"Cardiff, près de la mer" de Joyce Carol Oates : quatre longues nouvelles qui mêlent angoisse, humour et suspens avec une rare maestria<!-- --> | Atlantico.fr
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"Cardiff, près de la mer" de Joyce Carol Oates est à retrouver aux éditions Philippe Rey.
"Cardiff, près de la mer" de Joyce Carol Oates est à retrouver aux éditions Philippe Rey.
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"Cardiff, près de la mer" de Joyce Carol Oates a été publié aux éditions Philippe Rey.

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Larocque Latour pour Culture-Tops

Isabelle De Laroque Latour est chroniqueuse pour Culture-Tops. Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam, 23 ans, en Master d'école de commerce, et grand amateur de One Man Shows.

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"Cardiff, près de la mer"

De Joyce Carol Oates

Philippe Rey

Parution le 10 mars 2022

445 pages

23 €

Notre recommandation : EXCELLENT

THÈME

Quatre longues nouvelles sans aucun lien entre elles autre que le sentiment de malaise qu’elles provoquent chez le lecteur en lui laissant la possibilité de les interpréter à sa guise. 

Cardiff, près de la mer : Clare, bien qu’adoptée à moins de trois ans par des parents aimants, se demande pourquoi elle a été abandonnée avant d'apprendre qu’elle hérite d’une propriété dans le Maine dans laquelle toute sa famille biologique a été assassinée.

Miao Dao : Mia, une adolescente en butte au harcèlement des garçons de sa classe et guignée par son nouveau beau-père, apprivoise une chatte sauvage qui l’aidera à assurer sa protection.

Comme un fantôme :1972 : Alyce, brillante étudiante « fécondée puis abandonnée » par son chargé de cours, croit trouver le bonheur auprès d’un éminent professeur qui voit en elle son Alice au Pays des Merveilles.

L’enfant survivant : Elisabeth, seconde épouse d’un richissime propriétaire, hantée par le suicide de celle qui l’a précédée, tente de se faire aimer du fils qui lui a survécu.

POINTS FORTS

Ces textes, pourtant ancrés dans une sociologie américaine très moderne, mettent en scène quatre héroïnes qui peinent à faire la part entre rêve et réalité, vérité et faux-semblants ;une dichotomie particulièrement bien servie par le style inimitable de J.C. Oates: rengaine des mêmes mots entre parenthèse, précision des détails cent fois rapportés avec un humour sous-jacent, réitération des pensées personnelles en italique, multiplication d’éléments angoissants suscitant des peurs irraisonnéescomme, par exemple,les toiles d’araignée omniprésentes de la première nouvelle…

Un sens aigu du portrait chez des personnages secondaires soigneusement fouillés : parfois drôles comme les grands tantes de Clare avec leurs chamailleries qui « pic-pic-picore la tête » pour éviter de « parler des choses qui n’ont pas besoin d’être dites », souvent attachants et pitoyables avec leurs blessures secrètes, quelquefois franchement odieux dans leur égoïsme viscéral, leur veulerie ou leur brutalité.

Beaucoup de non-dits mais des suggestions tout juste effleurées qui donnent progressivement de la densité au récit. Ainsi de la tendresse à peine évoquée entre Mia et sa mère qui finira en véritable complicité.

Une culture encyclopédique touchant à tous les domaines de l’art, traitée de façon désinvolte par une universitaire de haut niveau au QI très au-dessus de la moyenne (J.C. Oates appartient àMENSA qui n’accueilleque des surdoués). Les références littéraires sous-tendent la plupart de ces fictions, plus particulièrement L’enfant survivant qui ne peut que renvoyer à la Rebecca de Daphné du Maurier.

QUELQUES RÉSERVES

Un féminisme bien assumé qui frôle parfois le manichéisme. Chez J. C. Oates, tous les hommes ne sont pas des affreux, mais tous les affreux sont des hommes, en particulier son Simon Meech, (le chargé de TD d’Alyce dans la nouvelle la plus noire, Comme un fantôme ) égoïste insensible qui devient dangereux dès qu’il pressent un rival possible et pour qui tout est « sa faute à elle, la faute de la femme ».

ENCORE UN MOT...

On reste en admiration devant la maîtrise d’une dame qui fête actuellement ses 84 ans, capable de mêler sans faiblir angoisse, humour et suspens avec une telle maestria. Bien sûr, ces quatre nouvelles, réunies aujourd’hui en un seul volume, ont déjà fait l’objet de publications antérieures mais la performance est bien là.

UNE PHRASE

Miao Dao 

« C’est arrivé si vite. Mia ne se serait jamais attendue à ça : un frisson de pouvoir. Que cet homme puisse être attaqué dans un domaine qui lui est particulier, sa virilité.

Elle s’en rend compte : le pouvoir de l’homme tient au fait qu’il vous intimide. Mais le pouvoir que vous avez sur lui, c’est celui du rire (…)

Mia claque la porte de la chambre ; pas sous le coup de la peur, mais du rire. » (page 272)

L'AUTEUR

Joyce Carol Oates, née le 16 juin 1938, fait partie des grandes femmes de lettres américaines de notre époque avec plus d’une centaine d’ouvrages à son actif.Particulièrement connue pour des romans comme Eux ( Stock, 2007) ou Blonde (Stock, 2000) mais aussi pour ses innombrables nouvelles, elle est titulaire de très nombreux prix internationaux et a figuré deux fois parmi les finalistes du prix Nobel de littérature.

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