqu'en 2018, ancien député et maire, pendant vingt-deux ans, de Sarcelles, François Pupponi est l'auteur de « La gauche en perdition - LFI, EELV, NUPES... La grande dérive », « Les Émirats de la République – Comment les islamistes prennent possession de la banlieue » et de « Lettre à mes compatriotes musulmans », parus aux Éditions du Cerf.

Voir la bio »

Je pense depuis toujours que la gauche est humaniste, universaliste, attachée à la démocratie. Jamais je n’ai cru qu’elle pouvait emprisonner ceux qui ne pensaient pas comme elle, déporter en foule ses supposés adversaires ou faire exécuter ses opposants.

La gauche, c’est Émile Combes et la laïcité, Jean Jaurès et son combat désespéré contre la guerre, Léon Blum et les congés payés, Jean Moulin et l’unification de la Résistance, Pierre Mendès France et la décolonisation, François Mitterrand et la construction européenne. Je n’ai jamais compris que l’on puisse considérer Lénine, Trotski, Staline ou Mao comme des hommes de gauche. Ni d’ailleurs Brejnev, Pol Pot et Fidel Castro. L’univers concentrationnaire n’est pas une valeur de la gauche.

La gauche est née de la lutte des hommes contre l’oppression. Le XIXe siècle qui l’a vue apparaître sous sa forme moderne est celui des premiers pas de la démocratie, lorsque les États-Unis et une poignée de nations européennes se sont arrachés à l’absolutisme monarchique. Depuis la guerre d’indépendance en Amérique, depuis la Révolution française, et peut-être même la Déclaration des droits en Angleterre, la gauche s’est battue pour donner au peuple une représentation politique, des responsabilités électives, un État de droit. Elle a défendu les libertés fondamentales : la liberté de la presse, la liberté d’expression, la liberté d’entreprendre sont inaliénables. Grâce à elle, une grande partie du monde vit en démocratie, même si toute organisation de la société est indéfiniment perfectible.

Depuis plus d’un siècle, aussi, elle s’efforce d’éradiquer la misère. Aux origines, elle a connu la révolution industrielle, quand les populations fuyaient les campagnes, poussées par la faim, pour venir s’entasser dans les villes, avec l’espoir de trouver du travail. Dès cette époque, elle s’est battue pour que les enfants ne soient plus contraints de pousser des wagonnets au fond des mines, pour que les femmes ne s’épuisent plus sur des métiers à tisser, pour que les ouvriers perçoivent des salaires corrects.

La gauche a contribué à élever le niveau de vie des Français, à offrir aux plus modestes un environnement convenable, des logements décents, un système éducatif performant, des services de santé efficaces, une assurance contre le chômage, des régimes de retraite. Je n’irai pas prétendre que tout est parfait, mais que de chemin parcouru en cinq ou six générations... La misère noire, celle de Victor Hugo, celle d’Hector Malot, celle d’Émile Zola, celle de Francis Carco ou même de Marcel Carné a bel et bien été vaincue : la faim a disparu, l’instruction s’est développée, les classes moyennes ont pris toute leur place, l’espérance de vie s’est considérablement allongée, la France est devenue l’une des nations les plus égalitaires de la planète. Peu de pays dans le monde ont autant apporté à leur population.

Cette gauche, dont on peut légitimement être fier, c’est la social-démocratie.

J’ai milité en son sein pendant presque toute ma vie politique. Ce n’est qu’à la toute fin que je l’ai quittée, et je serais plutôt tenté de dire que c’est elle qui m’a quitté... J’ai adhéré aux Jeunes socialistes quand j’avais quinze ans. J’en ai ensuite passé plus de trente au Parti socialiste. J’ai été chevènementiste avant de rencontrer Dominique Strauss-Kahn dont j’ai par la suite été l’un des partisans plus ardents. Je suis toujours son ami.

Après l’élection d’Emmanuel Macron, j’ai une dernière fois été élu député sous la bannière socialiste. Je n’avais pourtant pas soutenu le candidat de ce parti. Quels que soient mes désaccords avec François Hollande, je n’avais pas supporté le torpillage acharné du Président auquel s’étaient livrés certains responsables de sa propre formation. Je l’ai vécu comme une trahison. Déjà, le PS était engagé dans une dérive vers autre chose. Je ne me reconnaissais pas dans ce discours économique délirant. Je n’aimais pas ce que j’entendais se murmurer dans sa petite musique populiste. Et puis ce suicide en direct, comme si certains s’étaient donné pour mission de détruire ce parti d’Épinay qui avait dominé la vie politique pendant quarante ans, était aussi absurde que peu reluisant.

Estimant que les socialistes s’étaient perdus, j’ai quitté leur groupe parlementaire pour me rapprocher du Modem. Après avoir été attaqué parce que j’étais à la droite du Parti socialiste, je me retrouvais donc à la gauche de François Bayrou. Mais baste ! On peut faire bien des reproches au maire de Pau, sauf de n’être pas démocrate. De plus, à l’image de beaucoup de socialistes parmi les plus illustres, comme Jacques Delors, je suis toujours senti plus proche des centristes que des communistes. La fin de mon mandat de député en est la plus parfaite illustration électorale, la gauche marxiste et les pro-islamistes ayant uni leurs efforts pour me faire battre. J’ai été défait par une coalition rouge/noire.

Lors des dernières consultations, pourtant, la gauche autoproclamée s’est effondrée. Entre la présidentielle de 2012 qui a envoyé François Hollande à l’Élysée et la réélection dix ans plus tard d’Emmanuel Macron, elle a perdu 4 millions d’électeurs. Où sont-ils passés ? Pour l’essentiel, ils ont rejoint Emmanuel Macron, dont ils représentaient en avril 2022 un gros tiers des voix du premier tour. Aux législatives, la fonte était encore plus flagrante : cette fois, 5,6 millions des électeurs de gauche de 2012 manquaient à l’appel, si bien que les formations autoproclamées « de gauche » réalisaient leur score le plus faible de toute l’histoire de la République. Même en avril 1848, sous le gouvernement de Jacques Charles Dupont de l’Eure, la gauche avait fait mieux. En juin 2022, La Nupes séduisait 5,8 millions d’électeurs et les groupuscules trotskistes 266 000. Quant à ce qu’il restait de la pauvre social-démocratie, elle ne réunissait pas plus de 713 000 voix. Pour elle, c’était un désaveu grandement dû à la débâcle d’Anne Hidalgo. C’en était un autre pour la Nupes qui criait pourtant victoire. Une victoire qui lui aurait été volée...

C’est donc un désaveu, mais aussi un symptôme, le second étant en grande partie la cause du premier. Car la gauche française a perdu son âme. Cinquante ans après le congrès d’Épinay, la voilà qui renoue avec ses pires errements. François Mitterrand avait pourtant réussi à remiser le communisme et les derniers oripeaux du marxisme révolutionnaire au magasin des antiquités – souvenez-vous de sa promesse de « plumer la volaille communiste ». Jusqu’à l’élection de François Hollande, la gauche semblait donc disposée à jouer pleinement son rôle d’alternance démocratique dans un pays du camp occidental. C’était hélas une illusion, car voilà la gauche officielle qui rechute, vocifère, s’égosille, bafoue les institutions, braille, piétine, rêve de grand soir, de destruction du capitalisme et brandit de nouveau ses petits poings. Et comme les électeurs la fuient en courant, la Nupes s’aligne sans trop de réserve derrière les idéologies du catéchisme woke.

La nouvelle gauche s’est donc faite indigéniste, séparatiste, communautariste, néoféministe et néo-antiraciale, décolonialiste mais dans le mépris de l’histoire, écologiste à la manière Amish et, à ses marges, pro-islamiste voire antisémite. Du passé faisons table rase : plus personne se réclamant de la social-démocratie ne peut défendre la croissance distributrice de prospérité, la régulation de l’économie de marché, la laïcité, l’égalité des chances, ni même le travail, sans se faire injurier. Tout ce qui a trait à notre civilisation doit être « déconstruit », détruit, incendié, anéanti, mis à sac...

Dans le monde de cette gauche Attila, la réflexion n’a plus sa place. A-t-on entendu parler d’une commission économique, d’un groupe de discussion sur le climat ou de tout autre chose ? Plus personne ne pense, plus personne ne travaille, plus personne ne lit, plus personne ne débat : fidèle à sa culture de l’outrance, cette néogauche s’occupe à instruire des procès de Moscou, à condamner ses hérétiques, à menacer ses contradicteurs et à injurier le reste du monde. Ah ! l’injure, que tous les systèmes totalitaires chérissent et préfèrent à la rhétorique... Dans cet univers, ceux qui ne se soumettent pas religieusement sont des réactionnaires et des fascistes. Personnellement, je ne m’attends à rien d’autre.

Ce n’est pas la première fois que la gauche sort de son cours social-démocrate. Depuis un siècle, elle a connu des dérives dans nombre de pays. Rappelons l’aventure bolchevique, premier régime totalitaire au monde, qui a conduit ses sinistres héros à éliminer ou assassiner les autres courants de la gauche russe, dont les mencheviks et les socialistes révolutionnaires. Dans la foulée, la majorité de la SFIO s’alignait, en France, sur la dictature de Lénine pour fonder le parti communiste français. D’autres avatars de la gauche sont plus étranges, voire plus monstrueux.

Tout d’abord, il ne faut pas oublier que Benito Mussolini vient de la gauche. Il avait été président du Parti socialiste italien. Le fascisme emprunte d’ailleurs une partie de son ADN à la gauche radicale. Sa vision d’un État omnipotent et sa conception de l’individu supposé s’effacer devant le collectif viennent de là. 

Extrait du livre de François Pupponi, « La gauche en perdition LFI, EELV, NUPES... La grande dérive », publié aux éditions du Cerf

Liens vers la boutique : cliquez ICI et ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !